Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Les députés de la commission des affaires sociales ont débuté le 5 avril 2016 l’examen du projet de loi travail, dit « projet de loi El Khomri ».
Finalement, cette commission a adopté le texte le jeudi 7 avril 2016, en y apportant plusieurs modifications suite à l’adoption de nombreux amendements.
Nous avons pris connaissance avec beaucoup des différents amendements qui ont été adoptés par la commission et vous en présentons quelques uns qui ont retenu notre attention, bien entendu c’est une présentation non exhaustive qui vous est proposée aujourd’hui.
Rappelons que l’examen du projet de loi débutera le mardi 3 mai 2016 dans l’hémicycle et que ce n’est qu’au terme des débats et lors de l’adoption de la loi que nous pourrons réellement constater si tous les amendements que nous vous proposons d’aborder aujourd’hui seront repris en l’état ou pas…
Durée du travail
Information des IRP concernant les heures supplémentaires
Un amendement adopté le 4 avril 2016, rétablit l’obligation d’informer les IRP en cas de dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail au titre de circonstances exceptionnelles.
Un autre amendement adopté rétablit également l’information des IRP au titre des heures supplémentaires accomplies dans l’entreprise dans le cadre du contingent annuel et la consultation de ces mêmes instances pour les heures accomplies au-delà du contingent annuel (ces dispositions figurent aujourd’hui à l’article L. 3121-11-1).
Repos quotidien
Un amendement adopté supprime la possibilité de déroger au repos quotidien de 11 heures consécutives, avec la possibilité de le fractionner par accord notamment d’entreprise ou d’établissement.
Cette possibilité de déroger étant admise dans les cas d’urgence renvoyés à décret.
Congés payés
Prise des congés payés
Sans supprimer la période de référence, ni modifier les règles générales relatives aux droits à congés, ni les prérogatives des employeurs, le présent amendement adopté précise que les congés peuvent être pris dès l’embauche du salarié.
Privation des congés payés en cas de faute lourde
Afin de prendre en considération la récente décision du Conseil constitutionnel (voir notre article à ce sujet en cliquant ici), un amendement supprime la privation de l’indemnité de congés payés en cas de rupture pour faute lourde.
Lire aussi : Priver le salarié de ses congés payés en cas de licenciement pour faute lourde n'est pas conforme à la constitution Actualité
Dans une précédente actualité, publiée 21 décembre 2015, nous vous informions que le Conseil constitutionnel devait se prononcer suite à une QPC renvoyée par la Cour de cassation (retrouver cette ...
Responsabilité employeur pour la prise des congés payés
Un autre amendement supprime l’alinéa 196 de l’article 2 du projet de loi, estimant que la disposition initiale contredit une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle il relève de la responsabilité de l’employeur d’assurer la prise des congés par les salariés.
Extrait du document de synthèse des principaux amendements adoptés par la commission des affaires sociales :
ARTICLE 2
Compléter l’alinéa 84 par les deux phrases suivantes :
« Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s’ils existent, donnent leur avis sur les demandes d’autorisation formulées à ce titre. Cet avis est transmis à l’agent de contrôle de l’inspection du travail. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement propose de rétablir la consultation des instances représentatives du personnel prévue aujourd’hui en cas d’autorisation octroyée par la Direccte de dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail en cas de circonstances exceptionnelles.(…)
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement propose de rétablir l’information des institutions représentatives du personnel pour les heures supplémentaires accomplies dans l’entreprise dans le cadre du contingent annuel et la consultation de ces mêmes instances pour les heures accomplies au-delà du contingent annuel. Ces dispositions figurent aujourd’hui à l’article L. 3121-11-1.
EXPOSÉ SOMMAIRE
Il convient de prévoir des cas relevant de l’urgence dans lesquels le repos puisse être prévu différemment des 11 heures consécutives. Il n’est toutefois pas envisageable pour la qualité de vie des salariés et leur possibilité à disposer de leur temps libre que ce repos puisse être fractionné par accord, encore moins d’entreprise ou d’établissement. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer la possibilité de déroger au repos quotidien de onze heures consécutives, sauf dans les cas d’urgence qui sont renvoyés à décret.
EXPOSÉ SOMMAIRE
L’objet du présent amendement reprend l’esprit d’une des dispositions de la proposition de loi n°3029 relative aux droits à congés. Cette proposition visait à assouplir les effets de la période de référence, période au cours de laquelle le salarié acquiert ses congés payés. Car, concrètement, chaque salarié doit d’abord acquérir des droits à congés pendant la période de référence, avant de pouvoir prendre ses congés pendant la période de la prise des congés. Si cette période de référence, comme la période de prise de congés, permettent une gestion collective plus simple des ressources humaines et une adaptation de la prise de congés aux besoins de l’entreprise, les exceptions sont toujours possibles et prévues par le code du travail. Ces exceptions se justifient tant pour éviter aux salariés un temps de présence parfois long dans l’entreprise avant de pouvoir bénéficier des premiers congés que pour mieux prendre en compte les intérêts d’un salarié. ART. 2 N° AS579 2/2 Sans supprimer la période de référence, ni modifier les règles générales relatives aux droits à congés, ni les prérogatives des employeurs, le présent amendement précise que les congés peuvent être pris dès l’embauche du salarié.(…)
ARTICLE 2
À l’alinéa 620, supprimer les mots : « dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été évoquée par la faute lourde du salarié, ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
L’objet du présent amendement reprend l’une des dispositions de la proposition de loi n°3029 relative aux droits à congés. Elle vise à supprimer la perte de congés payés en cas de licenciement pour faute lourde et à, ainsi, intégrer dans la loi les positions concordantes du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation. L’alinéa 620 de l’article 2 prévoit qu’en cas de rupture du contrat de travail, la faute lourde du salarié entraîne la suppression de l’indemnité compensatrice pour la fraction des congés payés acquis mais dont le salarié n’a pas bénéficié. En effet cette suppression pour faute lourde constitue une rupture de l’égalité des salariés devant la loi. C’est ce que le Conseil constitutionnel vient de rappeler dans sa décision n°2015-523. À l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la constitution les mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié ». La Cour de cassation avait déjà rappelé la nécessité de modifier le code du travail en ce sens dans son rapport annuel pour 2013. Car la perte de congés payés en cas de licenciement pour faute lourde prive le salarié de la garantie européenne de quatre semaines de droits à congés telle que prévue par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil de 4 novembre 2003 concernant ART. 2 N° AS580 (Rect) 2/2 certains aspects de l’aménagement du temps de travail. En effet l’article 7 de cette directive fixe les droits à congés payés à quatre semaines au minimum par an.
ARTICLE 2
Supprimer l’alinéa 196.
EXPOSÉ SOMMAIRE Cette disposition contredit une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle il relève de la responsabilité de l’employeur d’assurer la prise des congés par les salariés.
Organisation du temps de travail en l’absence d’accord collectif
L’amendement CE 146 adopté, permet l’organisation du temps de travail, sur une durée supérieure à la semaine, et dans la limite de 12 semaines.
Rappelons que le régime actuel est basé sur 4 semaines, et que le projet de loi prévoyait initialement un aménagement sur 9 semaines.
L’exposé sommaire de l’amendement considère que la durée de 12 semaines, soit un trimestre, permet aux entreprises de planifier son activité et donc adapter ses ressources humaines aux fluctuations attendues.
Extrait amendement CE 146
ARTICLE 2
I. A l’alinéa 149, substituer au mot :
« neuf »
le mot :
« douze »
II. En conséquence, procéder à la même substitution à l'alinéa 132.
EXPOSÉ SOMMAIRE
La possibilité d’aménager le temps de travail sur une période supérieure à la semaine même en absence d’accord d’entreprise est un élément essentiel pour une petite entreprise. Aujourd’hui, cette possibilité est ouverte pour une période de 4 semaines et le projet de loi la porte à 9 semaines ce qui constitue déjà un progrès. Il semble néanmoins nécessaire d’aller un peu plus loin en portant cette période à 12 semaines. C’est en effet à l’échelle du trimestre que l’entreprise peut planifier son activité et donc adapter ses ressources humaines aux fluctuations attendues.
Ouvrir le CPA aux retraités
L’amendement CE 150 adopté, suit les préconisations de France Stratégie relative au déploiement du CPA, l’ouvrant ainsi aux retraités (sous certaines conditions).
Extrait amendement CE 150
EXPOSÉ SOMMAIRE
Comme le préconise la mission de France Stratégie relative au déploiement du CPA, il est plus opportun de prévoir la fermeture du CPA au-delà de la période d’activité de la personne concernée. Non seulement cette disposition sera pertinente lors de la montée en charge du dispositif – par exemple pour faire valoir ses indemnités à la retraite – mais elle permettra de tirer toutes les potentialités du compte d’engagement citoyen.
En effet, il est légitime qu’une personne retraitée, effectuant des activités citoyennes ou associatives, puissent capitaliser le fruit de cette activité sur son CEC, et par exemple avoir accès à des formations qui amélioreront son engagement associatif (maîtrise des risques juridiques de la gestion d’une association, notions de comptabilité privée, etc.
Autres sujets…
Licenciement économique
Sur ce sujet, la commission des affaires sociales instaure un régime spécifique pour les TPE et le PME, en prévoyant notamment une échelle concernant la baisse du chiffre d’affaires ou du carnet de commandes, selon l’effectif de l’entreprise, pouvant motiver un licenciement économique.
La baisse des éléments précités serait ainsi fixée à :
- 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
- 2 trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 à 49 salariés ;
- 3 trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 à 299 ;
- 4 trimestres pour les entreprises de 300 salariés et plus.
Pour ceux qui militent pour une limitation des seuils d’effectif dans les dispositions du code du travail, ce serait un nouveau barème qui serait ainsi instauré.
Nota : la commission des affaires sociales supprime la possibilité de conclure un accord de branche qui fixerait une durée inférieure pour caractériser l’existence de difficultés économiques.
Nous noterons également que les critères de baisse de chiffre d’affaires ou du carnet de command ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres critères pouvant également être invoqués comme les pertes d’exploitation, une situation dégradée de la trésorerie ou de l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation).
Accord offensif et refus du salarié
Les accords offensifs, c’est-à-dire les accords en faveur de l'emploi permettant à une entreprise d’ajuster son organisation pour répondre à des objectifs de préservation ou de développement de l'emploi.
Cet accord majoritaire primerait sur le contrat de travail.
L’amendement qui a été adopté confirme qu’en cas de refus du salarié, un licenciement sera prononcé selon les modalités de la procédure applicable au licenciement individuel pour motif économique.
Bons d’achat offerts aux salariés
2 points nous semblent importants de mettre en avant :
- Un nouvel article serait inséré dans le code de la sécurité sociale, permettant de sécuriser l’actuelle tolérance de l’URSSAF sur les cadeaux et bons d’achat offerts aux salariés ;
- D’autre part le seuil actuel de 5% du PMSS de sécurité sociale serait porté à 10% de ce même plafond.
Congé au titre du décès d’un enfant
Le congé (dénommé actuellement « absence exceptionnelle ») prévoit une absence rémunérée de 2 jours lors du décès d’un enfant.
Un amendement adopté porte cette durée à 5 jours.
Protection vis-à-vis du licenciement
La période de protection dont bénéficient les salariées au retour d’un congé de maternité passerait de 4 à 10 semaines.
Références
Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, n° 3600, déposé le 24 mars 2016 (mis en ligne le 24 mars 2016 à 20 heures 40) et renvoyé à la commission des affaires sociales
Adoption, le 7 avril 2016, du projet de loi par la commission des affaires sociales.