Le projet de loi travail analysé par la commission des affaires européennes

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Temps de travail

Le projet de loi travail analysé par la commission des affaires européennes
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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons pris connaissance du rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes le 7 avril 2016, concernant la loi travail, et la conformité de certains articles ou dispositifs avec les dispositions européennes.

Rappelons que l’examen du projet de loi débutera le mardi 3 mai 2016 dans l’hémicycle. 

Comparatif projet de loi et directive européenne

Débutons notre analyse sur les dispositions prévues par le projet de loi et leurs conformités avec la directive européenne de 2003 sur l’aménagement du temps de travail.

Les tableaux suivants abordent les dispositions contenues dans l’article 2 du projet de loi, qui traite du temps et de l’organisation du temps de travail, au regard de leur compatibilité avec la directive 2003/88/CE.

Temps de pause 

Disposition modifiée ou créée dans le code du travail par le projet de loi

Rappel directive 2003/88/CE

Art. L.3121-15 : dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.

Art. 4 : dès que le travail journalier est supérieur à 6 heures, le travailleur bénéficie d’un temps de pose fixé par convention collective ou par la législation

Nota : si le projet de loi était adopté en l’état, nous aurions une modification dans la numérotation du code du travail, l’article L 3121-15 évoquant actuellement les contingents en matière d’heures supplémentaires. 

Temps de repos 

Disposition modifiée ou créée dans le code du travail par le projet de loi

Rappel directive 2003/88/CE

Art. L.3131-1 : tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 et en cas d’urgence dans des conditions déterminées par décret.

Art. 3 : au cours de chaque période de 24 heures le travailleur bénéficie d’une période de repos minimale de 11 heures consécutives

Durée maximale quotidienne et hebdomadaire 

Disposition modifiée ou créée dans le code du travail par le projet de loi

Rappel directive 2003/88/CE

Art. L.3121-17 : la durée quotidienne de travail effectif par le salarié ne peut excéder 10 heures sauf dérogation

Art. L.3121-18 : une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.

Art. 5 : la directive prévoit une durée minimale de repos de 11 heures

Art. L.3121-19 : au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.

Art. L.3121-20 : en cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci, le dépassement de la durée maximale définie à l’article L. 3121-19 peut être autorisé par l’autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, dans la limite de soixante heures.

Art. L.3121-21 : la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3121-22 à L. 3121-24.

Art. 6 : la durée hebdomadaire de travail est limitée pour une période de 7 jours à 48 heures

 L’adoption définitive du projet de loi travail conduirait à une modification et à des ajouts à l’actuel code du travail. 

Durée légale du travail 

Disposition modifiée ou créée dans le code du travail par le projet de loi

Rappel directive 2003/88/CE

Art. L.3121-2 : la durée légale du travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Art. L.3121-27 : toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale, ou le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Art.L.3121-28 : les heures supplémentaires se décomptent par semaine.

Art. 6 : la durée hebdomadaire du travail est limitée au moyen de dispositions législatives ou par accord collectif

La durée moyenne du travail pour une période de 7 jours n’excède pas 48h

Art. L.3121-26 : la durée légale effective du travail est fixée à trente-cinq heures par semaine. Toute heure accomplie au-delà de cette durée entre dans la catégorie des heures supplémentaire

Art. 6 : la durée moyenne du travail ne dépasse pas quarante-huit heures, y compris pour les heures supplémentaires

Nota : si le projet de loi était adopté en l’état, nous aurions une modification dans la numérotation du code du travail, l’article L 3121-2 évoque le temps nécessaire à la pause et restauration et l’assimilation ou pas à du temps de travail effectif.

Travail de nuit

Disposition modifiée ou créée dans le code du travail par le projet de loi

Rappel directive 2003/88/CE

Art. L.3122-6 : la durée quotidienne du travail accompli par un travailleur de nuit ne peut excéder huit heures, sauf dans cas prévus par la loi.

Art. L.3122-7 : la durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit, calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives, ne peut dépasser quarante heures, sauf dans les cas prévus à l’article L. 3122-18.

Art. L.3122-8 : le travailleur de nuit bénéficie de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles il est employé, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale.

Art. 8 : le travail de nuit ne dépasse pas 8 heures

Art. 13 : concernant le rythme de travail, les États membres s’assurent que le principe d’adaptation du travail à l’homme est respecté

Nota : si le projet de loi était adopté en l’état, nous aurions une modification dans la numérotation du code du travail, l’article L 3122-6 évoque par exemple la répartition des horaires sur une durée supérieure à la semaine et dans la limite d’une année.


Congés payés

Disposition modifiée ou créée dans le code du travail par le projet de loi

Rappel directive 2003/88/CE

Art. L.3141-3 : le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.

Art. 7 : congé annuel d’au moins 4 semaines

A titre de rappel, le code du travail ne répond toujours pas à l’article 7 de la directive européenne, voir notre récent article à ce sujet en cliquant ici.

CPA (Compte Personnel d’Activité)

Dans les conclusions adoptées par la présente commission, nous noterons concernant l’accumulation des droits contenus dans le futur CPA, que la commission considère qu’il est important de préciser dans le texte de loi les points suivants :

  • Les droits acquis seront maintenus même en cas de départ à l’étranger du titulaire ;
  • L’accumulation des droits se fera même si le lieu d’exercice du contrat est dans un autre pays de l’Union européenne, notamment pour les travailleurs détachés et frontaliers ;
  • Dans le cas de l’apprentissage, si la formation en entreprise est effectuée dans un autre pays de l’Union dans le cadre d’une formation française, celle-ci donne les mêmes droits que les formations effectuées en France dans le cadre du CPA.

Concernant l’utilisation des droits contenus dans le CPA, la commission considère qu’il convient :

  • De s’assurer que l’utilisation des droits contenus dans le CPA pour effectuer une formation dans un autre pays de l’Union européenne soit possible ;
  • De s’assurer que l’utilisation des droits contenus dans le CPA lorsque le titulaire du CPA n’est ni titulaire d’un contrat de travail français ni affilié à pôle emploi soit possible ;
  • De clarifier le lien entre la validation des trimestres de retraite dans le cadre du C3P (Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité) et la portabilité des droits à la retraite dans les autres pays de l’Union, conformément aux règlements de coordination, et ainsi de s’assurer que ces trimestres seront bien validés dans les autres pays membres en cas de validation d’une retraite dans un autre pays membre.
  • De mener une réflexion au niveau européen sur la portabilité du droit à la formation

Extrait du rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes le 7 avril 2016

CONCLUSIONS ADOPTÉES

(…) Considérant que le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs contient des avancées majeures mais doit être envisagé dans son contexte européen, et notamment prendre en compte les spécificités liées à la mobilité des actifs,

1. Concernant l’accumulation des droits contenus dans le compte personnel d’activité (CPA) à l’article 21, considère qu’il est important de préciser dans le texte de loi que :

- les droits acquis seront maintenus même en cas de départ à l’étranger du titulaire ;

- l’accumulation des droits se fera même si le lieu d’exercice du contrat est dans un autre pays de l’Union européenne, notamment pour les travailleurs détachés et frontaliers ;

- dans le cas de l’apprentissage, si la formation en entreprise est effectuée dans un autre pays de l’Union dans le cadre d’une formation française, celle-ci donne les mêmes droits que les formations effectuées en France dans le cadre du CPA ;

2. Concernant l’utilisation des droits contenus dans le compte personnel d’activité (CPA), considère :

- qu’il convient de s’assurer que l’utilisation des droits contenus dans le CPA pour effectuer une formation dans un autre pays de l’Union européenne soit possible ;

- qu’il convient de s’assurer que l’utilisation des droits contenus dans le CPA lorsque le titulaire du CPA n’est ni titulaire d’un contrat de travail français ni affilié à pôle emploi soit possible ;

- qu’il convient de clarifier le lien entre la validation des trimestres de retraite dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et la portabilité des droits à la retraite dans les autres pays de l’Union, conformément aux règlements de coordination, et ainsi de s’assurer que ces trimestres seront bien validés dans les autres pays membres en cas de validation d’une retraite dans un autre pays membre.

3. Qu’il convient de mener une réflexion au niveau européen sur la portabilité du droit à la formation

4. Concernant la plateforme en ligne prévue à l’article 22, considère que son contenu doit être étendu à l’information sur les droits à la mobilité européenne ;

5. Concernant les dispositions visant à renforcer la fraude au détachement des travailleurs, considère :

- qu’il convient de s’assurer de la compatibilité avec la législation européenne de la contribution pécuniaire prévue à l’article 46 visant à compenser les coûts administratifs engendrés par le détachement en France de salariés par des employeurs établis à l’étranger, dont devra s'acquitter tout employeur établi hors de France qui détache un salarié en France ;

- qu’il convient d’anticiper la future législation européenne sur le détachement d’intérim en modifiant l’article L.1262-2 du code du travail, en le complétant par l’alinéa suivant : « les conditions d’emploi et de travail applicables aux salariés mentionnés à l’alinéa précédent sont identiques à celles des salariés des entreprises exerçant une activité de travail temporaire établies sur le territoire national. »

Références

Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes portant observations sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n°3600),et présenté par M. PHILIP CORDERY, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2016

Directive 2003/88/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail