Rupture conventionnelle et transaction peuvent-elles faire bon ménage ?

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Rupture conventionnelle

Rupture conventionnelle et transaction peuvent-elles faire bon ménage ?
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Un récent arrêt de la Cour de cassation a retenu toute notre attention, raison pour laquelle nous vous proposons le présent article.

Etait ainsi abordée la liaison éventuelle entre une rupture conventionnelle et une transaction. 

Rappel de quelques principes généraux

La rupture conventionnelle 

C’est la loi LMMT (Loi de Modernisation Marché du Travail), loi n° 2008-596 du 25/06/2008, JO du 26/06/2008 qui a mis en place ce nouveau mode de rupture du contrat de travail. 

Extrait de la loi :

Rupture conventionnelle

« Art.L. 1237-11.-L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. (...) Art.L. 1237-13.-La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9.

  

Ce mode de rupture repose sur le consentement des deux parties concernées (employeur et salarié).

Article L1237-11

Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5

L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

  

La transaction 

La transaction n'est pas un mode de rupture. Elle ne peut intervenir qu'une fois la rupture du contrat effective et définitive, quel que soit le type de rupture concerné.

Elle a pour objectif de mettre fin à un litige né ou à naître entre le salarié et l’employeur.

Il s’agit d’un contrat obligatoirement établi par écrit, comme le confirme l’article 2044 du code civil. 

Article 2044

Créé par Loi 1804-03-20 promulguée le 30 mars 1804

La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit.

  

Dans le cadre d’une transaction, le salarié signe généralement un document dans lequel il renonce à poursuivre l’employeur, sous réserve qu’une indemnité lui soit versée.

L’intérêt est partagé car :

  • Le salarié obtient une somme tout de suite au lieu d’attendre une longue procédure ;
  • L’employeur évite un procès incertain.

L’affaire concernée

Un salarié est engagé le 1er septembre 1991 en qualité de responsable de résidence statut cadre par une association.

Depuis le 3 mai 2002 il est délégué syndical, et depuis le 3 décembre 2008 conseiller prud'hommes.

Le 9 juin 2009, les deux parties signent une convention de rupture autorisée par l'inspecteur du travail le 1er septembre 2009, l'autorisation leur ayant été notifiée le 3 septembre 2009.

Le 4 septembre 2009, une transaction est conclue aux termes de laquelle, notamment, le salarié renonce à l'ensemble de ses droits, actions et prétentions dont il pourrait disposer au titre de la rupture de son contrat de travail en contrepartie du versement d'une indemnité.

Mais le salarié saisit la juridiction prud'homale d’une demande en annulation à la fois de la rupture conventionnelle mais également de la transaction conclue après la rupture conventionnelle et qui, selon le salarié, serait antidatée et conclue en réalité avant même la délivrance de l’autorisation administrative.

L’arrêt de la cour d’appel

Dans un arrêt rendu le 17 avril 2012, les juges de la Cour d’appel d’Amiens déboutent le salarié de ses demandes.

Demande annulation de la rupture conventionnelle 

Les juges considèrent que la rupture conventionnelle, par ailleurs autorisée par l’inspection du travail, n’avait entrainé la cessation des relations contractuelles qu’au lendemain de la notification de l’inspection du travail, ne remettant ainsi pas en cause sa licéité.  

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en annulation de la rupture conventionnelle, l'arrêt, après avoir constaté que celui-ci avait la qualité de délégué syndical et de conseiller prud'hommes et que la rupture avait été autorisée par l'inspecteur du travail le 1er septembre 2009, retient, par motifs propres et adoptés, qu'à supposer que le juge judiciaire puisse se faire juge de la légalité de l'autorisation administrative, notamment quant à l'absence de vice de consentement, d'une part, qu'il n'est justifié d'aucun vice susceptible d'avoir altéré le consentement de l'intéressé, d'autre part, que les relations contractuelles ont cessé le 3 septembre 2009, soit postérieurement au délai d'un jour suivant l'autorisation de l'inspecteur du travail prévu par l'article L. 1237-15 du code du travail ;

  

Demande annulation de la transaction 

De même, la cour d’appel ne remet pas en cause la transaction conclue après la rupture conventionnelle, relevant que la transaction avait été signée le 4 septembre 2009, soit le lendemain de la notification par l’inspection du travail de l’autorisation de la rupture conventionnelle.

D’autre part, les juges ne relèvent aucun élément permettant de considérer que l’acte transactionnel signé le 4 septembre 2009 aurait été antidaté. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la transaction, l'arrêt, après avoir relevé qu'aux termes de celle-ci l'intéressé renonçait à engager une action judiciaire en rapport avec la rupture des relations de travail en contrepartie du versement d'une indemnité, retient qu'aucun élément ne permet de considérer que l'acte transactionnel signé le 4 septembre 2009 aurait été antidaté et que la transaction serait en réalité intervenue avant même la délivrance par l'autorité administrative de l'autorisation de recourir à une rupture conventionnelle ; 

  

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 avril 2012, entre les parties, par la Cour d'appel d'Amiens. 

Demande annulation de la rupture conventionnelle 

Sur ce point, la Cour de cassation considère que la cour d’appel aurait dû se déclarer incompétente pour connaitre de la validité de la rupture conventionnelle.

En d’autres termes, la Cour de cassation précise dans le présent arrêt que :

  • Seul le juge administratif est compétent lorsque la rupture conventionnelle a été conclue avec un salarié protégé ;
  • Le juge judiciaire ne peut pas se prononcer sur la validité de la rupture conventionnelle autorisée par l'inspecteur du travail, y compris lorsque la contestation porte sur la validité du consentement du salarié, et doit de ce fait se déclarer incompétent. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle aurait dû se déclarer incompétente pour connaître de la validité de la rupture conventionnelle autorisée par l'inspecteur du travail et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

  

Demande annulation de la transaction 

La Cour de cassation casse et annule également l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, relevant que la transaction, pour être reconnue licite, devait avoir pour objet de régler un différend relatif à l’exécution du contrat de travail et non à sa rupture.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la transaction conclue entre le salarié et l'employeur avait pour objet de régler un différend relatif non pas à l'exécution du contrat de travail mais à sa rupture, ce dont elle aurait dû en déduire la nullité, la cour d'appel a violé les textes susvisés (…)

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la transaction ;

DIT que la transaction conclue le 4 septembre 2009 est nulle ;

Renvoie, pour le surplus, les parties à mieux se pourvoir ;

  

Quelles sont les conséquences ?

Sans remettre en cause la possibilité de conclure une transaction après une rupture conventionnelle, la Cour de cassation par son arrêt du 26 mars 2014 précise que cette transaction doit obéir à 2 conditions cumulatives : 

  1. La transaction ne peut intervenir qu’après homologation de la convention de rupture par l’autorité administrative (homologation de la DIRECCTE s’il s’agit d’un salarié non protégé ou autorisation de l’inspection du travail si le salarié est protégé comme dans la présente affaire) ;
  2. La transaction ne doit en aucun cas viser à régler un différend relatif à la rupture du contrat de travail mais à son exécution et sur des éléments non compris dans la convention de rupture. 

Dans l’affaire présente, la première condition était remplie, ce n’est pas le cas pour la seconde, la transaction ayant pour objet de régler un litige portant sur la rupture du contrat de travail.

Référence

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 26 mars 2014 N° de pourvoi: 12-21136