Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
La Cour de cassation vient de rendre public son rapport annuel pour 2013, le vendredi 23 mai 2014, après l’avoir remis au préalable à la garde des Sceaux le 16 mai 2014.
Comme elle en a l’habitude, la plus haute juridiction préconise des modifications législatives.
Compte tenu des nombreuses et importantes modifications souhaitées par la Cour de cassation, nous consacrons le présent article uniquement aux arrêts maladie et accident du travail.
Dans une prochaine actualité, nous aborderons le sort des congés payés en cas de licenciement pour faute lourde, et terminerons notre série d’articles, au cas particulier du report des congés payés suite à des arrêts de travail pour maladie, accident du travail ou maladie professionnelle.
Le principe de base
Pour toutes les modifications souhaitées par la Cour de cassation (abordées dans cet article mais également dans les prochains), la Cour de cassation relève que ces changements répondent à la nécessaire mise en conformité, de la législation « interne » en matière de congés payés.
Elle précise également que la direction des affaires civiles et du sceau est à chaque fois favorable à ces propositions mais qu’elles relèvent de la compétence du ministère du travail.
Acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie non-professionnelle
Rappel de la situation actuelle pour les arrêts maladie
Sauf dispositions conventionnelles ou usages plus favorables, le salarié en arrêt de maladie non-professionnelle n’acquiert pas de droit aux congés payés.
Rappel de la situation actuelle pour les arrêts suite à accident de trajet
Légalement, l’acquisition de jours de congés payés n’est pas prévue lorsque l’arrêt de travail est consécutif à un accident de trajet.
On notera néanmoins 2 arrêts à ce propos, de la Cour de cassation et de la CJUE, qui contredisent cette disposition légale, assimilant à une période de travail effectif l’arrêt de travail faisant suite à un accident de trajet.
Arrêt de la Cour de cassation du 3/07/2012, pourvoi 08-44834
Arrêt de la CJUE du 24 janvier 2012, affaire C 282/10
Une modification nécessaire selon la Cour de cassation
S’appuyant sur le fait que la CJUE n’autorise aucune distinction entre les salariés en arrêt de maladie et ceux qui sont en suspension du contrat de travail en raison d’un accident de trajet, un accident du travail ou une maladie professionnelle, la Cour de cassation considère que l’article L 3141-5 du code du travail devrait être modifié afin d’assimiler l’arrêt de travail pour maladie à une période de travail effectif permettant l’acquisition de congés payés.
Extrait du rapport annuel
Congés payés et droit communautaire (adaptation des règles légales de droit interne) – Congé maladie
La CJUE n’autorise aucune distinction entre les salariés en situation de maladie et les autres travailleurs en matière de congés payés (CJCE, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e. a., C-350/06, points 37 à 41) et, saisie d’une question préjudicielle par la Cour de cassation, elle ajoute qu’aucune distinction ne doit être faite en fonction de l’origine de l’absence du travailleur en congé maladie (CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10).
La Cour de cassation a alors sollicité, après un renvoi préjudiciel (CJUE, 24 janvier 2012, affaire C-282/10), le principe de l’interprétation conforme pour assimiler certaines périodes, apparemment exclues, afin d’assurer le droit aux congés payés, par exemple aux salariés ayant subi un accident de trajet (Soc., 3 juillet 2012, pourvoi no 08-44.834, Bull. 2012, V, no 240).
Or, la limite de l’interprétation conforme est atteinte en matière d’arrêts maladie non professionnels (Soc., 13 mars 2013, pourvoi no 11-22.285, Bull. 2013, V, no 73).
Il est donc proposé de modifier l’article L. 3141-5 du code du travail afin d’éviter une action en manquement contre la France et des actions en responsabilité contre l’État du fait d’une mise en œuvre défectueuse de la directive.
La question quant au devenir des congés payés issus purement du droit interne, qui viennent s’ajouter aux quatre semaines issues de la directive, devra également être résolue. Si une distinction entre les sources des droits à congés était retenue, celle-ci pourrait modifier les règles d’imputation (la Cour de cassation s’est d’ailleurs déjà engagée dans cette voie sur la base des dispositions légales relatives au compte épargne-temps : Soc., 25 septembre 2013, pourvoi no 12-10.037, Bull. 2013, V, no 213). Il est donc suggéré au législateur de fixer de façon claire la (ou les) règle(s) applicable(s).
La direction des affaires civiles et du sceau est favorable à cette proposition mais précise qu’elle relève de la compétence du ministère du travail.
Acquisition des congés payés en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle
Rappel de la situation actuelle
Tout salarié en arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle continue à acquérir un droit aux congés payés.
Toutefois, cette disposition est admise dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an.
Article L3141-5
Modifié par LOI n°2012-1404 du 17 décembre 2012 - art. 94
Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
1° Les périodes de congé payé ;
2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;
3° Les contreparties obligatoires en repos prévues par l'article L. 3121-11 du présent code et l'article L. 713-9 du code rural et de la pêche maritime ;
4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3122-2 ;
5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque
Une modification attendue par la Cour de cassation
Selon la Cour de cassation, cette limite pour l’acquisition des congés payés n’est pas conforme au caractère inconditionnel des congés payés, issu de la directive de 2003.
Extrait du rapport annuel
Congés payés et droit communautaire (adaptation des règles légales de droit interne – Accident du travail et maladie professionnelle)
Il est encore suggéré de modifier l’article L. 3141-5 du code du travail afin de se mettre en conformité avec le droit communautaire. En effet, cet article limite l’acquisition des droits à congés payés par un salarié en situation de congé pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle à une période ininterrompue de un an. Le caractère inconditionnel des congés payés issu de la directive communautaire 2003/88 précitée paraît heurter ce texte. De plus, la CJUE admet clairement la possibilité pour un salarié malade de cumuler les droits à congés payés annuels sur plusieurs années (CJUE, arrêt du 22 novembre 2011, KHS, C-214/10). La solution retenue par la CJUE n’est pas une limite à l’acquisition des droits à congés mais une possibilité de perte des droits acquis lorsqu’ils ne sont pas exercés au terme d’une période de report, laquelle doit dépasser de façon significative la période de référence (CJUE, même arrêt, point 35), laquelle est a priori de quinze mois (CJUE, même arrêt) 1.
La direction des affaires civiles et du sceau est favorable à cette proposition mais précise qu’elle relève de la compétence du ministère du travail.
Référence
Extrait du rapport annuel 2013 de la Cour de cassation, document rendu public le vendredi 23 mai 2014