Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Un récent arrêt de la Cour de cassation a retenu notre attention, raison pour laquelle nous vous proposons le présent article.
Dans cet arrêt est abordée la délicate articulation entre le respect du délai de prévenance légal que l’employeur doit respecter en cas de rupture de la période d’essai et le terme de ladite période elle-même.
L’affaire concernée
Un salarié est engagé à compter du 17 janvier 2011 en qualité de directeur commercial avec une période d'essai de 3 mois renouvelable.
Par lettre du 8 avril 2011, son employeur met fin à la période d'essai à compter du 22 avril suivant.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant que son contrat était devenu définitif et qu'en l'absence de procédure de licenciement, la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’arrêt de la cour d’appel
Dans son arrêt du 26/03/2013, la Cour d'appel de Metz déboute le salarié de sa demande.
Les juges considèrent en l’espèce que le contrat de travail avait été rompu pendant la période d’essai.
Leur raisonnement repose sur les faits suivants :
- La période d’essai de 3 mois devait prendre fin le 16 avril 2011 (NDLR : elle avait débuté le 17 janvier) ;
- L’employeur avait notifié la rupture de la période d’essai le 8 avril 2011 ;
- Le salarié avait bénéficié en l’occurrence du délai de prévenance de 2 semaines, prévu légalement, ce qui correspondait à la période allant du 8 au 22 avril 2011 ;
- La rupture qui s’effectuait le 22 avril 2011, se faisait dans le cadre « d’une rupture de période d’essai » et non dans le cadre d’un licenciement.
En d’autres termes, seul comptait le fait que la rupture avait été notifiée pendant la période d’essai, peu importait le fait que la rupture se soit produite au-delà de la fin initialement prévue de la période d’essai (soit au 16 avril 2011).
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour décider que le contrat de travail avait été rompu pendant la période d'essai et débouter le salarié de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt, après avoir relevé que la période d'essai de trois mois prenait fin le 16 avril 2011, retient que le salarié a bénéficié du délai de prévenance de deux semaines auquel il pouvait prétendre, du 8 avril au 22 avril 2011, l'employeur lui ayant notifié par lettre du 8 avril 2011 que son essai n'était pas concluant et que, pour respecter le délai légal de prévenance de quinze jours, son contrat de travail serait rompu à compter du 22 avril 2011 ;
L’arrêt de la Cour de cassation
Mais les juges de la Cour de cassation ne sont pas du même avis, ils cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel.
Se fondant sur les termes de l’article L 1221-25 du code du travail, ils rappellent que le délai de prévenance ne doit pas avoir pour effet de porter le terme de la période d’essai au-delà de la durée maximale légale.
Les juges considèrent ainsi que le terme de la période d’essai prime sur le respect du délai de prévenance.
Par voie de conséquence, la relation de travail s’était poursuivie au-delà du terme de la période d’essai, confirmant ainsi le point de vue du salarié qui considérait qu’un licenciement abusif et irrégulier (aucune procédure de licenciement n’avait été engagée) avait été pratiqué en l’espèce.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la relation de travail s'était poursuivie au-delà du terme de la période d'essai, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif et irrégulier, l'arrêt rendu le 26 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Les conséquences ?
Elles sont, selon nous, très importantes.
Il convient ainsi d’agir avec la plus grande prudence en veillant à la foi au respect du terme de la période d’essai mais aussi au respect du délai de prévenance prévu légalement.
Quelques rappels
- Une période légale avec des durées maximales
Depuis la loi LMMT (Loi de Modernisation du Marché du Travail du 25/06/2008, Jo du 26/06/2008), une période d’essai légale a été instauré.
Des durées initiales maximales ont ainsi été fixées :
Catégories personnel | Durée initiale maximum |
---|---|
Ouvrier et employé | 2 mois |
TAM | 3 mois |
Cadres | 4 mois |
Article L1221-19
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)
Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :
1° Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;
2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;
3° Pour les cadres, de quatre mois.
- Un délai de prévenance
La même loi LMMT instaure un délai de prévenance à respecter par chaque partie concernée, dont la durée dépend du temps de présence du salarié dans l’entreprise
Présence dans l’entreprise | Délai prévenance | |
---|---|---|
Rupture de l’employeur | Rupture du salarié | |
7 jours maxi | 24 heures | 24 heures |
8jours à 1 mois | 48 heures | 48 heures |
Après 1 mois | 2 semaines | 48 heures |
Après 3 mois | 1 mois | 48 heures |
- Un délai de prévenance dont la durée est limitée
Précision importante apportée par la loi, et que la Cour de cassation rappelle dans le présent arrêt : la période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance
- Non-respect du délai de prévenance
Comme nous vous l’indiquions dans une précédente actualité, le non-respect du délai de prévenance par l’employeur contraint ce dernier au versement d’une indemnité compensatrice dont la valeur correspond aux salaires que le salarié aurait perçus s’il avait été présent jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise (retrouver notre actualité en détails en cliquant ici .
Article L1221-25
Modifié par ORDONNANCE n°2014-699 du 26 juin 2014 - art. 19
Lorsqu'il est mis fin, par l'employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d'essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l'article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d'essai d'au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;
2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;
3° Deux semaines après un mois de présence ;
4° Un mois après trois mois de présence.
La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.
Lorsque le délai de prévenance n'a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.
La procédure souhaitable
Si nous reprenons l’affaire que nous abordons aujourd’hui, l’employeur devait prendre en considération les différents points suivants :
- La période d’essai est conclue pour une durée de 3 mois, débutant le 17 janvier 2011 elle doit s’achever le 16 avril 2011 ;
- L’employeur notifie la rupture de la période d’essai le 8 avril 2011 ;
- Le salarié est présent dans l’entreprise depuis plus d’un mois mais moins de 3 mois, sa rupture ouvre droit à un délai de prévenance de 2 semaines ;
- Ce délai de prévenance ne doit pas avoir pour effet de porter la période d’essai au-delà de sa durée initiale maximale, soit le 16 avril 2011.
- La période d’essai s’achève comme prévu le 16 avril 2011 ;
- L’employeur verse au salarié une indemnité compensatrice pour la période allant du 17 avril 2011 au 22 avril 2011 inclus, pour non respect du délai de prévenance (NDLR : ou au titre de la privation d’un délai de prévenance auquel il pouvait prétendre) ;
- Cette indemnité compensatrice correspond aux salaires qui auraient été versés si le salarié avait été présent, à laquelle s’ajoute une indemnité compensatrice au titre des congés payés.
Référence
Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du mercredi 5 novembre 2014
N° de pourvoi: 13-18114
Publié au bulletin