Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
- Licenciement pour faute grave : le salarié ne doit pas travailler après la notification de licenciement !
- Refuser d’accepter par avance un changement d’employeur ne justifie pas un licenciement
- Prime d’objectifs : si les informations n’ont pas été portées à la connaissance du salarié en début d’exercice, la valeur maximale est due
- Attention à ne pas avertir un salarié de son licenciement par téléphone avant l’envoi de la lettre
Un récent arrêt de la Cour de cassation a retenu notre intérêt, et cela pour 2 raisons.
L’importance de l’arrêt prononcé par les juges de la Cour de cassation mais également les circonstances pour le moins « cocasses » du contexte.
Voilà ce que nous vous proposons de découvrir dans la présente affaire.
Présentation du contexte
Un salarié est engagé le 15 septembre 1982 en qualité de menuisier poseur.
Il est licencié pour faute grave le 14 décembre 2009, après avoir fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire.
Son employeur lui reproche à cette occasion d’avoir tenus des propos insultants à son égard.
Une erreur sur le numéro de téléphone
Dans cette affaire, le salarié pensait téléphone à un de ses amis, mais avait en fait composé par erreur le numéro de téléphone de son… employeur.
Croyant ainsi s’adresser à son ami, il lui avait ainsi dit «il ne sait pas encore s'il aura le camion mon balourd de patron ».
Manque de chance, outre l’erreur de numéro de téléphone, son supérieur hiérarchique était en repas d’affaire avec 2 courtiers en assurance et la fonction « haut-parleur » du téléphone portable était actionnée de sorte que tous les convives pouvaient assister à cet échange pour le moins surprenant.
Le salarié plaide l’erreur
Ne contestant pas le fait qu’il avait prononcé les mots rapportés, le salarié saisit la juridiction prud’homale estimant que son licenciement pour faute grave n’était pas licite.
Il pensait échanger avec un ami et il ne pouvait lui être reproché d’avoir insulté son employeur.
Extrait de l’arrêt :
(…) le salarié admet avoir dit à son supérieur hiérarchique en croyant téléphoner à un ami : « il ne sait pas encore s'il aura le camion mon balourd de patron » ; l'appel s'est déroulé alors que le supérieur hiérarchique était en repas d'affaire avec deux courtiers en assurance ; ces personnes ont entendu les propos du salarié car la fonction haut-parleur du téléphone portable du supérieur hiérarchique était actionnée ; le salarié ne pensait pas parler à son supérieur et ignorait que ce dernier était en repas d'affaire et que les convives pouvaient entendre la conversation ;
L’arrêt de la cour d’appel
Dans son arrêt du 14 septembre 2012, la Cour d'appel de Lyon déboute le salarié de sa demande, estimant son licenciement pour faute grave totalement fondé, eu égard à un propos insultant de sa part envers son employeur.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, la cour d'appel retient qu'est avéré un propos insultant du salarié envers l'employeur ;
L’arrêt de la Cour de cassation
Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule dans toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel.
Constatant le fait que le salarié pensait s'adresser par téléphone non à son supérieur hiérarchique mais à un ami, il en résultait que les propos incriminés ne pouvaient constituer une insulte adressée à l'employeur et donc justifier de ce fait son licenciement pour faute grave.
La présente affaire sera jugée à nouveau par une nouvelle cour d’appel.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié pensait s'adresser par téléphone non à son supérieur hiérarchique mais à un ami, ce dont il résultait que les propos incriminés ne pouvaient constituer une insulte adressée à l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
L’arrêt de la Cour de cassation vu par l’administration
Dans sa publication du 25 mars 2015, la Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre) reprend le présent arrêt de la Cour de cassation.
Elle rappelle à ce propos que, selon la jurisprudence, des propos injurieux ou irrespectueux envers l’employeur en présence d’autres membres du personnel ou de clients constituent en général une faute grave.
Toutefois, certains éléments peuvent atténuer la gravité de la faute comme :
- L’état de santé du salarié ;
- L’ancienneté du salarié ;
- Le contexte dans lequel se sont produits les faits et à cet égard l’attitude de l’employeur.
Enfin, l’administration rappelle également que le licenciement pour faute grave prive le salarié :
- De l’indemnité de licenciement ;
- Et de l’indemnité compensatrice de préavis.
Extrait de la publication de la Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre), du 25 mars 2015
Pas de faute grave pour le salarié qui injurie son employeur par erreur
Publié le 25.03.2015 - Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre)
Des propos insultants tenus au téléphone par un salarié envers son employeur ne justifient pas un licenciement pour faute grave dès lors qu’il pensait téléphoner non pas à son supérieur hiérarchique, mais à un ami. C’est ce que précise la Cour de cassation dans un arrêt du 28 janvier 2015.
Croyant téléphoner à un ami, un salarié avait composé par erreur le numéro de son supérieur hiérarchique et avait dit : « Il ne sait pas encore s’il aura le camion mon balourd de patron ». L’appel s’était déroulé alors que le supérieur hiérarchique était en repas d’affaire avec deux personnes. Celles-ci ont entendu les propos du salarié car la fonction haut-parleur du téléphone portable était activée.
Le salarié avait alors été licencié pour faute grave. La cour d’appel avait validé ce licenciement, et jugé que même si le salarié n’avait pas eu l’intention d’insulter directement l’employeur, il avait l’intention de qualifier son patron auprès d’une autre personne par l’emploi d’un terme insultant.
L’arrêt est cassé. Pour la Cour de cassation, au contraire les propos incriminés ne pouvaient constituer une insulte envers l’employeur, du fait que le salarié croyait s’adresser à un ami et non à son employeur.
Pour la jurisprudence, des propos injurieux ou irrespectueux envers l’employeur en présence d’autres membres du personnel ou de clients constituent en général une faute grave.
Toutefois, certains éléments (état de santé du salarié, ancienneté…) et le contexte (attitude de l’employeur…) dans lequel les propos ont été tenus peuvent atténuer la gravité de la faute.
La faute grave prive le salarié licencié d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis.
Références
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 28 janvier 2015 N° de pourvoi: 14-10853
Arrêt de la Cour d'appel de Lyon, du 14 septembre 2012
Extrait de la publication de la Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre), du 25 mars 2015