Pas de bulletin de paie au titre des dommages-intérêts versés en cas de rupture anticipée du CDD pour faute grave de l’employeur

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Pas de bulletin de paie au titre des dommages-intérêts versés en cas de rupture anticipée du CDD pour faute grave de l’employeur
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Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un récent arrêt de la Cour de cassation a retenu notre attention.

Il permet de préciser le sort des dommages-intérêts versés en cas de rupture anticipé d’un contrat CDD pour faute grave de l’employeur. 

Rappels : les cas de ruptures anticipées autorisées d’un CDD

Le contrat CDD peut être rompu dans 5 cas limitatifs, qui correspondent à des ruptures autorisées.

En aucun cas, ne peuvent être évoqués les termes de « démission » ou « licenciement » pour un contrat CDD, ces « appellations » sont réservées au contrat de droit commun (le seul), à savoir le contrat CDI (Contrat à Durée Indéterminée).

1/ A la demande du salarié et pour un CDI 

Le salarié à qui un autre employeur propose la conclusion d’un contrat CDI, a toute faculté de rompre le contrat CDD.

Le salarié doit alors respecter un délai qui est de: 

  • Si le CDD a été conclu avec un terme précis : 1 jour par semaine (le calcul se fait sur la durée du contrat) avec un maximum de 2 semaines de délai ;
  • Si le CDD a été conclu sans terme précis (par exemple en cas de CDD de remplacement) : 1 jour par semaine (le calcul se fait sur la durée du contrat effectué) avec un maximum de 2 semaines de délai. 

Bien entendu rien n’interdit à l’employeur d’octroyer un délai moindre avec l’accord du salarié.

Article L1243-2

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1243-1, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.

Sauf accord des parties, le salarié est alors tenu de respecter un préavis dont la durée est calculée à raison d'un jour par semaine compte tenu :

1° De la durée totale du contrat, renouvellement inclus, lorsque celui-ci comporte un terme précis ;

2° De la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis.

Le préavis ne peut excéder deux semaines.

2/ Par accord des deux parties (employeur et salarié) 

Article L1243-1 

Modifié par LOI n°2014-1545 du 20 décembre 2014 - art. 6

Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

Lorsqu'il est conclu en application du 6° de l'article L. 1242-2, le contrat de travail à durée déterminée peut, en outre, être rompu par l'une ou l'autre partie, pour un motif réel et sérieux, dix-huit mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion.

Nota : à notre sens, un écrit devrait être rédigé, précisant notamment le versement de l’indemnité de précarité, dont l’exclusion n’est d’ailleurs pas spécifiquement prévue par le code du travail.

L’article L 1243-1 stipule des conditions particulières concernant le contrat CDD à objet défini.

3/ Faute grave (ou lourde) du salarié ou de l’employeur 

La rupture anticipée est possible en cas de faute grave ou lourde du salarié ou de l’employeur.

Le code du travail n’évoque que la faute grave, mais la faute lourde (plus conséquente que la faute grave est sous entendue).

Article L1243-1 

Modifié par LOI n°2014-1545 du 20 décembre 2014 - art. 6

Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail. (…)

La notion de faute grave est identique, qu’il s’agisse de la rupture anticipée d’un CDD ou d’un licenciement pour faute.

Il est important de préciser que la rupture anticipée pour faute grave (ou lourde) du salarié, oblige l’employeur au respect des formalités prévues pour la procédure disciplinaire.

En d’autres termes, il doit y avoir :

  1. Convocation à l’entretien préalable ;
  2. Entretien préalable (en respectant le délai légal, 5 jours ouvrables pleins) ;
  3. Notification écrite et motivée de la sanction (respect du délai de 2 jours ouvrables).

Information « bonus » :

Si la faute grave se produit ou est découverte au cours du renouvellement du CDD, l’indemnité de précarité due au titre du contrat initial doit être versée au salarié.

Cour de cassation du 9/04/2002, pourvoi 00-43521

4/ Force majeure 

La rupture anticipée est admissible en cas de force majeure (incendie usine,..) évènement imprévisible, insurmontable et étranger à l'entreprise qui l'invoque.

Toutefois l’article L 1243-4 du code du travail indique que le salarié aura droit à une indemnité compensatrice équivalant aux rémunérations qu’il aurait perçu jusqu’au terme du contrat en cas de sinistre.

Il faut bien comprendre le sens retenu pour « force majeure ».

C’est une situation à la fois imprévisible, non invocable à l’entreprise et qui n’aura pas tendance à se renouveler.

Article L1243-4

Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 49

La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.

Toutefois, lorsque le contrat de travail est rompu avant l'échéance du terme en raison d'un sinistre relevant d'un cas de force majeure, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat. Cette indemnité est à la charge de l'employeur.

5/ En cas d’inaptitude du salarié 

Ce nouveau motif de rupture a été introduit par la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011. 

Si l’inaptitude est d’origine professionnelle, le régime qui s’applique est analogue à celui d’un salarié en contrat CDI.

L’employeur devra donc :

  • Rechercher les possibilités de reclassement ;
  • Si la rupture n’est pas prononcée dans le délai d’un mois suivant la reconnaissance d’inaptitude prononcée par le médecin du travail, le salarié doit percevoir à nouveau sa rémunération ;
  • L’employeur doit verser lors de la rupture une indemnité qui ne peut être inférieure au double de l’indemnité de licenciement et qui se cumule avec l’indemnité de précarité (à la différence des autres cas de ruptures anticipées).

Si l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle, le régime qui s’applique alors est le suivant :

  • Versement d’une indemnité de rupture qui ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement et qui se cumule avec l’indemnité de précarité ;
  • La procédure concernant les propositions de reclassement ne s’appliquent pas selon les termes du Code du travail MAIS une réponse ministérielle du 1/11/2011 indique que le reclassement doit être respecté même si l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle.

Article L1243-1 

Modifié par LOI n°2014-1545 du 20 décembre 2014 - art. 6

Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail. (…)

L’affaire abordée par la Cour de cassation

Le contexte 

Une salariée est engagée en qualité de serveuse par un restaurant, par contrat CDD du 14 juin au 14 juillet 2010 puis du 15 juillet 2010 au 14 janvier 2011.

Invoquant l'existence d'une faute grave de l'employeur justifiant la rupture anticipée de ce contrat de travail, la salariée saisit la juridiction prud'homale.

A l’appui de sa demande, la salariée indique qu’elle s’était plainte auprès de son employeur, devant une autre salariée, d'avoir été victime d'une agression sexuelle sur son lieu de travail.

En réaction son employeur s’était contenté de hausser les épaules en réponse à cette plainte, et demandait à la salariée « d’arrêter ses enfantillages et de retourner travailler ».

Extrait de l’arrêt :

AUX MOTIFS QUE « sur la rupture, Mme Z... alors serveuse dans l'établissement, atteste avoir, le 15 août 2010, entendu Mme X... alerter leur employeur de ce qu'elle venait de se faire agresser sexuellement dans les toilettes de l'établissement et avoir constaté que ce dernier se contentait de hausser les épaules et demandait à sa salariée d'arrêter ses enfantillages et de retourner travailler ; (…) 

Attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits aux débats, la cour d'appel a relevé que la salariée s'était plainte auprès de son employeur, devant une autre salariée, d'avoir été victime d'une agression sexuelle sur son lieu de travail, qu'elle avait été examinée par son médecin traitant et placée en arrêt de travail et que son compagnon s'était rendu à la gendarmerie, puis a constaté que l'employeur s'était contenté de hausser les épaules en réponse à cette plainte ; (…)

L’arrêt de la Cour d’appel de Caen du 5 juillet 2013 

La Cour d’appel donne raison au salarié, retenant la faute grave de l’employeur justifiant la rupture anticipée du contrat CDD à ses torts.

Elle indique que l’employeur doit être condamné à :

  • Payer à la salariée les salaires restant dus jusqu’à la fin du contrat outre les congés payés afférents ;
  • Remettre à la salariée des bulletins de paie conformes à cette décision.  

Extrait de l’arrêt :

Attendu qu'après avoir retenu la faute grave de l'employeur justifiant la rupture à ses torts du contrat à durée déterminée, l'arrêt condamne celui-ci à payer à la salariée des sommes représentant des salaires qui auraient été dus jusqu'à la fin du contrat, outre les congés payés afférents et ordonne la remise des bulletins de paie conformes à la décision ; 

L’arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2015 

Sans remettre en question la faute grave imputable à l’employeur, la Cour de cassation précise que : 

  • Les sommes versées par l'employeur, auquel la rupture anticipée du contrat à durée déterminée est imputable, n'ont pas le caractère de salaire ;
  • Qu’en conséquence le paiement de ces sommes ne doit pas donner lieu à remise de bulletins de paie ;
  • Enfin, que la période de travail non effectuée en raison de cette rupture n'ouvre pas droit à des congés payés. 

L’arrêt de la cour d’appel est donc cassé et annulé, les deux parties étant renvoyées devant la Cour d’appel de Rouen.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors d'une part que les sommes versées par l'employeur, auquel la rupture anticipée du contrat à durée déterminée est imputable, n'ont pas le caractère de salaire et ne doivent pas donner lieu à remise de bulletins de paie, d'autre part que la période de travail non effectuée en raison de cette rupture n'ouvre pas droit à des congés payés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il condamne M. Y... à payer à Mme X... les sommes de 7 614,65 euros et de 761,46 euros qualifiées de rappel de salaire et de congés payés, d'autre part, il ordonne la remise de bulletins de paie conformes à la décision, l'arrêt rendu le 5 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Références

Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 6 mai 2015 N° de pourvoi: 13-24261

LOI n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, JO du 18 mai 2011.