Licenciement sans cause réelle et sérieuse : le barème prévu par la loi Macron est censuré par le Conseil constitutionnel

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Indemnité de licenciement

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : le barème prévu par la loi Macron est censuré par le Conseil constitutionnel
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Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

C’est dans la nuit du 5 au 6 août 2015 que le Conseil constitutionnel a rendu sa décision concernant la loi Macron, suite à une saisine du 15 juillet 2015 d’une a fait l’objet d’une saisine de plus de 60 députés et de plus de 60 sénateurs.

La décision la plus importante est le rejet du barème des indemnités prévues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rappel de ce que prévoyait la loi Macron et son article 266

Lorsque le licenciement est considéré sans cause réelle et sérieuse, et en cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, l’employeur est alors dans l’obligation de verser une indemnité au salarié.

La situation actuelle 

L’article L 1235-3 du code du travail, prévoit que cette indemnité ne peut être inférieure à 6 mois de salaire (au sein d'une entreprise de 11 salariés et plus et avec une ancienneté supérieure ou égale à 2 ans)

Article L1235-3 

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

La situation selon le projet de loi 

L’indemnité versée par l’employeur, en cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, est désormais fixée par le tableau qui suit dans lequel des valeurs minimales et maximales sont fixées selon l’effectif et l’ancienneté du salarié. 

Fixation indemnité selon projet de loi Macron

Effectif de l’entreprise

Moins 
de 20 salariés

Entre 20 
et 299 salariés

À partir 
de 300 salariés

Ancienneté du salarié dans l’entreprise

Moins de 2 ans

  • Maximum:3 mois
  • Maximum : 4 mois
  • Maximum : 4 mois

De 2 ans à moins de 10 ans

  • Minimum : 2 mois
  • Maximum : 6 mois
  • Minimum : 4 mois
  • Maximum : 10 mois
  • Minimum : 6 mois ;
  • Maximum : 12 mois

10 ans et plus

  • Minimum:2 mois
  • Maximum : 12 mois
  • Minimum : 4 mois
  • Maximum : 20 mois
  • Minimum : 6 mois
  • Maximum : 27 mois

Cette indemnité est due sans préjudice, le cas échéant, des indemnités de licenciement légales, conventionnelles ou contractuelles. 

Extrait projet de loi Macron adopté définitivement le 10 juillet 2015 :

Article 266

I. – Le chapitre V du titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article L. 1235-3 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur définie conformément aux montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau du troisième alinéa et exprimés en mois de salaire :

« 

Effectif de l’entreprise

Moins de 20 salariés

Entre
20 et 299 salariés

À partir de 300 salariés

Ancienneté du salarié dans l’entreprise

Moins de 2 ans

Maximum :
3 mois

Maximum :
4 mois

Maximum :
4 mois

De 2 ans à moins de 10 ans

Minimum :

2 mois
Maximum :
6 mois

Minimum :
4 mois
Maximum :
10 mois

Minimum :
6 mois
Maximum :
12 mois

10 ans et plus

Minimum :
2 mois
Maximum :
12 mois

Minimum :
4 mois
Maximum :
20 mois

Minimum :
6 mois
Maximum :
27 mois

« L’indemnité est due sans préjudice, le cas échéant, des indemnités de licenciement légales, conventionnelles ou contractuelles. » ;

2°  Après l’article L. 1235-3, sont insérés des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-3-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 1235-3-1. – Lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge judiciaire ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l’article L. 1451-1, le montant de l’indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l’article L. 1235-3.

« Art. L. 1235-3-2. – L’article L. 1235-3 s’applique sans préjudice de la faculté pour le juge de fixer une indemnité d’un montant supérieur en cas de faute de l’employeur d’une particulière gravité, caractérisée par des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, par un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues à l’article L. 1134-4 ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3 ou en matière de corruption dans les conditions prévues à l’article L. 1161-1, par la violation de l’exercice du droit de grève dans les conditions mentionnées à l’article L. 2511-1 ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé dans les conditions mentionnées à l’article L. 2422-1, par la violation de la protection dont bénéficient certains salariés dans les conditions mentionnées aux articles L. 1225-71, L. 1226-13 et L. 1226-15 ou par l’atteinte à une liberté fondamentale. 

« Il s’applique sans préjudice des règles applicables aux cas de nullité du licenciement économique mentionnée à l’article L. 1235-11, de non-respect des procédures de consultation ou d’information mentionné à l’article L. 1235-12, de non-respect de la priorité de réembauche mentionné à l’article L. 1235-13, d’absence de mise en place des institutions représentatives du personnel mentionnée à l’article L. 1235-15, d’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou d’annulation de la décision de validation ou d’homologation mentionnée aux articles L. 1235-10, L. 1235-16 et au sixième alinéa du II de l’article L. 1233-58. » ;

3° Le 2° de l’article L. 1235-5 est abrogé.

II. – Le présent article entre en vigueur le lendemain de la publication de la présente loi. Lorsqu’une instance a été introduite avant cette date, l’action est poursuivie et jugée conformément aux dispositions législatives antérieures à la présente loi. Ces dispositions s’appliquent également en appel et en cassation.

La décision du Conseil constitutionnel

Dans sa décision du 5 août 2015, le Conseil constitutionnel rappelle en préambule que l’article 266 du projet de loi Macron instituait un dispositif d'encadrement de l'indemnité octroyée par le juge au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse en fonction de 2 critères :

  1. L’ancienneté du salarié dans l'entreprise ;
  2. Et les effectifs de l'entreprise.

Si le Conseil constitutionnel ne rejette pas l’idée d’un dispositif de plafonnement de l’indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, afin de favoriser l'emploi en levant les freins à l'embauche, il considère que ce dispositif devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié.

Si le critère de l'ancienneté dans l'entreprise est ainsi en adéquation avec l'objet de la loi, tel n'était pas le cas du critère des effectifs de l'entreprise.

C’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel censure l'article 266, une des mesures emblématiques du projet de loi Macron, pour méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.

Extrait de la décision n° 2015-715 DC du 05 août 2015

- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 266 :
148. Considérant que l'article 266 est relatif à l'encadrement du montant de l'indemnité prononcée par le conseil de prud'hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
149. Considérant que le 1° du paragraphe I de l'article 266 modifie l'article L. 1235-3 du code du travail pour encadrer l'indemnité octroyée par le juge au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse en réparation de la seule absence de cause réelle et sérieuse ; qu'il prévoit des minima et maxima d'indemnisation, exprimés en mois de salaires, qui varient en fonction, d'une part, de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et, d'autre part, des effectifs de l'entreprise ; qu'à cet égard, le législateur a distingué entre les entreprises selon qu'elles emploient moins de vingt salariés, de vingt à deux cent quatre-vingt-dix-neuf salariés, ou trois cents salariés et plus ;
150. Considérant que les députés requérants soutiennent que ces dispositions instituent, en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, une différence de traitement injustifiée entre les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse en fonction de la taille de l'entreprise ;
151. Considérant qu'en prévoyant que les montants minimal et maximal de l'indemnité accordée par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sont fonction croissante des effectifs de l'entreprise, le législateur a entendu, en aménageant les conditions dans lesquelles la responsabilité de l'employeur peut être engagée, assurer une plus grande sécurité juridique et favoriser l'emploi en levant les freins à l'embauche ; qu'il a ainsi poursuivi des buts d'intérêt général ;
152. Considérant toutefois, que, si le législateur pouvait, à ces fins, plafonner l'indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié ; que, si le critère de l'ancienneté dans l'entreprise est ainsi en adéquation avec l'objet de la loi, tel n'est pas le cas du critère des effectifs de l'entreprise ; que, par suite, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées méconnaît le principe d'égalité devant la loi ;
153. Considérant que l'article L. 1253-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant du 1° du paragraphe I de l'article 266, est contraire à la Constitution ; que, par voie de conséquence, il en va de même des autres dispositions de l'article 266, qui en sont inséparables ;

Extrait de la décision n° 2015-715 DC du 05 août 2015 (Communiqué de presse)

Par sa décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dont il avait été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs.(…)

L'article 266 instituait un dispositif d'encadrement de l'indemnité octroyée par le juge au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse en fonction de deux critères : l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et les effectifs de l'entreprise. Le Conseil constitutionnel a jugé que si le législateur pouvait, afin de favoriser l'emploi en levant les freins à l'embauche, plafonner l'indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié. Si le critère de l'ancienneté dans l'entreprise est ainsi en adéquation avec l'objet de la loi, tel n'était pas le cas du critère des effectifs de l'entreprise. Le Conseil constitutionnel a en conséquence censuré l'article 266 pour méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.

Conséquence

Compte tenu du rejet de l’article 266 du projet de loi Macron, subsistent les actuelles sanctions suivantes, prévues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Entreprises de moins de 11 salariés et/ou ancienneté du salarié inférieure à 2 ans

  • Pas de réintégration possible ;
  • Le salarié obtient le paiement d’une indemnité dont le montant est fixé souverainement par le juge ;
  • S’ajoutent les indemnités de licenciement.

Entreprises de 11 salariés et plus et ancienneté du salarié supérieure ou égale à 2 ans

  • Le juge peut prononcer la réintégration du salarié dans l’entreprise ;
  • Si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le salarié obtient le paiement d’une indemnité, dont la valeur minimale correspond à 6 mois de salaires ;
  • L’indemnité ne se cumule pas avec l’indemnité prévue en cas d’irrégularité de procédure ;
  • S’ajoutent bien entendu les indemnités de licenciement ;
  • L’employeur peut être condamné à rembourser tout ou partie des allocations chômage versées au salarié depuis le licenciement jusqu’au jugement, dans la limite de 6 mois.

Un barème pas abandonné pour autant…

Dans un communiqué de presse de ce jour, le ministre de l’économie se réjouit tout d’abord de la décision favorable du Conseil constitutionnel qui ouvre ainsi la voie à la promulgation de la loi.

Il prend également acte de la décision du Conseil constitutionnel sur le rejet de l’article 266, en notant le fait que les 9 sages valident toutefois le principe de la réforme et confirme que le plafonnement des indemnités de licenciement poursuit bien un but d’intérêt général.

C’est ainsi, indique le ministre, « qu’un travail rapide sera conduit dans les prochaines semaines afin d’adapter ce dispositif aux éléments juridiques soulevés par le CC et permettre de parachever la réforme des prud’hommes mise en œuvre par le présent texte ».

Nous devrions donc évoquer à nouveau ce barème, dés la rentrée…

Extrait communiqué de presse du 6 août 2015, n° 782, du ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique

 « La décision favorable du Conseil Constitutionnel sur la loi Croissance, activité et égalité des chances économiques ouvre la voie à la promulgation de la loi et la mobilisation de l’Etat pour prendre les mesures d’application. »

 Le Conseil Constitutionnel a rendu ce mercredi soir sa décision relative à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, en validant la quasi-totalité de la loi. (…)

2/ Le plafonnement des indemnités attribuées par les Prudhommes en cas d’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement n’a été censuré qu’en raison de la différenciation opérée selon la taille des entreprises. Le Ministre prend acte de ce que le juge constitutionnel valide le principe de la réforme et confirme que le plafonnement des indemnités de licenciement poursuit bien un but d’intérêt général. Un travail rapide sera conduit dans les prochaines semaines afin d’adapter ce dispositif aux éléments juridiques soulevés par le CC et permettre de parachever la réforme des prud’hommes mise en oeuvre par le présent texte.

Références

Extrait communiqué de presse du 6 août 2015, n° 782, du ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique

Décision n° 2015-715 DC du 05 août 2015 - Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Extrait projet de loi Macron adopté définitivement le 10 juillet 2015