Exclusion de l’indemnité de précarité pour les étudiants : la CJUE confirme l’avis du Conseil constitutionnel

Actualité
CDD

Exclusion de l’indemnité de précarité pour les étudiants : la CJUE confirme l’avis du Conseil constitutionnel
Publié le
Mis à jour le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Dans une précédente actualité, du 27 juin 2014, nous vous informions que le Conseil constitutionnel déclarait constitutionnel l’exclusion de l’indemnité de précarité, en cas de contrats CDD conclus avec des jeunes pendant les vacances scolaires (vous pouvez retrouver cette actualité en détails, en cliquant ici). 

Cette fois, c’est la CJUE qui décide à son tout que l’indemnité de précarité n’a pas à être versée au terme d’un contrat CDD conclu avec des étudiants pendant leurs vacances scolaires. 

L’affaire concernée

CDD de 4 jours sans indemnité de précarité au terme 

Alors qu’il est étudiant, un jeune homme est engagé sous contrat CDD, du 21 au 24 décembre 2010.

A l’issue de son contrat, son employeur ne lui verse pas d’indemnité de précarité, se référant à l’article L 1243-10 du code du travail. 

Estimant cette disposition contraire aux dispositions constitutionnelles garantissant le principe d’égalité et l’interdiction des discriminations en raison de l’âge, le salarié saisit le conseil de prud’hommes de Paris pour obtenir :

  • La somme de… 23,21 € au titre de l’indemnité de précarité ;
  • La requalification de son contrat en CDI ;
  • Et la somme de 4.500 € au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

QPC 

Le 1er mars 2012, l’étudiant présente une QPC.

Par jugement du 10 janvier 2014, le conseil de prud’hommes de Paris transmet cette question à la Cour de cassation. Finalement, par arrêt du 9 avril 2014, cette dernière a renvoyé ladite question devant le Conseil constitutionnel. 

Dans sa décision du 13 juin 2014(n° 2014-401), le Conseil constitutionnel considère que le versement de l’indemnité de précarité, ayant pour objectif de compenser le caractère « précaire » d’un contrat CDD, ne s’applique qu'aux seuls élèves ou étudiants qui ont dépassé l'âge limite fixé en principe à 28 ans (voir à ce propos les articles L 381-4 et R 381-5), pour être affiliés obligatoirement aux assurance sociales au titre de leur inscription dans des établissements scolaires ou universitaires.

Article L381-4

Modifié par Loi n°99-641 du 27 juillet 1999 - art. 16 JORF 28 juillet 1999 en vigueur le 1er janvier 2000

Sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales les élèves et les étudiants des établissements d'enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles, qui, n'étant pas assurés sociaux à un titre autre que celui prévu à l'article L. 380-1 ou ayants droit d'assuré social, ne dépassent pas un âge limite. Cet âge limite peut être reculé, notamment en raison de l'appel et du maintien sous les drapeaux.

Article R381-5

Modifié par Décret n°94-961 du 2 novembre 1994 - art. 1 JORF 9 novembre 1994

L'âge limite prévu à l'article L. 381-4 est fixé à vingt-huit ans.

L’arrêt de la CJUE

Dans son arrêt du 1er octobre 2015, la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) confirme la position du Conseil constitutionnel.

Elle indique ainsi que l’indemnité de précarité n’a pas à être versée en cas de CDD conclu avec un jeune pendant ses vacances scolaires ou universitaires. 

CDD réalisé par un étudiant = contrat temporaire et accessoire 

La CJUE, tout comme le fait valoir le gouvernement français, considère qu’il y a lieu de relever qu’un emploi exercé sur la base d’un CDD, par un élève ou par un étudiant durant ses vacances scolaires ou universitaires se caractérise par sa nature à la fois temporaire et accessoire, puisque cet élève ou cet étudiant a vocation à reprendre ses études au terme de ces vacances. 

Situation de l’étudiant ≠ autres catégories de travailleurs 

De ce fait, en considérant que la situation des jeunes ayant conclu un CDD pour une période comprise dans leurs vacances scolaires ou universitaires n’est pas comparable à celle des autres catégories de travailleurs éligibles à l’indemnité de fin de contrat, le législateur national n’a nullement outrepassé les limites de la marge d’appréciation dont il dispose en matière de politique sociale. 

Des dispositions légales qui ne sont pas contraires au principe de non-discrimination selon l’âge 

En conclusion, la CJUE indique qu’il convient donc de répondre à la question posée que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, consacré à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et concrétisé par la directive 2000/78, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une indemnité de fin de contrat, versée à titre de complément de salaire à l’issue d’un CDD lorsque les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un CDI, n’est pas due dans le cas où le contrat est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires.  

Quelques extraits de l’arrêt de la CJUE

Pour terminer notre actualité, nous vous proposons quelques extraits du présent arrêt de la CJUE, sur lesquels nous nous sommes référés présentement.

Extrait arrêt de la CJUE, du 1er octobre 2015, affaire C?432/14

 Le 21 décembre 2010, alors qu’il était étudiant, le requérant au principal a été embauché par (…) SARL sur la base d’un contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période allant du 21 décembre au 24 décembre 2010, comprise dans ses vacances universitaires. À l’issue de son contrat, en application de l’article L. 1243-10, 2°, du code du travail, l’indemnité de fin de contrat ne lui a pas été versée.

Estimant que cette disposition est contraire aux dispositions constitutionnelles garantissant le principe d’égalité et l’interdiction des discriminations en raison de l’âge, le requérant au principal a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour obtenir la somme de 23,21 euros au titre de l’indemnité de fin de contrat, la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la somme de 4 500 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 1er mars 2012, le requérant au principal a présenté une question prioritaire de constitutionnalité. Par un jugement du 10 janvier 2014, le conseil de prud’hommes de Paris a transmis cette question à la Cour de cassation. Par arrêt du 9 avril 2014, cette dernière a renvoyé ladite question devant le Conseil constitutionnel.

Par la décision n° 2014-401 QPC du 13 juin 2014, le Conseil constitutionnel, après avoir relevé que «les dispositions contestées ne s’appliquent qu’aux élèves ou étudiants qui n’ont pas dépassé l’âge limite, prévu par l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale, pour être affilié obligatoirement aux assurances sociales au titre de leur inscription dans un établissement scolaire ou universitaire», a considéré, par suite, d’une part, que «le grief tiré de ce qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur n’aurait pas défini la notion de ‘jeune’ [manquait] en fait» et, d’autre part, que «le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que l’application de dispositions législatives relatives aux élèves ou aux étudiants soit soumise à une limite d’âge».

Par ailleurs, après avoir rappelé que «l’indemnité de fin de contrat est versée au salarié employé en contrat à durée déterminée afin de ‘compenser la précarité de sa situation’ lorsqu’à l’issue de son contrat, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée», le Conseil constitutionnel en a déduit que «les étudiants employés selon un contrat de travail à durée déterminée pour une période comprise dans leurs périodes de vacances scolaires ou universitaires ne sont dans une situation identique ni à celle des étudiants qui cumulent un emploi avec la poursuite de leurs études ni à celle des autres salariés en contrat de travail à durée déterminée» et que, par suite, «en excluant le versement de cette indemnité lorsque le contrat est conclu avec un élève ou un étudiant employé pendant ses vacances scolaires ou universitaires et qui a vocation, à l’issue de ces vacances, à reprendre sa scolarité ou ses études, le législateur a institué une différence de traitement fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi».

Dans ces conditions, le conseil de prud’hommes de Paris a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le principe général de non-discrimination en fonction de l’âge fait-il obstacle à une législation nationale (l’article L. 1243-10 du code du travail français) excluant les jeunes travaillant durant leurs vacances scolaires ou universitaires du bénéfice d’une indemnité de précarité due en cas d’emploi sous forme de contrat à durée déterminée non suivi d’une offre d’emploi à durée indéterminée?» (…)

En effet, il y a lieu de relever, ainsi que l’a fait valoir le gouvernement français, qu’un emploi exercé sur la base d’un contrat de travail à durée déterminée par un élève ou par un étudiant durant ses vacances scolaires ou universitaires se caractérise par sa nature à la fois temporaire et accessoire, puisque cet élève ou cet étudiant a vocation à reprendre ses études au terme de ces vacances.

 Il s’ensuit que, en considérant que la situation des jeunes ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée pour une période comprise dans leurs vacances scolaires ou universitaires n’est pas comparable à celle des autres catégories de travailleurs éligibles à l’indemnité de fin de contrat, le législateur national n’a nullement outrepassé les limites de la marge d’appréciation dont il dispose en matière de politique sociale. (…)

 Il convient donc de répondre à la question posée que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, consacré à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et concrétisé par la directive 2000/78, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une indemnité de fin de contrat, versée à titre de complément de salaire à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée lorsque les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, n’est pas due dans le cas où le contrat est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires.

Références

Extrait arrêt de la CJUE, du 1er octobre 2015, affaire C?432/14

Extrait décision n° 2014-401 QPC du 13 juin 2014