Licenciement pour faute lourde et congés payés : le Conseil constitutionnel doit se prononcer

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Congés payés

Licenciement pour faute lourde et congés payés : le Conseil constitutionnel doit se prononcer
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Le 2 décembre 2015, la Cour de cassation vient de renvoyer une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) au Conseil constitutionnel, concernant le lien qui existe actuellement entre le licenciement pour faute lourde et la privation (parfois partielle) de l’indemnité compensatrice de congés payés. 

Rappel des dispositions légales

Lors d’un licenciement pour faute lourde, le salarié concerné perd le bénéfice :

  • De l’indemnité de licenciement ;
  • Du droit au préavis (et de l’indemnité compensatrice liée) ;
  • De l’indemnité compensatrice de congés payés au titre de la période de référence en cours, le solde des congés payés acquis sur une période de référence demeure acquis.

Exemple concret

Un salarié est licencié, pour faute lourde, en septembre 2015 :

  • Les congés payés acquis pendant la période de référence [1er juin 2016-31 mai 2015] et non encore utilisés, doivent être payés sous forme d’indemnité compensatrice ;
  • Seuls les congés payés acquis depuis le 1er juin 2015 seront perdus à son départ de l’entreprise, la période de référence est en cours mais non encore clôturée. 

La particularité liée au paiement de l’indemnité compensatrice étant rappelé au travers de l’article L 3141-26 du code du travail.

Article L3141-26

Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 3141-22 à L. 3141-25.

L'indemnité est due dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

Cette indemnité est également due aux ayants droit du salarié dont le décès survient avant qu'il ait pris son congé annuel payé. L'indemnité est versée à ceux des ayants droit qui auraient qualité pour obtenir le paiement des salaires arriérés.

Renvoi d’une QPC

C’est donc le 2 décembre 2015, que la Cour de cassation vient de renvoyer une QPC au Conseil constitutionnel, afin de savoir si l’alinéa 2 de l’article L 3141-26 précité est contraire ou non à « l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946 disposant que la Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ? ». 

Extrait du renvoi de la Cour de cassation à une QPC, du 2 décembre 2015 

Arrêt n° 2247 du 2 décembre 2015 (15-19.597) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2015:SO02247

Renvoi

Attendu qu’à l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 18 mars 2015 par la cour d’appel de Bastia, M. X... a, par mémoire distinct et motivé, demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« L’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 du code du travail prévoyant que l’indemnité compensatrice du droit acquis aux congés est due sauf en cas de licenciement pour faute lourde est-il contraire à "l’article 11" du préambule de la Constitution de 1946 disposant que la Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ? »

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, lequel concerne notamment le droit à indemnité compensatrice de congés payés réclamée par le salarié ;

Qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Que la question posée présente un caractère sérieux en ce que l’article L. 3141-26, alinéa 2, du code du travail prévoit un cas de perte de jours de congés payés sans lien avec les règles d’acquisition ou d’exercice de ces droits au repos ;

D’où il suit qu’il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Le Conseil constitutionnel dispose désormais d’un délai de 3 mois pour se prononcer… 

Extrait du guide pratique de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) 

Le Conseil doit rendre sa décision dans un délai de trois mois. Pendant ce délai, une phase écrite de production du mémoire et une phase orale avec une audience de plaidoirie se succèdent.

Tous les avocats, à la Cour ou aux Conseils, peuvent représenter leur client devant le Conseil constitutionnel.

- La décision

Soit le Conseil déclare la disposition législative conforme à la Constitution

Cette disposition conserve sa place dans l'ordre juridique interne. La juridiction doit l'appliquer, en prenant en compte les éventuelles réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel.

Soit le Conseil déclare la disposition législative contraire à la Constitution

La décision du Conseil constitutionnel a pour effet d'abroger cette disposition qui disparaitra de l'ordre juridique. La déclaration d'inconstitutionnalité bénéficie en principe à la partie qui a présenté la QPC, à toutes celles qui ont des QPC pendantes sur la même disposition ou à celles qui avaient des instances en cours mettant en jeu cette disposition.

Il appartient toutefois au Conseil constitutionnel de fixer les effets dans le temps de sa décision d'abrogation. Par exemple, le Conseil constitutionnel peut déterminer une date ultérieure à partir de laquelle l'abrogation produira ses effets, afin notamment de laisser au Parlement le temps de corriger l'inconstitutionnalité.

Il n'est pas possible de faire appel d'une décision du Conseil constitutionnel.

Une QPC qui rappelle une modification souhaitée par la Cour de cassation

Dans une actualité publiée le 5 juin 2014, que vous pouvez retrouver en cliquant ici, la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur la privation de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de licenciement pour faute lourde.  

Au sein de son rapport annuel 2013, rendu public le vendredi 23 mai 2014, la Cour de cassation propose de supprimer la mention de l’article L 3141-26, alinéa 2, ou pour le moins de limiter la perte des jours de congés payés au-delà de la période des 4 semaines irréductibles issues du droit communautaire. 

Une QPC qui rappelle également une proposition de loi

Ajoutons enfin, qu’une proposition de loi enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015, prévoyait la suppression pure et simple des mots suivants à l’alinéa 2 de l’article L 3141-26 « dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié ».

Retrouver notre actualité à ce sujet, en cliquant ici. 

La réponse du Conseil constitutionnel est donc attendue avec beaucoup d’impatience, nous ne manquerons de vous en informer lorsqu’elle sera en notre possession.

Références

Extrait du renvoi de la Cour de cassation à une QPC, du 2 décembre 2015

Rapport annuel 2013 de la Cour de cassation, document rendu public le vendredi 23 mai 2014

Proposition de loi relative aux droits à congés, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015.