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Une fois n’est pas coutume, nous vous vous proposons aujourd’hui un arrêt de la Cour d’appel de bordeaux, qui a retenu toute notre attention, raison pour laquelle nous vous proposons la présente actualité.
Dans l’affaire que nous allons vous présenter, un pompier est licencié pour faute grave pour s’être endormi sur son lieu de travail.
Contexte de l’affaire
Un salarié est embauché, le 25 septembre 1979 sous contrat CDI en qualité de « pompier aéroport ».
Sa mission consistant à être en vigilance permanente et à assurer la protection des aéronefs et des passagers en éloignant en continu tous types d'animaux susceptibles de percuter un avion.
Convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé le 21 juillet 2011, il fait également l'objet d'une mise à pied conservatoire à compter du 7 juillet 2011.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 juillet 2011, le salarié est licencié pour faute grave.
L’employeur relate et invoque les faits suivants, à l’appui de la rupture pour faute grave :
- Un chef de service, assisté d'un autre pompier se déplacent et constatent que le salarié dort profondément dans un véhicule dénommé « véhicule péril animalier », avec le siège du dossier en position semi allongée, les écouteurs du téléphone personnel sur les oreilles, des journaux étalés de toutes parts dans le véhicule ;
- Aucune réaction du salarié n’est constaté que ce soir lors de l’ouverture de la portière du véhicule ni à l'appel vocal du chef de site contraint d’enlever l’écouteur du salarié pour le réveiller.
Selon l’employeur, ce manquement (reconnu par ailleurs par ledit salarié) constitue selon lui une faute extrêmement grave, dont les conséquences auraient pu être terriblement dramatiques (avion endommagé, atterrissage en catastrophe, passagers blessés ou plus), sans compter le préjudice irréparable causé à la réputation de la société qui perdrait à coup sûr tous ses marchés.
Extrait de l’arrêt :
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 juillet 2011, Monsieur J. a été licencié pour faute grave en raison des motifs suivants
Le 6 juillet 2011, alors que vous étiez en poste, vous avez pris votre tour d’effarouchement de 13 heures 15 à 15 heures. Votre mission consiste à être vigilant en permanence et à assurer la protection des aéronefs et des passagers en éloignant en continu tous types d'animaux susceptibles de percuter un avion.
A 13 heures 50, la tour de contrôle appelle le SSLIA car elle n'a pas réussi à vous joindre à plusieurs reprises. Le chef de service, assisté d'un autre pompier se déplacent. Après avoir récupéré un faucon qui a percuté l'avion au décollage et pour lequel la tour cherchait à vous joindre, le chef de site et le pompier se dirigent vers le véhicule de péril animalier dans lequel vous vous trouviez.
Ils constatent que vous dormez profondément avec le siège du dossier en position semi allongée, les écouteurs de votre téléphone personnel sur les oreilles, des journaux étalés de toutes parts dans le véhicule.
Vous n'avez pas réagi à l'ouverture de la portière ni à l'appel vocal de votre chef de site. Celui ci a dû enlever un écouteur pour vous réveiller.
Vous avez reconnu tous les faits. Ce manquement constitue une faute extrêmement grave, dont les conséquences auraient pu être terriblement dramatiques (avion endommagé, atterrissage en catastrophe, passagers blessés ou plus), sans compter le préjudice irréparable causé à la réputation de la société (…) qui perdrait à coup sûr tous ses marchés.
Saisine Conseil de prud’hommes
Suite à son licenciement, le salarié décide de saisir le Conseil de Prud'hommes le 20 février 2012 aux fins de contester son licenciement.
A l'appui de ses demandes, il fait valoir:
- Que l'employeur n'a pas respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée quotidienne maximale du travail ;
- Que l'employeur a délibérément porté atteinte à ses conditions de travail en n'adaptant pas son poste de travail malgré les demandes formulées ;
- Qu'il n'avait jamais failli dans son travail depuis 30 ans ;
- Que son endormissement, dû à la dureté de ses conditions de travail, n'a eu aucune conséquence pour l'employeur ou son client.
Décision du conseil des prud’hommes
Par jugement en date du 3 septembre 2013, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux déboute le salarié de ses demandes.
Mais le salarié décide de faire appel de ce jugement
Décision de la Cour d’Appel de Bordeaux
La cour d’appel, dans son arrêt du 17 février 2016, confirme en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud’hommes de Bordeaux du 3 septembre 2013.
A l’appui de son arrêt, la Cour d’appel de Bordeaux motive sa décision comme suit :
- Le salarié, injoignable au téléphone a été retrouvé endormi dans son véhicule de travail de lutte animalière ;
- Qu’il est démontré que le salarié avait volontairement organisé son véhicule pour y faire la sieste et ne s'est pas assoupi inopinément le 6 juillet 2011 du fait d'une fatigue passagère ;
- Attendu que ces faits se sont déroulés alors qu’il était en faction de lutte animalière, activité nécessitant, selon les consignes opérationnelles de l'aéroport de Bordeaux, un contact permanent avec la tour de contrôle durant la période d'effarouchement ;
- Que cette interruption volontaire de sa mission, à des fins strictement privées, est intervenue en dehors de toute information à l'organisation de circulation aérienne ;
- Attendu que cet agissement, eu égard aux fonctions du salarié, pompier affecté à la sécurité d'un aéroport, est constitutif d'un manquement d'une importance telle qu'elle a empêché la poursuite de la relation salariale, même pendant la période du préavis ;
- Que le salarié ne peut s'en exonérer en invoquant un temps de travail dépassant l'entendement, d'autant qu'il ne produit pas aux débats ses horaires de travail dans la période considérée ;
- Attendu que c'est par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que ces faits étaient constitutifs d'une faute grave et ont débouté le salarié de ses demandes de ce chef.
Extrait de l’arrêt
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Attendu que par courrier du 25 juillet 2011, qui fixe les limites du litige, Monsieur J. a été licencié pour faute grave ;
Attendu que tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties, étant ajouté que le doute profite au salarié ;
Attendu que par ailleurs, Monsieur J. ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l'employeur d'établir que la faute commise par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail, est d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du contrat de travail pendant le préavis ;
Attendu qu' il ressort de la lettre de licenciement qu'il est motivé par un seul grief, soit avoir été retrouvé profondément endormi à son poste de travail ;
Attendu qu'il résulte de la fiche d'infraction établie le 6 juillet 2011 et de l'attestation de Monsieur (…)., régulière en la forme, que Monsieur J., injoignable au téléphone a été retrouvé endormi dans son véhicule de travail de lutte animalière ;
Que l'attestant a constaté que le siège du véhicule était en position semi allongée et que le salarié portait des écouteurs aux oreilles ;
Qu'il ne s'est même pas réveillé à l'ouverture de la portière du véhicule qui est pourtant, au vu de la photographie produite aux débats un gros pick up ;
Attendu que ces faits sont établis et reconnus par le salarié lui même qui se contente de minimiser leur absence de conséquence sur la sécurité du site ;
Attendu qu'il est démontré que Monsieur J. a volontairement organisé son véhicule pour y faire la sieste et ne s'est pas assoupi inopinément le 6 juillet 2011 du fait d'une fatigue passagère ;
Attendu que ces faits se sont déroulés alors que Monsieur J. était en faction de lutte animalière, activité nécessitant, selon les consignes opérationnelles de l'aéroport de Bordeaux, un contact permanent avec la tour de contrôle durant la période d'effarouchement ;
Que cette interruption volontaire de sa mission, à des fins strictement privées, est intervenue en dehors de toute information à l'organisation de circulation aérienne ;
Attendu que cet agissement, eu égard aux fonctions du salarié, pompier affecté à la sécurité d'un aéroport, est constitutif d'un manquement d'une importance telle qu'elle a empêché la poursuite de la relation salariale, même pendant la période du préavis ;
Que le salarié ne peut s'en exonérer en invoquant un temps de travail dépassant l'entendement, d'autant qu'il ne produit pas aux débats ses horaires de travail dans la période considérée ;
Attendu que c'est par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que ces faits étaient constitutifs d'une faute grave et ont débouté le salarié de ses demandes de ce chef ;
Que le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 3 septembre 2013 sera confirmé sur ces point ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat
Attendu qu'aux termes de l'article L 4121 1 du code du travail l em ployeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs dans le cadre des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et de la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ;
Sur les horaires de travail
Attendu que si la convention collective applicable, soit celle des entreprises de prévention et sécurité, en son article 1 prévoit que la durée quotidienne du travail ne peut excéder 12 heures, l'article 2 concernant l'organisation du temps de travail dispose le temps de travail
peut être aménagé sur une période maximale de quatre semaines ; à l'intérieur de cette période, la durée hebdomadaire du travail est susceptible de variation dans la limite maximale de 48 heures...Vu les us et coutumes et la spécificité de la profession et suivant les exigences du service, les services IGH ou pompiers 24-72sont désormais autorisés' ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats, soit une lettre à l'inspecteur du travail, des attestations de salariés, un courrier de l'intersyndicale et des plannings de Monsieur J., que l'entreprise (…) a mis en place depuis 2007 le système horaire 24-72 ;
Attendu que dans ces conditions la (…) n'a pas failli à son obligation de sécurité de résultat concernant l'amplitude journalière de travail de Monsieur J. ;
Sur les temps de pause
Attendu qu'au vu des documents produits aux débats, notamment ceux relatifs au CHSCT la journée type d'un salarié au sein de la (…) , il existe des temps de pause compris dans les temps de travail ;
Attendu que sur ce point également la (…) a respecté son obligation de sécurité de résultat ;
Sur la surveillance médicale
Attendu que conformément à l'article L 3122-42 du code du travail tout travailleur de nuit bénéficie avant son affectation sur un poste de nuit et à intervalles réguliers d'une durée ne pouvant excéder six mois par la suite, d'une surveillance médicale particulière ;
Attendu que l'examen des pièces produites aux débats démontre que la surveillance médicale du salarié, travaillant de nuit, s'est opérée tous les six mois ;
Que l'employeur a, sur ce point, respecté son obligation de sécurité de résultat en soumettant Monsieur J. à une surveillance accrue du fait des fonctions exercées ;
Sur la mise à jour du document unique
Attendu que l'employeur produit aux débats un document unique de l'année 2010 qui démontre sa mise à jour et sa transmission aux autorités
compétentes ;
Attendu que sur ce point également la (…) a respecté son obligation de sécurité de résultat ;
Sur l'absence de mesures prises lors de la dénonciation de faits de harcèlement moral
Attendu qu'il résulte des documents produits que suite à la plainte du salarié pour des faits de harcèlement moral, la SAS Germond Services a mis en place une enquête ;
Que le CHSCT a conclu à l'absence de harcèlement ;
Attendu que sur ce point également la (…) a respecté son obligation de sécurité de résultat en prenant en considération les faits dénoncés par des actions appropriées ;
Attendu que c'est donc par une très juste appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a débouté Monsieur J. de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;
Que le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 3 septembre 2013 sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'adaptation
Attendu que les documents versés aux débats permettent d'établir que la (…) a signé un accord d'entreprise concernant les mesures en faveur de l'emploi des salariés âgés ;
Attendu que si Monsieur J. n'a pas fait l'objet d'un entretien de seconde partie de carrière il a répondu à un questionnaire qui lui avait été adressé par son employeur ;
Que la lecture de ce questionnaire démontre que Monsieur J. n'a pas demandé, comme cela est spécifié dans l'accord susvisé, à bénéficier en priorité d'un retour aux horaires de jour ;
Qu'il n'a pas non plus émis de souhait particulier quant à l'organisation de son travail en fin de carrière, ni formulé la demande de travailler à temps partiel ;
Attendu qu'en l'absence de toute manifestation particulière du salarié suite au questionnaire de la direction, il ne peut être reproché à la (…) de ne pas avoir adapté le poste de travail de Monsieur J. ;
Attendu que c'est donc par une très juste appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que le conseil des prud'hommes de Bordeaux a débouté Monsieur J. de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'adaptation ;
Que le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 3 septembre 2013 sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud hommes de Bordeaux en date du 3 septembre 2013.
Référence
Arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 17 février 2016, n° 13/05556