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Un arrêt de la Cour de cassation, non publié au bulletin, a retenu toute notre attention.
Elle aborde le cas où l’employeur décide de substituer le paiement d’heures supplémentaires par le versement de prime, et surtout les conséquences néfastes pour l’entreprise qui peuvent en découler…
Petit rappel des dispositions légales
Selon l’article L 8221-5 du code du travail, modifié par la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité et son chapitre premier consacré aux dispositions relatives au travail dissimulé, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement :
- A l'accomplissement de la formalité, relatif à la DPAE ;
- A l'accomplissement de la formalité prévue, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;
- Aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales.
Article L8221-5
Modifié par LOI n°2011-672 du 16 juin 2011 - art. 73
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Contexte de l’affaire et décision de la cour d’Appel
Un salarié démissionnaire saisit la juridiction prud’homale estimant que le paiement de ses heures supplémentaires sous forme de prime doit conduire à la reconnaissance d’une situation de travail dissimulé.
Un arrêt du 12 septembre 2013 de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a analysé les faits comme suit :
- La démission du salarié doit s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Conduisant de plus à condamner l’employeur au paiement d’une somme au titre des heures supplémentaires.
Mais la présente cour d’appel ne reconnait pas la possibilité d’une reconnaissance de travail dissimulé.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, selon l’arrêt attaqué par arrêt du 12 septembre 2013, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a dit que la démission de M. X... s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur, la société S au paiement d’une somme à titre d’heures supplémentaires ; que le salarié a déposé une requête en omission de statuer sur sa demande au titre du travail dissimulé ;
Décision de la cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas totalement l’avis de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Elle indique en effet que la cour d’appel n’a pas recherché, comme il lui était demandé, le caractère intentionnel de la dissimulation ne résultait pas du paiement des heures supplémentaires en partie sous forme de primes.
En conséquence, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel ayant conduit à rejeter la demande du salarié au titre du travail dissimulé, renvoyant les parties devant une nouvelle cour d’appel autrement composée.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que, pour débouter le salarié de cette demande, l’arrêt retient que le salarié ne produit ni ne développe aucun élément objectif de nature à établir que le défaut de paiement des heures supplémentaires et l’absence de mentions de celles-ci sur ses bulletins de salaire revêtent un caractère intentionnel. Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme il lui était demandé, le caractère intentionnel de la dissimulation ne résultait pas du paiement des heures supplémentaires en partie sous forme de primes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. X... au titre du travail dissimulé, l’arrêt rendu le 23 mai 2014, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société S… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société S… à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille seize.
Les conséquences…
C’est un arrêt important que nous invitons les employeurs à retenir.
Il en ressort que le paiement d’heures supplémentaires sous forme de primes peut conduire à la reconnaissance d’une situation de travail dissimulé, dont les conséquences financières peuvent s’avérer pour le moins « douloureuses » pour l’entreprise…
Références
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du 23 mars 2016 N° de pourvoi: 14-21772