Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Une affaire récemment abordée par la Cour de cassation, a retenu toute notre attention, raison pour laquelle nous vous proposons la présente actualité.
Dans l’affaire que nous allons vous présenter, une salariée à temps partiel effectue des heures complémentaires conduisant à dépasser la durée légale du travail.
Rappel du code du travail concernant les heures complémentaires
Le nombre d’heures complémentaires effectuées par un salarié ne peut être supérieur à 1/10éme de la durée prévue dans le contrat de travail.
De plus, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
Article L3123-17
Le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article
Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
Chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite fixée au premier alinéa du présent article donne lieu à une majoration de salaire de 10 %
Présentation de l’affaire
Une salariée est embauchée, en qualité de caissière en contrat à durée déterminée à temps partiel le 24 juillet 1995, transformé le 18 septembre 1995 en contrat à durée indéterminée.
Elle est par la suite promue au poste de chef-caissière le 6 octobre 2010.
Par un avenant dit « avenant de fonction », la salariée apprend qu’elle doit effectuer le remplacement de son chef de magasin, ayant pour effet de porter la durée du travail à plus de 35h voir 42h par semaine.
A la suite de ce changement de poste le médecin du travail l’a déclare inapte, pour situation de danger immédiat, à son poste et à tous les postes de l’entreprise.
Elle est par la suite, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 20 décembre 2010.
Demande de la salariée
A la suite de son licenciement, la salariée saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir :
- La requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein ;
- Et le paiement d’un rappel de salaires, sur la base d’un temps plein.
Décision de la Cour d’Appel
Dans un premier temps, la cour d’Appel de Pau décide de refuser les demandes de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein et le paiement des rappels de salaire sur la base d’un temps plein.
Selon la cour d’appel, l'employeur oppose « à juste titre » que les avenants intitulés " avenants faisant fonction ", et qui permettaient à une chef caissière d'occuper les fonctions de son chef de magasin temporairement absent ne venaient pas seulement modifier la durée du travail et qu'il s'agit alors « d'un nouveau contrat conclu pour une durée limitée pour de nouvelles fonctions ».
En outre, la salariée n’avait pas été contrainte d’accepter de remplir les fonctions de chef de magasin.
En d’autres termes, et c’est l’argument retenu par la Cour d’appel de Pau, les avenants dits " avenants faisant fonction " ne pouvaient dans les « critères d'appréciation d'un dépassement d'horaire justifiant une requalification du contrat en contrat à temps plein ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que, pour débouter la salariée de ses demandes de requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps plein et de paiement d'un rappel de salaires, l'arrêt retient que la salariée fait valoir qu'elle a effectué plus de 10 % d'heures complémentaires par mois, voire 40 % par rapport à son contrat initial, en infraction avec le code du travail et la jurisprudence, qu'elle effectuait plus de 35 heures par semaine et même 42 heures et qu'un avenant ne permet pas de déroger à l'interdiction, que la société oppose que les différents contrats et avenants signés étaient conformes à la législation et la réglementation applicables au moment de leur signature, qu'elle objecte notamment à bon droit que l'avenant du 1er septembre 1995, qui a transformé le contrat à durée déterminée initial en contrat à durée indéterminée, prévoit expressément que " toutes les autres conditions de votre contrat demeurent inchangées ", de sorte qu'il ne saurait lui être fait grief que la répartition du temps de travail n'aurait pas été prévue par écrit, que la salariée invoque notamment des avenants à son contrat de travail qui l'auraient conduite à dépasser non seulement son temps partiel, mais encore la durée légale d'un travail à temps plein, que toutefois, l'employeur oppose à juste titre qu'il s'agit d'avenants dits " avenants faisant fonction ", qui permettent à une chef caissière d'occuper les fonctions de son chef de magasin temporairement absent, que dans ce cas, non seulement la durée du travail est modifiée, mais également la rémunération et les fonctions, que la possibilité pour un salarié de remplacer provisoirement son supérieur absent est expressément prévue à l'article 4-4. 3 de la convention collective, qu'ainsi c'est à bon droit que l'employeur objecte que ces avenants ne viennent pas seulement modifier la durée du travail et qu'il s'agit alors d'un nouveau contrat conclu pour une durée limitée pour de nouvelles fonctions, qu'il n'est pas allégué par la salariée qu'elle aurait refusé d'exécuter ces fonctions de chef de magasin ni qu'elle aurait été contrainte de les accepter, que, dans ces conditions, les périodes au titre de ces " avenants faisant fonction " ne peuvent entrer dans les critères d'appréciation d'un dépassement d'horaire justifiant une requalification du contrat en contrat à temps plein ;
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel.
Elle casse et annule son arrêt, estimant que les heures effectuées par la salariée, en exécution des avenants, avaient eu pour effet de « porter la durée hebdomadaire du travail de celle-ci, employée à temps partiel, au niveau de la durée légale ».
De ce fait, elle considère que :
- Le contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps plein ;
- Et que la salariée ouvre droit de ce fait au paiement d'un rappel de salaires sur la base d'un temps complet.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les heures effectuées par la salariée en exécution des avenants avaient eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail de celle-ci, employée à temps partiel, au niveau de la durée légale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes de requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps plein et de paiement d'un rappel de salaires sur la base d'un temps complet, l'arrêt rendu le 13 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Références
Cour de cassation chambre sociale audience publique du 31 mars 2016 N° de pourvoi: 14-17323