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Un arrêt de la Cour de cassation a retenu toute notre attention, raison pour laquelle nous vous proposons la présente actualité. Il y est question des conventions de forfait annuel en jours, et de l’éventuelle surcharge de travail qui en résulte.
Présentation de l’affaire
Une salariée est engagée à compter du 10 mai 2004 en qualité d'ingénieur marketing produit.
Son contrat de travail contient une convention de forfait en jours.
Suite à son licenciement pour motif économique le 17 novembre 2011, la salariée décide de saisir la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment au titre des heures supplémentaires.
L’arrêt de la cour d’appel
Dans son arrêt du 5 juin 2015, la Cour d'appel de Toulouse donne raison à la salariée.
Elle constate en effet le non-respect par l’employeur de plusieurs clauses de l’accord collectif, plus précisément celles qui sont en lien avec les temps de repos minimaux (11 heures de repos consécutives par jour auxquelles s’ajoutent les 24 heures hebdomadaires).
Elle fait référence à de nombreux déplacements à l’étranger qui donnaient lieu au dépassement des durées maximales de travail et au non-respect des durées minimales de repos.
Extrait de l’arrêt :
(…) 2°/ que le temps de déplacement pour se rendre sur le lieu de travail ne constitue pas du temps de travail effectif, mais doit donner lieu, lorsqu'il excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, à l'octroi d'une contrepartie financière ou sous forme de repos ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les temps de voyage en avion pour se rendre sur les lieux de travail en déplacement mentionnés sur les agendas de la salariée ne constituaient pas du temps de travail effectif et donnaient lieu à compensation sous forme de repos de récupération ; qu'en se fondant néanmoins sur les temps de déplacement à l'étranger de la salariée, pour retenir qu'elle ne respectait pas les durées maximales de travail et minimales de repos,(…)
L’arrêt de la Cour de cassation
Le raisonnement de la Cour d'appel de Toulouse est confirmé par la Cour de cassation dans le présent arrêt du 25 janvier 2017.
La Cour de cassation indiquant à cette occasion que :
- Les règles relatives au repos dont doivent bénéficier les salariés n'avaient pas été respectées pendant l'exécution de la convention de forfait en jours ;
- Le défaut d’organisation d’entretiens relatifs à la charge de travail de la salariée et à l'articulation entre sa vie privée et sa vie professionnelle.
Ces faits ont donc pour conséquence de priver d’effet la convention de forfait, ouvrant droit ainsi à des rappels de salaires relatifs au paiement d’heures supplémentaires.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'ayant retenu que les règles relatives au repos dont doivent bénéficier les salariés n'avaient pas été respectées pendant l'exécution de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas organisé en 2009 d'entretien portant sur la charge de travail de la salariée, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre la vie professionnelle et personnelle et constaté, sans méconnaître les termes du litige, que l'employeur n'établissait pas avoir pris en 2011 de mesures effectives pour remédier à la surcharge de travail évoquée par la salariée au cours de l'entretien annuel prévu par l'article L. 3121-46 du code du travail ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours privait d'effet la convention de forfait, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant justement critiqué par la première branche, en a exactement déduit que la salariée pouvait prétendre au paiement d'heures supplémentaires ; que le moyen, qui en sa deuxième branche manque en fait, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Quelques rappels
Terminons la présente actualité en rappelant les termes des articles L 3121-64 et L 3121-65 du code du travail, récemment modifiés par la loi travail, selon lesquels l'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
- Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
- Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.
Article L3121-64
Créé par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-8.
L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.
Enfin dans le cadre des « dispositions supplétives », le nouvel article L 3121-65 précise qu’à défaut de stipulations conventionnelles, une convention de forfait peut être conclue sous réserve que l’employeur respecte les dispositions suivantes :
- Établissement d’un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, le document peut être renseigné par le salarié sous la responsabilité de l'employeur ;
- S’assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
- Organisation une fois par an d’un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
Article L3121-65
Créé par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
I.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-8.
Références
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 25 janvier 2017
N° de pourvoi: 15-21950 Non publié au bulletin