Quand la Cour de cassation se penche sur le contingent d’heures supplémentaires

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Quand la Cour de cassation se penche sur le contingent d’heures supplémentaires
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Par un arrêt du 1er mars 2017, la Cour de cassation vient d’apporter une précision important concernant la fixation du contingent d’heures supplémentaires par un accord collectif.

Elle précise ainsi la valeur d’un accord collectif dérogeant à l’accord de branche… 

L’affaire concernée

Dans la présente affaire, une société est soumise à la convention collective nationale des industries chimiques.

Elle signe avec la DUP (Délégation Unique du Personnel), un accord d'entreprise du 19 avril 2011 portant le contingent annuel d'heures supplémentaires à un montant de 220 heures par salarié, supérieur à celui prévu par l'accord de branche.

La commission paritaire de branche valide l'accord le 31 août 2011 et la DIRECCTE l'enregistre le 8 septembre 2011. 

Mais la Fédération nationale des industries chimiques (CGT) fait assigner la société ainsi que la délégation unique du personnel de l'entreprise et ses membres devant un tribunal de grande instance en annulation de l'accord d'entreprise. 

L’arrêt de la cour d’appel

La Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 3 novembre 2015, donne raison à la fédération nationale, considérant que l’accord d’entreprise du 19 avril 2011, fixant un contingent d’heures supplémentaires supérieur à celui prévu par accord de branche, doit être annulé. 

Elle précise en outre, que si le Conseil constitutionnel a indiqué que les parties à la négociation collective peuvent dès la publication de la loi du 20 août 2008 conclure des accords d'entreprise prévoyant un contingent différent d'heures supplémentaires (du contingent prévu par les conventions collectives antérieures), c'est à la condition d'avoir dénoncé ces conventions antérieures, ce qui n'est pas le cas en l'espèce concernant l'accord cadre de branche en date du 8 février 1999. 

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la Cour d’appel de Versailles. 

Elle précise que selon l'article L. 3121-11, alinéa 1, du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 18 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Et que ces dispositions sont d'application immédiate et permettent de fixer par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement le contingent d'heures supplémentaires à un niveau différent de celui prévu par l'accord de branche, quelle que soit la date de conclusion de ce dernier. 

En d’autres termes, la Cour de cassation précise ainsi que la loi du 20 août 2008 :

  • Permet à un accord d’entreprise de fixer le contingent à un niveau différent de celui retenu par accord de branche ;
  • Y compris si ce dernier a été conclu avant l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008. 

Extrait de l’arrêt :

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article L. 3121-11, alinéa 1, du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 18 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ; que ces dispositions sont d'application immédiate et permettent de fixer par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement le contingent d'heures supplémentaires à un niveau différent de celui prévu par l'accord de branche, quelle que soit la date de conclusion de ce dernier ;

Attendu que pour annuler l'accord d'entreprise du 19 avril 2011, l'arrêt retient, d'abord, que si le Conseil constitutionnel a indiqué que les parties à la négociation collective peuvent dès la publication de la loi du 20 août 2008 conclure des accords d'entreprise prévoyant un contingent différent d'heures supplémentaires (du contingent prévu par les conventions collectives antérieures), c'est à la condition d'avoir dénoncé ces conventions antérieures, ce qui n'est pas le cas en l'espèce concernant l'accord cadre de branche en date du 8 février 1999, ensuite, que cet accord cadre, qui a été conclu avant la loi du 4 mai 2004, laquelle a remis en cause la hiérarchie des normes jusqu'alors en vigueur, ne comprend pas de dispositions permettant expressément aux entreprises d'y déroger et fixe dans son article 8 le contingent d'heures supplémentaires à 130 heures par an et par salarié, enfin, qu'il n'est pas possible de conclure d'accord collectif d'entreprise déterminant un contingent d'heures supplémentaires supérieur à celui prévu par l'accord de branche ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la Fédération nationale des industries chimiques CGT recevable en ses demandes, l'arrêt rendu le 3 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Article L3121-11 (version en vigueur du 22 août 2008 au 9 août 2016)

Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 18 (V)

Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

A défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe.

NOTA : 

Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 JORF du 21 août 2008 art. 18 IV : La contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l'article L. 3121-11 du code du travail dans la rédaction issue de la présente loi est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés. Cette dernière disposition, qui concerne également les professions agricoles, ne s'applique qu'aux seules professions agricoles visées aux 6° à 6° quater de l'article L. 722-20 du code rural qui n'ont pas une activité de production agricole. Les heures choisies accomplies en application d'un accord conclu sur le fondement de l'article L. 3121-17 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la présente loi n'ouvrent pas droit à la contrepartie obligatoire en repos.

Références

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 1 mars 2017 
N° de pourvoi: 16-10047 Publié au bulletin