Cet article a été publié il y a 7 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Au Conseil des ministres du 28 juin 2017, Madame Muriel Pénicaud, ministre du travail a présenté le « projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social », qui a été adopté.
Le texte a par la suite été transmis au Conseil d’État. Nous sommes désormais dans la période d’examen par le Parlement, qui devrait en toute logique s’achever par un vote définitif à la fin du mois de juillet.
C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons pris connaissance du projet de loi mais également du document intitulé « étude d’impact » et vous proposons aujourd’hui de découvrir notre sélection des 10 modifications (qui nous semblent importantes ou marquantes) que pourraient apporter les ordonnances dont le Premier ministre a, il y a quelques temps, annoncé une publication en fin d’été (dans le courant du mois de septembre vraisemblablement).
Au terme de la présente actualité, vous sont rappelées en bref les autres modifications attendues…
Modification 1 : contrats CDD et temporaire
Une adaptation, par convention ou accord collectif de branche des règles relatives au CDD et contrat de travail temporaire, à savoir :
- Les motifs de recours ;
- La durée du contrat ;
- Le renouvellement ;
- Leur succession sur un même poste ou avec le même salarié.
L’étude d’impact précise que ces négociations ne seraient toutefois pas ouvertes au niveau de l’entreprise.
Extrait étude d’impact :
Adaptation par convention ou accord collectif de branche les dispositions en matière de travail à durée déterminée et de travail temporaire : il s’agirait d’ouvrir les possibilités de négociation au niveau de la branche (et non de l’entreprise), en matière de réglementation relative au CDD et au travail temporaire, en ce qui concerne les motifs de recours à ces contrats, durée et leur succession sur un même poste ou avec le même salarié.
Modification 2 : contrats de chantier
Par accord de branches, le recours aux contrats de chantier serait favorisé et sécurisé.
Pourraient ainsi être conclus des contrats CDI « conclus pour la durée d’un chantier ou d’une opération ».
L’étude d’impact précisant à ce sujet, que « ce type de contrat ne serait pas généralisé, mais bien limité aux branches ayant conclu un accord pour le mettre en œuvre ».
Extrait projet de loi et étude d’impact :
Projet de loi :
c) Favorisant et sécurisant, par accord de branche, le recours aux contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d’un chantier ou d’une opération ;
Étude d’impact :
Sécurisation du recours aux contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d’un chantier ou d’une opération : si la jurisprudence a reconnu la possibilité pour un 58 employeur de recourir à de tels contrats en dehors du secteur du BTP59, le cadre juridique reste peu sécurisé. Il pourrait donc être précisé qu’un tel contrat peut concerner toute opération dont l’objet est précisément défini, le début et la fin clairement identifiés mais dont la durée et le terme sont incertains. Afin de vérifier que les conditions de recours à ce type de contrat sont bien réunies dans le ou les branches ou secteurs concernés, un mécanisme d’homologation par l’autorité administrative pourrait être envisagé. En tout état de cause, ce type de contrat ne serait pas généralisé, mais bien limité aux branches ayant conclu un accord pour le mettre en œuvre.
Modification 3 : travail de nuit
La période de travail de nuit pourrait être adaptée de manière limitée.
Le champ de la négociation collective pourrait être renforcé « dans la définition du caractère exceptionnel du travail de nuit ».
Concrètement, il y aurait la possibilité de reporter de façon limitée le début et la fin de la période de nuit.
Pour les entreprises n’ayant pas d’accord sur le travail de nuit ou de soirée mais souhaitant faire travailler les salariés jusqu’à 21h00 et à partir de 6h00, de pouvoir ajuster à la marge la plage de travail de nuit, afin de permettre dans les faits aux salariés de rester actifs à leur poste dans la tranche horaire précitée.
Extrait projet de loi et étude d’impact :
Projet de loi :
d) Sécurisant le recours au travail de nuit, en permettant une adaptation limitée de la période de travail de nuit de nature à garantir un travail effectif jusqu’au commencement et dès la fin de cette période, ainsi qu’en renforçant le champ de la négociation collective dans la définition du caractère exceptionnel du travail de nuit ;
Étude d’impact :
- Possibilité de reporter de façon limitée le début et la fin de la période de nuit, afin d’assurer un travail effectif jusqu’aux heures de début et de fin de la période de travail de nuit telles que définies à défaut de convention ou d’accord collectif : il s’agirait de permettre aux entreprises n’ayant pas d’accord sur le travail de nuit ou de soirée mais souhaitant faire travailler les salariés jusqu’à 21h00 et à partir de 6h00, de pouvoir ajuster à la marge la plage de travail de nuit, afin de permettre dans les faits aux salariés de rester actifs à leur poste dans la tranche horaire précitée
Modification 4 : licenciement économique
4 aspects du licenciement économique pourraient connaitre des modifications :
- Modification du périmètre d’appréciation de la cause économique du licenciement ;
- Les conditions permettant de mettre en place un PSE (seuil d’effectif et nombre de licenciements) ;
- Précision des conditions dans lesquelles l’employeur satisfait à son obligation de reclassement ;
- Précision des conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d’ordre des licenciements dans le cadre des catégories professionnelles en cas de licenciement collectif pour motif économique seraient définies.
Extrait étude d’impact :
2° De modifier les dispositions relatives au licenciement pour motif économique, en définissant le périmètre d’appréciation de la cause économique, en prenant toute disposition de nature à prévenir ou tirer les conséquences de la création artificielle ou comptable de difficultés économiques à l’intérieur d’un groupe à la seule fin de procéder à des suppressions d’emploi, en précisant les conditions dans lesquelles l’employeur satisfait à son obligation de reclassement, en précisant les conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d’ordre des licenciements dans le cadre des catégories professionnelles en cas de licenciement collectif pour motif économique, en adaptant les modalités de licenciements collectifs à la taille de l’entreprise et au nombre de ces licenciements et en facilitant les reprises d’entités économiques autonomes ;
Modification 5 : mise en place d’un « Cerfa lettre de licenciement »
Afin de mieux encadrer la procédure de licenciement ainsi que les exigences de motivation nécessaires et les conditions de demande par le salarié à l’employeur de précisions, il est envisagé d’établir un modèle type de lettre de licenciement, au moyen d’un formulaire « Cerfa ».
Celui-ci permettrait de sécuriser l’employeur, en clarifiant les exigences de forme nécessaires à l’énoncé des motifs du licenciement.
Extrait étude d’impact :
- Détermination des exigences de motivations du licenciement : il apparaît nécessaire de mieux encadrer la procédure et les effets de ce mode de rupture et de cadrer davantage les exigences de motivation nécessaires et les conditions de demande par le salarié à l’employeur de précisions ou de rectifications de procédure en vue de sécuriser tant l’employeur que le salarié dans la procédure de licenciement. Dans cet objectif, il est envisagé d’établir un modèle type de lettre de licenciement, au moyen d’un formulaire « Cerfa ». Celui-ci permettrait de sécuriser l’employeur, en clarifiant les exigences de forme nécessaires à l’énoncé des motifs du licenciement. Il est également envisagé de permettre au salarié, indépendamment de toute instance judiciaire, de demander à son employeur des explications complémentaires sur certains griefs qui lui sont reprochés, explications qui pourraient désamorcer le conflit en amont. Il s’agirait d’une simple faculté.
Modification 6 : indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Un référentiel obligatoire, rédigé en fonction de l’ancienneté du salarié, serait mis en place afin de fixer les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement d’un salarié sans cause réelle et sérieuse.
Ce référentiel ne s’appliquerait toutefois pas aux licenciements résultant d’une discrimination ou de faits de harcèlement, car ces cas « constituent une atteinte à l’intégrité de la personne ».
Extrait projet de loi et étude d’impact :
Projet de loi :
b) Modifiant les dispositions relatives à la réparation financière des irrégularités de licenciement, d’une part en fixant un référentiel obligatoire, établi notamment en fonction de l’ancienneté, pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’exclusion des licenciements entachés par une faute de l’employeur d’une particulière gravité, d’autre part en modifiant le cas échéant en conséquence les dispositions relatives au référentiel indicatif mentionné à l’article L. 1235-1 du code du travail ainsi que les planchers et les plafonds des dommages et intérêts fixés par ce même code pour sanctionner les autres irrégularités liées à la rupture du contrat de travail ;
Étude d’impact :
Le Gouvernement entendrait définir un plafond, un plancher et une échelle obligatoire des dommages et intérêts versées en cas de licenciement abusif. Seront exclus les licenciements résultant d’une discrimination ou de faits de harcèlement, car ces cas constituent une atteinte à l’intégrité de la personne.
Modification 7 : modification régime fiscal et social indemnités de rupture
Voici une modification qui ne devrait pas ravir les gestionnaires de paie, l’article 3 du projet de loi prévoit de « modifier le régime fiscal et social des sommes dues par l'employeur et versées au salarié à l’occasion de la rupture de contrat de travail ».
Extrait projet de loi :
Article 3 (…)
4° D’encourager le recours à la conciliation devant la juridiction prud’homale, en modifiant les règles de procédure applicables durant la phase de conciliation et de modifier le régime fiscal et social des sommes dues par l'employeur et versées au salarié à l’occasion de la rupture de contrat de travail.
Modification 8 : licenciement pour inaptitude
Il est prévu de :
- Clarifier les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude ;
- Sécuriser les modalités de contestation de l’avis d’inaptitude.
Extrait projet de loi et étude d’impact :
Projet de loi :
Article 3 (…)
e) Clarifiant les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude et sécurisant les modalités de contestation de l’avis d’inaptitude ;
Étude d’impact :
- Clarification des obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude et modalités de contestations de l’avis d’inaptitude : il s’agirait de revoir la procédure de contestation des avis des médecins du travail pour rendre le recours plus opérationnel et plus rapide, et de clarifier par ailleurs les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude.
Modification 9 : fusion des IRP
Selon l’article 2 du projet de loi, les IRP suivants pourraient fusionner en une seule instance :
- DP ;
- CE ;
- CHSCT.
L’ordonnance à venir, définira :
- Les conditions de mise en place ;
- La composition ;
- Les attributions et le fonctionnement de cette instance, y compris les délais d’information-consultation, les moyens, le nombre maximum de mandats électifs successifs des membres de l’instance ainsi que les conditions et modalités de recours à une expertise.
Extrait projet de loi :
Article 2(…)
1° Fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en définissant les conditions de mise en place, la composition, les attributions et le fonctionnement de cette instance, y compris les délais d’information-consultation, les moyens, le nombre maximum de mandats électifs successifs des membres de l’instance ainsi que les conditions et modalités de recours à une expertise ;
Modification 10 : l’arrivée du « chèque syndical »
Ainsi que l’indique l’article 2 du projet de loi, dans le but de renforcer « le dialogue social », serait introduit la possibilité pour le salarié d’apporter des ressources financées en tout ou partie par l’employeur (ce que l’on dénomme assez fréquemment actuellement sous le terme de « chèque syndical ») au syndicat de son choix.
Extrait projet de loi :
Article 2(…)
5° Renforçant le dialogue social, par la possibilité pour le salarié d’apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l’employeur, le renforcement de la formation des représentants des salariés, l’encouragement à l’évolution des conditions d’exercice de responsabilités syndicales ou d’un mandat de représentation et la reconnaissance de ceux-ci dans le déroulement de carrière et les compétences acquises en raison de ces responsabilités, ainsi que l’amélioration des outils de lutte contre les discriminations syndicales ;
Autres modifications en bref
Outre les 10 modifications que nous avons sélectionnées aujourd’hui, citons en bref d’autres modifications qui pourraient intervenir comme suit :
- Simplification du compte pénibilité ;
- Report du prélèvement à la source au 1er janvier 2019 ;
- Simplification et favorisation du télétravail ;
- Réduction des recours contentieux (saisine prud’hommes) en cas de rupture du contrat de travail ;
- Faire bénéficier l’accord d’entreprise, sauf dans certaines matières et sous certaines conditions, d’une présomption de conformité à la loi ;
- Accélération de la procédure de restructuration des branches professionnelles ;
- Définition des conditions dans lesquelles un accord collectif d’entreprise peut déroger à l’accord de branche y compris dans certains domaines réservés à la branche par la loi ou la convention de branche ou l’accord professionnel ou interprofessionnel.
- Représentation et participation des salariés ou de leurs représentants dans les organes délibérants des entreprises dont l’effectif dépasse un certain seuil, en particulier au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance ;
- Faciliter l’accès par voie numérique de toute personne au droit du travail et aux dispositions légales et conventionnelles qui lui sont applicables ;
- Favoriser et sécuriser le prêt de main d’œuvre à but non lucratif entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise ;
- Prévoir des mesures de coordination, de mise en cohérence et de toilettage résultant des ordonnances prises sur le fondement de la présente loi ;
- Correction des erreurs matérielles ou des incohérences contenues dans le code du travail à la suite des dernières évolutions législatives ;
- Actualiser les références au code du travail modifiées à la suite des évolutions législatives dans les lois et ordonnances en vigueur.
Références
Projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Étude d’impact, projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, du 27 juin 2017