Décider, par contrat de travail, de rémunérer les temps de pause, d’habillage ou de trajet professionnel est conforme à la constitution

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Décider, par contrat de travail, de rémunérer les temps de pause, d’habillage ou de trajet professionnel est conforme à la constitution
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Cet article a été publié il y a 7 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Saisi d’une QPC le 16 juin 2017, le Conseil constitutionnel vient de rendre un avis, sur cette possibilité instaurée par la loi travail de décider par le biais du contrat de travail, de rémunérer les temps de pause et de restauration, d’habillage et/ou déshabillage ou de trajet professionnel.

Le présent article vous en dit plus…

Rappels

Pause et temps de restauration

Depuis la loi travail, ce sont les articles suivants du code du travail qui donnent les « règles du jeu » en ce qui concerne l’éventuelle rémunération des temps de pause et de restauration.

  • Paragraphe 1 : Ordre public  

Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps de pause sont considérés comme du « temps de travail effectif » dès lors que les 3 critères définis à l’article L 3121-1 sont réunis de façon cumulative, à savoir que le salarié :

  1. Est à la disposition de l'employeur ;
  2. Se conforme aux directives de l’employeur ;
  3. Ne peut vaquer librement à des occupations personnelles. 

Article L3121-2

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis.

Article L3121-1

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

  • Paragraphe 2 : Champ de la négociation collective  

Dans le cadre du champ de la négociation collective, l’article L 3121-6 (auparavant consacré au régime d’astreinte, avant la loi travail) confirme que les temps de restauration et de pause, même lorsque ceux-ci ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, peuvent faire l’objet d’une rémunération selon :

  • Une convention ;
  • Un accord d’entreprise ou d’établissement ;
  • Ou à défaut, une convention ou un accord de branche. 

Article L3121-6

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir une rémunération des temps de restauration et de pause mentionnés à l'article L. 3121-2, même lorsque ceux-ci ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif. 

  • Paragraphe 3 : Dispositions supplétives. 

Dans le cadre du champ des « Dispositions supplétives », l’article L 3121-8 confirme qu’à défaut d’accords prévus aux articles L 3121-6 et L 3121-7, le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de restauration et de pause.

Article L3121-8

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

A défaut d'accords prévus aux articles L. 3121-6 et L. 3121-7 :

1° Le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de restauration et de pause ; (…)

Pause et temps de restauration

  • Dispositions ordre public 

Selon l’article L 3121-3 modifié par la loi travail, le temps consacré aux opérations d’habillage et/ou déshabillage doit faire l’objet d’une contrepartie financière ou sous forme de repos quand les deux conditions suivantes sont cumulativement respectées :

  1. Le port d’une tenue est obligatoire ;
  2. Les opérations d’habillage doivent être effectuées sur le lieu de travail. 

Article L3121-3

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

  • Négociation collective 

Dans le cadre du champ de la négociation collective, l’article L 3121-7 (auparavant consacré au régime d’astreinte) confirme qu’une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit:

  • Soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage ;
  • Soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif. 

Article L3121-7

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif.(…) 

  • Dispositions supplétives 

Dans le cadre du champ des « Dispositions supplétives », l’article L 3121-8 confirme qu’à défaut d’accords prévus aux articles L 3121-6 et L 3121-7, le contrat de travail peut :

  • Soit accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3 ;
  • Soit assimiler ces temps à du temps de travail effectif.

Article L3121-8

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

A défaut d'accords prévus aux articles L. 3121-6 et L. 3121-7 : (…)

2° Le contrat de travail prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif ;(…)

Déplacement professionnel

  • Dispositions ordre public 

Selon l’article L 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel (ou le temps de trajet selon les termes que l’on souhaite utiliser) se définit ainsi :

  1. Le temps de déplacement professionnel correspond au temps passé par le salarié pour se rendre de son domicile à son travail et vice versa ;
  2. Le temps de déplacement professionnel n’est pas du temps de travail effectif ;
  3. Toutefois, lorsque le temps de déplacement dépasse le « temps normal », il doit faire l’objet d’une contrepartie (soit sous forme de repos, soit sous forme financière). 

Article L3121-4

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Rappelons qu’une nouvelle disposition est instaurée, selon laquelle, le temps de trajet majoré du fait d’un handicap peut faire l’objet d’une contrepartie sous forme de repos. 

Article L3121-5

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Si le temps de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail est majoré du fait d'un handicap, il peut faire l'objet d'une contrepartie sous forme de repos. 

  • Négociation collective

Dans le cadre du champ de la négociation collective, l’article L 3121-7 (auparavant consacré au régime d’astreinte) confirme qu’une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel mentionné à l'article L. 3121-4 dépasse le temps normal de trajet.

Article L3121-7

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V) (…)

Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel mentionné à l'article L. 3121-4 dépasse le temps normal de trajet.

  • Dispositions supplétives 

Dans le cadre du champ des « Dispositions supplétives », l’article L 3121-8 indique que les contreparties prévues à l’article L 3121-7 sont déterminées par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent.

Article L3121-8

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

A défaut d'accords prévus aux articles L. 3121-6 et L. 3121-7 : (…)

3° Les contreparties prévues au second alinéa de l'article L. 3121-7 sont déterminées par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent. 

Objet de la QPC

Pour les 3 dispositions que nous venons de décrire (temps de pause+temps habillage+ temps de déplacement professionnel), le syndicat requérant soutenait qu’elles méconnaissaient « le principe d'égalité devant la loi. D'une part, en renvoyant au contrat de travail, en l'absence d'accord collectif, la fixation de la rémunération des temps de restauration et de pause et les contreparties aux temps d'habillage, de déshabillage et de trajet professionnel, ces dispositions créeraient des situations inégalitaires contraires à la Constitution ».

Extrait décision Conseil constitutionnel, rendue public le 15 septembre 2017 :

  1. Le syndicat requérant soutient que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi. D'une part, en renvoyant au contrat de travail, en l'absence d'accord collectif, la fixation de la rémunération des temps de restauration et de pause et les contreparties aux temps d'habillage, de déshabillage et de trajet professionnel, ces dispositions créeraient des situations inégalitaires contraires à la Constitution

Décision du Conseil constitutionnel

Selon le Conseil constitutionnel, le code du travail, dans sa rédaction depuis la loi travail, place tous les salariés ne relevant pas d’une convention ou d'un accord collectif, dans la même situation à savoir la négociation entre l'employeur et eux de leur contrat de travail. 

De ce fait, les dispositions sont conformes à la Constitution. 

Extrait décision Conseil constitutionnel, rendue public le 15 septembre 2017 :

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 juin 2017 par le Conseil d'État (décision nos 406987, 406990 du 14 juin 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la Confédération générale du travail - Force ouvrière par Me Thomas Haas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-653 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 3121-1 à L. 3121-8 et L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. (…)

  1. L'article L. 3121-6 du même code dans cette même rédaction prévoit : « Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir une rémunération des temps de restauration et de pause mentionnés à l'article L. 3121-2, même lorsque ceux-ci ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif ». 
  2. L'article L. 3121-7 du même code dans cette même rédaction prévoit : « Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif. 
    « Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel mentionné à l'article L. 3121-4 dépasse le temps normal de trajet ». 
  3. L'article L. 3121-8 du même code dans cette même rédaction prévoit : « À défaut d'accords prévus aux articles L. 3121-6 et L. 3121-7 : 
    « 1° Le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de restauration et de pause ; 
    « 2° Le contrat de travail prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif ; 
    « 3° Les contreparties prévues au second alinéa de l'article L. 3121-7 sont déterminées par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent ». (…)

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : 
Article 1er. - Il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le quatrième alinéa de l'article L. 3121-8 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. 
Article 2. - Les trois premiers alinéas de l'article L. 3121-8 et l'article L. 3121-45 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, sont conformes à la Constitution. 
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 septembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. 
Rendu public le 15 septembre 2017. 

Références


Décision n° 2017-653 QPC du 15 septembre 2017 du Conseil constitutionnel

LOI n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, JO du 9 août 2016