Cet article a été publié il y a 6 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
La réforme de la formation professionnelle est « en marche » ! C’est donc à ce titre que la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud vient de transmettre le 15 novembre 2017 aux partenaires sociaux un document d'orientation relatif à la réforme de la formation professionnelle sur la base duquel ils sont invités à négocier.
Nous nous sommes procurés ce document et l’avons étudié avec beaucoup d’intérêt.
Plusieurs sujets sont proposés à la négociation, notamment la fusion possible du CPF avec le CIF, le présent article vous en dit plus…
Les réformes possibles du CPF
Bilan du régime actuel
Le document d’orientation fait tout d’abord le bilan du CPF, entré en vigueur le 1er janvier 2015 en lieu et place du DIF, en rappelant notamment que :
- Des droits individuels sont capitalisés à travers des heures acquises sur le CPF ;
- Ces heures sont mobilisables jusqu’à la retraite, indépendamment du statut (NDLR : selon nous, ces heures restent mobilisables jusqu’au décès du salarié, à la retraite le seul changement qui intervienne est sur le fait que le bénéficiaire cesse d’acquérir des droits);
- Ces droits peuvent être également complétés par des abondements différenciés en fonction de la difficulté de certaines situations sur le marché du travail ou de projets professionnels ;
- Et enfin, afin d’accroître les ressources en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, leur acquisition est désormais accélérée pour les salariés non qualifiés.
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De très nombreux changements vont intervenir au 1er janvier prochain (Légisocial vous diffusera d’ailleurs une actualité récapitulant ces nombreuses modifications ou innovations dès le 2 janvier 2017, un rendez-vous à ...
Un bilan mitigé
Cependant, selon le document transmis aux partenaires sociaux, pour les salariés, comme pour les demandeurs d’emploi, la création du CPF n’a pas permis de sortir vraiment d’une logique de prescription de formation.
Une construction qui doit être approfondie
C’est en raison du bilan mitigé précité que le présent document indique que la « première étape de construction du compte personnel de formation demande à être approfondie, pour renforcer l’autonomie et la liberté des actifs, sa place dans le système de formation professionnelle et simplifier substantiellement les mécanismes d’accès à la formation et de gestion des comptes ».
Une fusion avec le CIF
Constant que :
- Le CIF, est passé d’une logique de promotion sociale à une logique de reconversion professionnelle ;
- Et que le CPF, s’est construit dans une logique de sécurisation des parcours professionnels actant les évolutions du marché du travail et s’inscrivant dans une perspective de droit attaché à la personne plutôt qu’au statut.
le document d’orientation considère que les 2 droits se « rapprochent de plus en plus ».
Raison pour laquelle, il est préconisé de fusionner les 2 dispositifs afin que le CPF devienne « l’unique droit personnel à la main des individus dans une logique d’appropriation directe, c’est-à-dire d’autonomie sans intermédiaire obligatoire ».
Une mobilisation qui doit devenir simple et transparente
Outre la fusion des 2 dispositifs, le CPF (dispositif unique) devrait permettre des mobilisations « simples et transparentes».
À cette fin, le Gouvernement mettra à disposition de tous les salariés et demandeurs d’emploi une application numérique permettant de connaître en temps réel :
- Les droits individuels acquis sur le CPF ;
- Les offres d’emploi disponibles sur le bassin d’emploi et la région ;
- Les formations (ainsi que les dates de cession) préparant à l’acquisition des compétences requises par ces emplois et les taux d’insertion dans l’emploi à l’issue des formations proposées ;
- Et la possibilité de s’inscrire en formation, sans avoir à solliciter obligatoirement un intermédiaire et sans avoir à effectuer de démarches administratives.
Une « unité de mesures insatisfaisante »
Autre réforme que souhaite apporter le Gouvernement sur le CPF, constatant qu’actuellement « l’unité de mesure en heures des droits de chacun sur son compte n’est pas satisfaisante » (celle-ci prenant mal en compte les nouvelles formes d’actions de formation relativisant les notions de présence sur un lieu en un temps donné).
Sans donner de réponse à cette problématique, la question posée aux partenaires sociaux étant « quelle doit être la nouvelle unité de mesure du CPF ? », nous pouvons être en droit d’imaginer que nous revenions à une unité « monétaire » comme fut en son temps le DIF, affaire à suivre…
Mettre fin aux listes d’éligibilités au CPF
Ce qui fait l’objet de nombreuses critiques en passant, le présent document rappelle que « l’encadrement de l’utilisation du CPF se fait aujourd’hui notamment à travers le système des listes de formation éligibles au compte.».
Même si les listes de formation éligibles ont permis un investissement sans précédent des partenaires sociaux sur l’identification des certifications professionnelles, le système d’éligibilité au CPF par des listes restreint les possibilités d’accès à la formation et rajoute un niveau de complexité supplémentaire à un ensemble déjà peu lisible.
En d’autres termes, il est proposé aux partenaires sociaux d’y mettre fin, tout en posant la question de savoir comment maintenir et organiser la montée en qualité des formations proposées dans le cadre du CPF ?
Extrait document d’orientation transmis aux partenaires sociaux le 15 novembre 2017
Des droits individuels sont désormais capitalisés à travers des heures acquises sur le compte, et mobilisables jusqu’à la retraite, indépendamment du statut. Ces droits peuvent être également complétés par des abondements différenciés en fonction de la difficulté de certaines situations sur le marché du travail ou de projets professionnels. Afin d’accroître les ressources en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, leur acquisition est désormais accélérée pour les salariés non qualifiés. Cependant, pour les salariés, comme pour les demandeurs d’emploi, la création du CPF n’a pas permis de sortir vraiment d’une logique de prescription de formation.
C’est pourquoi cette première étape de construction du compte personnel de formation demande à être approfondie, pour renforcer l’autonomie et la liberté des actifs, sa place dans le système de formation professionnelle et simplifier substantiellement les mécanismes d’accès à la formation et de gestion des comptes.
Avant la création du CPF, le congé individuel de formation (CIF) a longtemps représenté le seul droit de formation à la main du salarié et faisant l’objet d’un financement propre. De la création du DIF (Droit individuel à la formation) par l’accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 à sa transformation progressive en compte personnel de formation, les partenaires sociaux et le législateur ont construit des dispositifs alliant droits individuels et personnels. L’un, le CIF, est passé d’une logique de promotion sociale à une logique de reconversion professionnelle. L’autre, le CPF, s’est construit dans une logique de sécurisation des parcours professionnels actant les évolutions du marché du travail et s’inscrivant dans une perspective de droit attaché à la personne plutôt qu’au statut. Par leur finalité, assurer l’exercice d’un véritable droit de liberté professionnelle sorti du lien de subordination juridique, les deux droits se rapprochent de plus en plus. Cependant, par sa construction même, le CIF peine à remplir de manière collective et générale une véritable fonction de reconversion professionnelle (50 000 CIF par an environ pour 19 millions de salariés).
Le CPF doit donc devenir l’unique droit personnel à la main des individus dans une logique d’appropriation directe, c’est-à-dire d’autonomie sans intermédiaire obligatoire. Ses possibilités de mobilisation doivent devenir simples et transparentes. A cette fin, le Gouvernement mettra à disposition de tous les salariés et demandeurs d’emploi une application numérique permettant de connaître en temps réel les droits individuels acquis sur le compte personnel de formation, les offres d’emploi disponibles sur le bassin d’emploi et la région, les formations préparant à l’acquisition des compétences requises par ces emplois et les taux d’insertion dans l’emploi à l’issue des formations proposées. L’application permettra également de connaître les dates des cessions de formation et de s’inscrire en formation, sans avoir à solliciter obligatoirement un intermédiaire et sans avoir à effectuer de démarches administratives.
L’unité de mesure en heures des droits de chacun sur son compte n’est pas satisfaisante, celle-ci prenant mal en compte les nouvelles formes d’actions de formation relativisant les notions de présence sur un lieu en un temps donné.
L’encadrement de l’utilisation du CPF se fait aujourd’hui notamment à travers le système des listes de formation éligibles au compte. Pour autant, et bien que les listes de formation éligibles aient permis un investissement sans précédent des partenaires sociaux sur l’identification des certifications professionnelles, le système d’éligibilité au CPF par des listes restreint les possibilités d’accès à la formation et rajoute un niveau de complexité supplémentaire à un ensemble déjà peu lisible. Il est également peu transparent et crée de l’iniquité entre les bénéficiaires potentiels d’une même certification. Il doit donc être mis fin à cette condition d’utilisation du CPF.
Autres annonces
Outre les importantes modifications que pourrait connaitre le régime actuel du CPF, d’autres sujets sont proposés à la négociation avec les partenaires sociaux :
- Mise en place d’une contribution pour la formation des demandeurs d’emploi au taux de 0,30%, dans le cadre du PIC (Plan d’Investissement Compétences) ;
- Une simplification du PFE (Plan de Formation Entreprise) ;
- Une simplification des dispositifs de maintien en emploi des salariés, conduisant à la disparition des périodes de professionnalisation ;
- La refondation du système formation en alternance, notamment par une fusion possible des dispositifs des contrats d’apprentissage et de professionnalisation.
Extrait document d’orientation transmis aux partenaires sociaux le 15 novembre 2017
Ainsi, un plan d’investissement compétences (PIC), destiné à financer un effort sans précédent de formation des demandeurs d’emplois, sera engagé dès l’année prochaine et sur l’ensemble du quinquennat. Il permettra de former, en plus du « rythme de croisière » des dernières années, un million de demandeurs d’emplois de longue durée et un million de jeunes sans qualification.
Aujourd’hui, les partenaires sociaux consacrent en moyenne, sur les dernières années, environ 700 à 800 millions d’euros, hors contrat de professionnalisation, à la formation des demandeurs d’emploi. Dans le cadre du PIC, cette contribution pourra être portée, à partir de 2019, à 1,5 milliards d’euros par an et prendra la forme d’un prélèvement pouvant atteindre 0,3% de la masse salariale. Cette contribution a vocation à évoluer en fonction du nombre de demandeurs d’emplois. (…)
Il est ainsi indispensable de simplifier la construction et la formalisation du plan de formation. En effet, dans la pratique, les entreprises et les représentants du personnel ont du mal à distinguer effectivement les différences entre les catégories du plan. Il convient également de simplifier les dispositifs de maintien en emploi des salariés. Ainsi, la période de professionnalisation a vocation à disparaitre. Outre qu’elle est souvent utilisée comme outil d’adaptation au poste, le maintien dans l’emploi du salarié relève de l’obligation générale qui incombe à l’employeur au titre de l’article L. 6321-1 du code du travail.
En outre, la digitalisation fait exploser le partage entre présentiel et non présentiel, entre formation pendant et hors du temps de travail. Il devient donc nécessaire de développer des modalités pratiques d’accès à la formation, de pédagogie active, plus souples et plus adaptées à la rapidité des évolutions du marché du travail et donc des besoins en compétence des salariés. (…)
- Refonder le système de formation en alternance sur les besoins des entreprises et les attentes des jeunes
Malgré des progrès récents, notre système de formation en alternance est à la fois complexe, peu efficient et peu transparent.
Au vu des comparaisons avec les pays européens les plus performants en la matière, qui présentent un taux de chômage des jeunes souvent deux fois plus faibles que le nôtre, l’organisation de l’apprentissage dans notre pays n’est pas satisfaisante. Les professionnels sont peu ou mal associés à l’élaboration des diplômes. La gestion des centres de formation d’apprentis reste très encadrée administrativement, ne répondant pas toujours aux besoins des entreprises. Certaines demandes de formation des entreprises ne sont pas satisfaites, cependant que beaucoup de centres sont loin d’être remplis. Les contraintes du rythme scolaire sur l’organisation de la formation en entreprise est inadapté à la demande des entreprises et des jeunes et peuvent conduire les entreprises à renoncer à des offres d’apprentissage et des jeunes en rupture de contrat à perdre une année entière.
Pour contourner cette rigidité, les partenaires sociaux ont développé le contrat de professionnalisation, plus souple, plus réactif, et dont le financement au contrat garantit une meilleure utilisation des fonds publics. Ceci étant, la coexistence de deux systèmes participe de la complexité et au final du manque d’attractivité de la formation en alternance.
Calendrier annoncé
- La négociation devrait prendre fin en janvier 2018 ;
- Permettant au Gouvernement de présenter au Parlement en avril 2018 son projet de loi (qui portera également sur l'assurance-chômage).