Cet article a été publié il y a 7 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
La Cour de cassation vient de publier 5 avis du 6 novembre 2017, elle y abordait le cas particulier d’anciens salariés licenciés d’une entreprise mise en liquidation judiciaire et du sort qui devait alors être réservé à la portabilité de la prévoyance : les salariés pouvaient-ils y prétendre présentement ?
Rappel sur les principes de la portabilité
Principe général
La portabilité de la prévoyance permet à un salarié de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, de continuer à bénéficier du régime de prévoyance dont il bénéficiait lors de sa présence dans l’entreprise.
2 régimes des prévoyances
- Régime frais de santé (ou mutuelle)
Garanties liées aux risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liées à la maternité.
En d’autres termes, le régime frais de santé permet de compléter, en tout ou partie, les frais exposés, au profit des salariés, leur conjoint et leurs enfants, les prestations servies par le régime de la sécurité sociale dont ils relèvent.
Sont ainsi concernés :
- Les visites chez le médecin traitant ou spécialiste ;
- Les actes médicaux (examens sanguins, radiographies, etc.) ;
- Les médicaments ;
- Les dépassements d’honoraires en matière de chirurgie ;
- Les frais d’hospitalisation, de chambre particulière ;
- Les frais d’optique ;
- Les frais dentaires;
- Etc.
- Régime prévoyance « risques lourds »
Sont concernées les autres garanties de prévoyance.
Sont ainsi visées les garanties liées au risque décès ou aux risques d'incapacité de travail ou d'invalidité.
Un régime de portabilité qui a connu de nombreuses évolutions
Historiquement, la portabilité de la prévoyance a été instaurée par :
- La loi Évin n°89-1009 du 31 décembre 1989 et le décret n°90-769 du 30 août 1990, visant au maintien des garanties de leur couverture santé après départ de l’entreprise ;
- L’article 14 de l’ANI du 11 janvier 2008 instaurant le dispositif de portabilité de la prévoyance ;
- Puis l’avenant du 12 janvier 2009 ;
- Puis l’avenant du 18 mai 2009 ;
- Puis l’ANI du 11 janvier 2013 ;
- Et enfin la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi (publiée au JO du 16 juin 2013).
LOI no 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, JO du 16 juin 2013
Un régime « définitif » depuis le 1er juin 2015
Prévoyance garantie frais de santé | Le dispositif « légal » de portabilité s’applique, selon les dispositions de l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 1 (V). |
Régime prévoyance « risques lourds |
Les 3 conditions cumulatives à respecter
Afin de pouvoir bénéficier du régime de la portabilité, le salarié doit répondre à 3 conditions cumulatives :
- Qu’il bénéficiait, lorsqu'il était salarié, de la couverture santé et prévoyance ;
- Que la rupture de son contrat de travail soit comprise dans les cas autorisés ;
- Qu’il perçoive des allocations chômage pendant la période de portabilité.
Article L911-8
Créé par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 1 (V)
Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes :
1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;
2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ; (…)
Les motifs de rupture concernés
Ce maintien n’est toutefois possible que pour les cas de rupture suivants :
- Licenciement (sauf faute lourde) ;
- Rupture conventionnelle ;
- Une rupture amiable dans le cadre d’un PSE ;
- L’arrivé à son terme d’un contrat CDD, d’apprentissage ou de contrat de professionnalisation ;
- L’adhésion à un CSP ;
- Démission reconnue « légitime » par l’UNEDIC.
Durée maximale de la portabilité
Le maintien des garanties s’effectue dans la limite :
- Du dernier contrat de travail ou le cas échéant des derniers contrats de travail s’ils sont consécutifs chez le même employeur ;
- Dans la limite de 12 mois.
Légalement, selon l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur.
Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder 12 mois.
Article L911-8
Créé par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 1 (V)
Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes :
1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;
2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;
3° Les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise ;
4° Le maintien des garanties ne peut conduire l'ancien salarié à percevoir des indemnités d'un montant supérieur à celui des allocations chômage qu'il aurait perçues au titre de la même période ;
5° L'ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ;
6° L'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.
Le présent article est applicable dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail.
NOTA :
LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 art. 1 X : L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale entre en vigueur :
1° Au titre des garanties liées aux risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, à compter du 1er juin 2014 ;
2° Au titre des garanties liées au risque décès ou aux risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, à compter du 1er juin 2015.
Durée maximale portabilité : exemples concrets
- Ancienneté dans l’entreprise : 30 mois permet une portabilité maximale de 12 mois ;
- Ancienneté dans l’entreprise de 3 mois entraine une portabilité de 3 mois ;
- Ancienneté dans l’entreprise de 3 mois et 4 jours permet une portabilité de 4 mois ;
- Ancienneté dans l’entreprise de 15 jours permet une portabilité de 1 mois.
Par le jeu de l’arrondi prévu à l’article L 911-8, toute ancienneté même d’une journée ouvre droit à la portabilité. Ainsi, si le salarié est présent moins d’un mois, il ouvre droit à portabilité dans la limite d’un mois.
À quel moment prend fin la portabilité ?
Plusieurs évènements mettent fin à la période de portabilité, comme :
- Au terme de la durée maximale précitée, à savoir 12 mois ;
- Au terme de la durée maximale calculée selon le temps de présence du salarié dans l’entreprise (exemple : 6 mois si le salarié justifiant d’une ancienneté équivalente au début de la portabilité) ;
- Quand le salarié bénéficiaire retrouve un emploi et n'est plus indemnisé par l'assurance chômage (nota : peu importe alors qu’il bénéficie ou non d'une prévoyance complémentaire chez son nouvel employeur) ;
- Lorsque le bénéficiaire est radié des listes du Pôle emploi ;
- En cas de non-production auprès de l’employeur ou de l’organisme assureur, des documents justificatifs de l’indemnisation chômage, au moment du versement de la prestation ;
- Enfin, en cas de liquidation de la pension de retraite en cours de portabilité.
Le financement de la portabilité
Dans son régime définitif, la portabilité n’est désormais financée que d’une seule façon, à savoir que la prise en charge est assurée conjointement par l’employeur et les salariés présents dans l’entreprise.
En d’autres termes, tout salarié bénéficie désormais d’une portabilité à titre gratuit.
Rappelons que l’ancien régime (avant le 1er juin 2014 pour la prévoyance frais de santé, avant le 1er juin 2015 pour la prévoyance « risques lourds ») prévoyait 3 régimes de financement :
- Préfinancement par les actifs : système de mutualisation qui est désormais le régime unique ;
- Appel de toutes les cotisations lors de la cessation du contrat de travail : solution qui consistait à faire un appel des fonds lors de la cessation du contrat de travail, en l’occurrence lors du solde de tout compte ;
- Un appel échelonné des cotisations : rien n’était prélevé au départ du salarié mais un appel de fonds devait se faire tout au long de la période de portabilité. Le non-paiement par l'ancien salarié de sa quote-part de financement de ces garanties, à la date d'échéance des cotisations, libérait l'ancien employeur de toute obligation et entraînait la perte des garanties pour la période restant à courir.
Avis de la Cour de cassation
Présentation des 5 affaires concernées
Chacune des 5 affaires concernées traite de la situation suivante :
- Le liquidateur judiciaire de sociétés et associations qui avaient précédemment souscrit des garanties collectives au bénéfice de leurs salariés auprès d’institutions de prévoyance, de mutuelles et d’une entreprise d’assurance, ayant réclamé, sur le fondement des dispositions de l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, le maintien des couvertures santé et/ou prévoyance au profit de salariés licenciés.
La problématique
Compte tenu du régime de financement de la portabilité, à savoir le préfinancement par les actifs, le TGI de Strasbourg sollicite la Cour de cassation afin de savoir si les anciens salariés licenciés d’une entreprise en liquidation judiciaire ouvraient droit au bénéfice de la portabilité de la prévoyance.
Avis de la Cour de cassation
Dans 5 avis rendus par la Cour de cassation et pour lesquels nous vous proposons ci-après la note explicative proposée par la Cour de cassation, cette dernière apporte une précision très importante selon laquelle :
- Les dispositions de l’article L 911-8 portant sur la portabilité de la prévoyance s’appliquent aux anciens salariés licenciés d’une entreprise mise en LJ (Liquidation Judiciaire) ;
- Sous réserve que le contrat collectif liant l’entreprise liquidée et l’organisme de prévoyance n’ait pas été résilié.
Au sein de la note explicative, dont nous vous proposons l’intégralité du texte, la Cour de cassation conclue qu’en « prenant en considération l’ensemble des données juridiques du problème comme ses dimensions financières et sociales, la Cour de cassation siégeant en formation mixte pour avis, après avoir relevé que les dispositions de l’article L. 911-8 n’opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l’employeur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, a conclu qu’elle étaient applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur en liquidation judiciaire. Elle a relevé toutefois que, le paragraphe 3 de ce texte précisant que les garanties maintenues sont celles en vigueur dans l’entreprise, le maintien des droits implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié. Dans ces conditions, le maintien des garanties, sans être exclu par principe en cas de liquidation judiciaire de l’employeur, aura vocation à s’appliquer de manière limitée. »
Note explicative relative aux avis 17013 à 17017 du 6 novembre 2017 (Demandes d’avis de 1770011 à 1770015 du TGI de Strasbourg)
Les dispositions de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale sont applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte.
Toutefois, le maintien des droits implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié.La Cour de cassation a été saisie par un tribunal de grande instance de cinq demandes d’avis posant toutes la question de savoir si les dispositions de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale sont applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire.
Chacune des cinq affaires présentait une configuration similaire, le liquidateur judiciaire de sociétés et associations qui avaient précédemment souscrit des garanties collectives au bénéfice de leurs salariés auprès d’institutions de prévoyance, de mutuelles et d’une entreprise d’assurance, ayant réclamé, sur le fondement des dispositions de ce texte, le maintien des couvertures santé et/ou prévoyance au profit de salariés licenciés.
L’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l’article L. 911-1 du même code (c’est-à-dire par voie de conventions ou d’accords collectifs, à la suite de la ratification à la majorité des salariés d’un projet d’accord proposé par le chef d’entreprise ou par une décision unilatérale du chef d’entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé) contre les risques décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage, selon des conditions qu’il détermine.
Les garanties maintenues pour une durée ne pouvant excéder douze mois sont définies par le paragraphe trois de ce texte, comme étant « celles en vigueur dans l’entreprise ».
Les dispositions du nouvel article L. 911-8 du code de la sécurité sociale qui sont d’ordre public en application de l’article L. 911-14 du même code sont entrées en vigueur à compter du 1er juin 2014 en ce qui concerne la couverture des frais de santé et à compter du 1er juin 2015 s’agissant des garanties de prévoyance lourde (décès, invalidité et incapacité).
Insérées dans la partie du code de la sécurité sociale dédiée aux dispositions générales relatives à la protection sociale complémentaire des salariés, elles s’appliquent aux trois catégories d’organismes assureurs habilités à réaliser ce type d’opérations d’assurance, à savoir les entreprises d’assurance régies par le code des assurances, les mutuelles régies par le code de la mutualité et les institutions de prévoyance, régies par le code de la sécurité sociale.
La question de savoir si l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale est applicable lorsque l’employeur est placé en liquidation judiciaire a donné lieu à des appréciations divergentes tant par les juridictions du fond que par la doctrine et n’a jamais été tranchée par la Cour de cassation.
La difficulté tient au fait que ce texte ne dit rien des conditions de mise en oeuvre du maintien des garanties dans une telle situation, le législateur ayant seulement prévu à l’article 4 de la loi du 14 juin 2013 la remise d’un rapport par le Gouvernement sur ce sujet, lequel n’a jamais été déposé au Parlement.
Certains arguments, fondés sur une analyse exégétique du texte, pouvaient militer en faveur d’une réponse négative à la question posée.
Ainsi, si l’on se réfère aux travaux préparatoires et aux termes mêmes de l’article 4 de la loi du 14 juin 2013, l’on peut douter que le législateur ait eu l’intention d’inclure d’emblée, dans le champ d’application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, les anciens salariés dont l’employeur est placé en liquidation judiciaire, en l’absence de financement adapté.
En effet, le maintien des garanties « à titre gratuit », c’est-à-dire sans participation financière des bénéficiaires du dispositif pendant la durée de maintien des droits, implique un financement mutualisé de la couverture des risques, les actifs cotisant pour les futurs chômeurs.
En l’absence d’un haut degré de mutualisation, ce financement est susceptible d’être remis en cause en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise lorsque l’activité cesse et que tous les salariés sont progressivement licenciés, sauf aux organismes assureurs à en anticiper les effets par un renchérissement du coût des contrats collectifs.
C’est sur la base de ce constat que le législateur a demandé au Gouvernement d’établir un rapport sur la possibilité de faire intervenir un fonds de mutualisation pour prendre en charge le financement de la couverture santé et prévoyance lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire.
D’autres arguments pouvaient militer, à l’inverse, en faveur de l’application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire.
En premier lieu, ce texte n’opère aucune distinction entre les salariés des entreprises in bonis et les salariés dont l’employeur est placé en liquidation judiciaire. Une application classique de la maxime selon laquelle il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas conduit à retenir que le dispositif de maintien des droits a vocation à s’appliquer, en raison de sa généralité, à tous les salariés qui en remplissent les conditions, y compris ceux dont l’employeur a fait l’objet d’une telle procédure collective.
En second lieu, la raison d’être de la loi, son esprit, son but social étant a priori d’améliorer la protection sociale complémentaire des salariés involontairement privés d’emploi, il n’existe aucune opposition radicale entre la lettre de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale et son esprit permettant d’y ajouter une condition non prévue relative à l’absence d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
En troisième lieu, contrairement aux arguments avancés par les organismes assureurs, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire n’apparaît pas, en tant que telle, de nature à priver d’objet le dispositif de maintien des garanties institué par l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.
En effet si l’article L. 911-8, 3° du code de la sécurité sociale prévoit que les garanties maintenues sont celles en vigueur dans l’entreprise, ce qui implique que la couverture dont bénéficient les anciens salariés, identique à celle des salariés « actifs », puisse évoluer à la hausse ou à la baisse en cas de modification des garanties applicables dans l’entreprise mais également cesser en cas de résiliation du contrat collectif non suivie de la souscription d’un nouveau contrat, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire n’entraîne pas, en elle-même, la résiliation des contrats et adhésions liant l’employeur à l’organisme assureur qui sont soumis au régime général des contrats en cours, sous réserve de la mise en oeuvre du régime de résiliation spécial dont bénéficient les institutions de prévoyance en application de l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-734 du 4 mai 2017 (en ce sens, Com. 28 juin 2011, pourvoi n° 09-16.646, Bull. 2011, IV, n° 108 ).
En dernier lieu, les problèmes de financement du maintien des droits « à titre gratuit » au bénéfice des anciens salariés d’un employeur en liquidation judiciaire ne se posent pas dans les mêmes termes en cas de poursuite temporaire d’activité, dès lors que, dans une telle occurrence, les salariés actifs continuent de financer le maintien des garanties au bénéfice des futurs chômeurs. Des problèmes de financement similaires paraissent, en outre, pouvoir se poser en dehors de toute situation de liquidation judiciaire de l’employeur, dès lors qu’une diminution importante des effectifs, notamment à la suite d’un plan de sauvegarde de l’emploi, modifie de manière significative le ratio entre les salariés « actifs » et les anciens salariés bénéficiant de ce dispositif.
Prenant en considération l’ensemble des données juridiques du problème comme ses dimensions financières et sociales, la Cour de cassation siégeant en formation mixte pour avis, après avoir relevé que les dispositions de l’article L. 911-8 n’opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l’employeur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, a conclu qu’elle étaient applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur en liquidation judiciaire. Elle a relevé toutefois que, le paragraphe 3 de ce texte précisant que les garanties maintenues sont celles en vigueur dans l’entreprise, le maintien des droits implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié.
Dans ces conditions, le maintien des garanties, sans être exclu par principe en cas de liquidation judiciaire de l’employeur, aura vocation à s’appliquer de manière limitée.
Références
Note explicative relative aux avis 17013 à 17017 du 6 novembre 2017 (Demandes d’avis de 1770011 à 1770015 du TGI de Strasbourg)