Cet article a été publié il y a 12 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
- En cas de rupture conventionnelle, quand l’employeur peut-il lever la clause de non-concurrence ?
- Entretien préalable et signature de la convention de rupture le même jour : c’est possible
- Quand le salarié trompe l’employeur et obtient son accord pour une rupture conventionnelle
- Fin de l’arrêt de travail : le salarié n’est pas obligé de reprendre le travail avant la visite médicale de reprise
La rupture conventionnelle est à l’origine de nombreux contentieux. La Cour d’appel d’Amiens vient de rendre un arrêt qui précise, encore une fois ce cas de rupture particulier.
Les faits
Une salariée est engagée le 16/01/2006, en qualité de technicienne.
Du 21 août 2008 au 11 janvier 2009, la salariée a été placée en arrêt de travail pour raison médicale
Le 12 janvier 2009, les parties ont conclu une convention de rupture conventionnelle prévoyant que l'employeur verse à la salariée une indemnité de 1.250 €.
Le 2 février 2009, le directeur départemental du travail de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Oise a accusé réception de la demande d'homologation de rupture conventionnelle que lui avait transmise l'employeur.
Le 8 juin 2009, la salariée saisit le conseil des prud'hommes de Creil d'une demande tendant à la nullité de la convention pour vice du consentement et au paiement des sommes dues au salarié en cas de licenciement non justifié par une cause réelle et sérieuse et non précédé d'une procédure régulière.
Dans son argumentation, la salariée considère :
- qu'elle n'a pas été informée de l'objet de l'entretien organisé par son employeur ;
- qu'elle a signé sous la contrainte la convention de rupture préparée par son employeur qui s'est montré injurieux à son égard, la traitant de paresseuse et la menaçant de représailles sous forme de licenciement pour faute grave et d'ombre portée à sa carrière si elle résistait.
Extrait du jugement :
Vu les conclusions reçues au greffe le 14 septembre 2011, oralement reprises et soutenues, par lesquelles l'appelante, poursuivant l'infirmation du jugement et maintenant ses demandes initiales, fait valoir en substance :
- qu'elle n'a pas été informée de l'objet de l'entretien organisé par Maître X…, le jour même où elle s'est présentée à l'office notarial et qu'elle pensait tenue en vue d'organiser la reprise du travail ;
- qu'elle a signé sous la contrainte la convention de rupture préparée par le notaire qui s'est montré injurieux à son égard, la traitant de paresseuse et la menaçant de représailles sous forme de licenciement pour faute grave et d'ombre portée à sa carrière, si elle résistait ;
Le jugement du Conseil des prud’hommes
La salariée est déboutée de sa demande, mais décide de faire appel.
Le jugement de la Cour d’appel
Les juges donnent raison à la salariée et requalifient de ce fait, la rupture conventionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans leur jugement, ils observent en effet que :
- La convention a été établie le 12/01/2009, soit le jour de la reprise du travail après un arrêt pour raison de santé ;
- Que cela s’est produit alors que la visite de reprise attestant de l’aptitude de la salarié à reprendre le travail ne s’était pas encore produite ;
- Que cette précipitation permet d’invoquer une situation de contrainte ayant pour résultat d’annuler la procédure de rupture conventionnelle et, en conséquence de requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Extrait du jugement :
Il est exclu que la salariée ait pris l'initiative de l'accord du 12 janvier 2009 dès lors qu'à cette date elle n'était pas encore en situation de reprendre le travail en l'absence de visite médicale de reprise qui met fin à la suspension du contrat de travail par le constat de l'aptitude à la reprise.
L'employeur devait la mettre en mesure de se faire assister à l'entretien du 12 janvier 2009 afin de respecter les exigences posées par l'article L 1237-12 du code du travail selon lequel les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister.
La rupture amiable est ainsi intervenue en période de suspension de contrat de travail sans que la salariée soit mise en mesure de se faire assister, ce qui caractérise la précipitation qui pèse sur la liberté de consentir.
Mlle X… est donc fondée à invoquer une situation de contrainte qui est une cause de nullité de la convention selon l'article 1111 du code civil.
Consécutivement elle est en droit d'obtenir la requalification de la rupture intervenue le 17 février 2009 en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non précédé d'une procédure régulière.
Que peut-on en déduire ?
Deux circulaires de la DGT précisent que la rupture conventionnelle n’est pas possible pour :
- Les salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
- Les salariées en congé de maternité.
(Circulaire DGT du 22/07/2008 + Circulaire DGT 2009-04 du 17/03/09)
Cela n’exclut donc pas les salariés en arrêt de travail pour maladie.
Il convient néanmoins d’agir avec prudence, ce qu’il semble ne pas avoir été le cas en l’espèce.
Faire signer la convention le jour de la reprise, sans avoir procédé à une visite de reprise, et ne pas avoir informé la salariée sur les moyens de se faire assister, peut amener le juge à considérer que la rupture conventionnelle est alors intervenue sans accord des deux parties.
La rupture conventionnelle ne peut être conclue sous la contrainte.
Les conséquences ?
Dans l’affaire présente, signalons que l’employeur doit verser à la salariée prés de 19.000 € d’indemnités, auxquelles s’ajoute le remboursement des indemnités de chômage versées dans la limite de 3 mois.
Extrait du jugement :
Condamne la …, à payer à Mlle X…les sommes suivantes :
- 5688 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 13 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne à l'employeur de rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;
Références
ARRET DU 11 JANVIER 2012 RG : 11/00555
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES de CREIL en date du 04 octobre 2010