Cet article a été publié il y a 6 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Voici un arrêt de la Cour de cassation qui risque de surprendre quelques lecteurs, raison pour laquelle nous avons souhaité le mettre en avant dans la partie « actualités » de notre site…
Présentation de l’affaire
Une salariée est engagée le 16 novembre 2007 en qualité de coiffeuse.
Licenciée le 14 novembre 2011, elle saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment le paiement d’heures supplémentaires.
A l’appui de sa demande, la salariée indique que son contrat de travail mentionne une rémunération fixée comme suit :
- 151,67 h + 17,33 d’heures supplémentaires majorées à 25%.
C’est d’ailleurs cette rémunération qu’elle perçoit jusqu’en juillet 2011.
Mais brusquement, sans même avoir obtenu l’accord de la salariée, l’employeur renonce à faire réaliser des heures supplémentaires à la salariée et la rémunération est modifiée en conséquence à partir du mois d’août 2011, les heures supplémentaires n’y figurant plus.
Sans avoir obtenu son accord au préalable, le contrat de travail a été modifié de façon unilatérale, permettant selon la salariée de réclamer à juste titre le paiement de ces heures supplémentaires, nonobstant le fait qu’elles n’avaient pas été effectuées.
Arrêt de la cour d’appel
A l’occasion de son arrêt du 12 novembre 2015, la Cour d'appel de Pau déboute la salariée du paiement des heures supplémentaires.
Tout en considérant que l’employeur n’était pas en droit de modifier de façon unilatérale le contrat de travail, ce qui constituait un abus causant nécessaire un préjudice du fait de la perte de revenus ouvrant droit au paiement de dommages et intérêts, la salariée n’ouvrait pas droit au paiement des heures supplémentaires compte tenu du fait qu’elles n’avaient pas été réalisées, et qu’un rappel de salaire vient rémunérer une prestation de travail qui n’avait pas eu lieu.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'il est constant que jusqu'en juillet 2011 inclus, la salariée a toujours perçu un salaire correspondant à 186,33 heures mensuelles décomposées comme suit : 151,67 heures + 17,33 heures supplémentaires majorées de 25 % correspondant à l'horaire contractuel et 17,33 heures supplémentaires majorées de 25 %, que ce dernier versement s'est arrêté sans raison apparente au mois d'août 2011, que l'employeur ne pouvait pas modifier unilatéralement un élément de la rémunération de la salariée prévue au contrat de travail et versée régulièrement tous les mois depuis au moins décembre 2010 selon fiches de paie produites aux débats, qu'il ne pouvait supprimer les heures supplémentaires et doit, ainsi, être considéré comme ayant abusé de son pouvoir, que cependant, si cet abus a nécessairement causé un préjudice à la salariée du fait de la perte de revenus, cette perte de revenus ne peut être sanctionnée que par l'attribution de dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi, qu'effectivement, il ne peut s'agir d'un rappel de salaire car le salaire vient rémunérer une prestation de travail, alors qu'en l'espèce, cette prestation n'a pas eu lieu ;
Arrêt de la Cour de cassation
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, et son arrêt est d’importance.
En effet, la Cour de cassation considère :
- Le fait de modifier de façon unilatérale un élément essentiel du contrat de travail (rémunération), sans avoir obtenu l’accord de la salariée ;
- Ouvre droit au paiement de « l’élément supprimé », en l’espèce les heures supplémentaires (en y ajoutant les congés payés en référence) ;
- Nonobstant le fait que celles-ci n’ont pas été réellement effectuées.
En résumé, comme nous l’indiquions dans notre titre, nous nous trouvons dans un cas de figure où « même non réalisées, des heures supplémentaires sont à payer au salarié » !
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les heures supplémentaires constituaient un élément de la rémunération prévue au contrat de travail que l'employeur ne pouvait modifier unilatéralement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme Y... de sa demande de rappel de salaires pour les mois d'août, septembre et octobre 2011 outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Références
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 7 mars 2018
N° de pourvoi: 17-10870 Non publié au bulletin