Quelle somme minimale verser en cas de rupture conventionnelle : la valeur légale ou conventionnelle ?

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Quelle somme minimale verser en cas de rupture conventionnelle : la valeur légale ou conventionnelle ?
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Voici un arrêt intéressant que nous avons consulté avec beaucoup d’attention.

La Cour de cassation y aborde en effet le montant de l’indemnité de rupture minimale qui doit être versée en cas de rupture conventionnelle individuelle. Elle confirme à cette occasion, que ne peut être retenue la valeur conventionnelle que lorsque l’entreprise est membre des organisations signataires de l’avenant n°4 à l’ANI du 11 janvier 2008.

Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé le 22 juillet 1985 en qualité de rédacteur en chef adjoint, journaliste.

Au dernier état de la relation de travail, il occupe les fonctions de rédacteur en chef du service politique économique et social.

Après avoir été nommé en qualité de président d’une grande chaîne de télévision, les parties concluent, le 23 mars 2010, une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l'autorité administrative.

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud'homale, considérant que la rupture conventionnelle lui ouvrait droit au paiement de l’indemnité de rupture prévue par la convention collective de l’audiovisuel dont dépendait l’entreprise.

Arrêt de la cour d’appel

Dans son arrêt du 1er février 2017, la Cour d'appel de Paris déboute le salarié de sa demande, mais ce dernier décide de se pourvoir en cassation. 

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation confirme en tous points l’arrêt de la cour d’appel, relevant que :

  • L'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'ANI du 11 janvier 2008 ne s'applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d'une des organisations signataires de cet accord et dont l'activité ne relève pas du champ d'application d'une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du Mouvement des entreprises de France (le MEDEF), de l'Union professionnelle artisanale (l'UPA) ou de la Confédération des petites et moyennes entreprises (la CGPME) ;
  • La société n'était pas membre d'une des organisations signataires de l'accord ;
  • Et que son activité ne relevait pas du champ d'application du MEDEF, de l'UPA ou de la CGPME ;
  • Le salarié n’ouvrait ainsi droit qu’à l’indemnité de rupture légalement prévue par l’article L. 1234-9 du code du travail. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant énoncé, à bon droit, que l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'ANI du 11 janvier 2008 ne s'applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d'une des organisations signataires de cet accord et dont l'activité ne relève pas du champ d'application d'une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du Mouvement des entreprises de France (le MEDEF), de l'Union professionnelle artisanale (l'UPA) ou de la Confédération des petites et moyennes entreprises (la CGPME) et relevé que la société n'était pas membre d'une des organisations signataires de l'accord et que son activité ne relevait pas du champ d'application du MEDEF, de l'UPA ou de la CGPME, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que M. Y... ayant perçu l'indemnité de rupture prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail avait été rempli de ses droits a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; 

Compléments d’information

Employeurs dans le champ de l’ANI

Les employeurs qui entrent dans le champ de l’ANI du 11/01/2008 versent l’indemnité conventionnelle lorsqu’elle est plus élevée que l’indemnité légale. 

Aux termes de l’avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, l’indemnité spécifique de rupture à verser au salarié dont le CDI a été rompu dans le cadre d’une rupture conventionnelle de l’article L. 1237-11 du Code du travail, doit être au moins égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement, dès lors que cette dernière s’avère plus favorable, pour le salarié, que l’indemnité légale.
Cet avenant ne s’est d’abord imposé qu’aux employeurs adhérents du MEDEF, de la CGPME ou de l’UPA, et ce au titre des conventions de rupture conventionnelle conclues depuis le 18 mai 2009.

Son extension par l’arrêté du 26 novembre 2009 (JO du 27 novembre) le rend désormais obligatoire à l’égard de tous les employeurs entrant dans le champ d’application de l’ANI du 11 janvier 2008 (c’est-à-dire les employeurs du secteur privé, exception faite, notamment, des professions libérales, du secteur associatif et des employeurs de salariés agricoles), et ce au titre des conventions de rupture conclues depuis le 28 novembre 2009.

Les conventions conclues précédemment ne sont pas remises en cause.

Entreprises qui ne sont pas concernées par l’obligation de verser l’indemnité conventionnelle

Ne sont pas obligés de verser l’indemnité conventionnelle, quand elle est supérieure à l’indemnité légale : 

  • Employeurs des professions agricoles ;
  • Professions libérales ;
  • Employeur dans le secteur de l’économie sociale ;
  • Employeur dans le secteur sanitaire et social ;
  • Particulier employeur. 

Extrait de la circulaire de la DGT numéro 2009-25 du 08/12/2009  

  1. Effet de l’avenant no 4 à l’ANI du 11 janvier 2008

Dans le cadre de l’ANI précité, trois organisations patronales (MEDEF, CGPME et UPA) ont conclu un avenant (no 4, signé le 18 mai 2009, étendu par arrêté en date du 26 novembre 2009) stipulant que le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne doit pas être inférieur au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement lorsque cette dernière est supérieure à l’indemnité légale de licenciement.

 Depuis la signature de l’avenant, tout employeur adhérent aux organisations patronales précitées est soumis à cette obligation. A compter du 28 novembre 2009 (lendemain de la publication au Journal officiel de l’arrêté d’extension de l’avenant), il en est de même pour les autres employeurs, à l’exception des professions agricoles et des professions libérales, du secteur de l’économie sociale et du secteur sanitaire et social, et enfin du particulier employeur (qui demeurent hors du champ de l’avenant et donc soumis aux seules dispositions légales). En application du principe de faveur, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est celui de l’indemnité conventionnelle lorsque celle-ci est supérieure à l’indemnité légale.

Préconisation de la Cour de cassation

Terminons notre publication en rappelant que dans ses rapports annuels 2015, 2016 et 2017, la Cour de cassation a appelé le législateur à modifier l’article L. 1237-13 du Code du travail, afin de mettre fin à ce traitement différent pour les salariés dont l’entreprise est liée (ou non) par l’ANI du 11 janvier 2008 ou l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'ANI du 11 janvier 2008.

Si le code du travail était modifié en conséquence, nous aurions alors l’obligation de verser l’indemnité de licenciement conventionnelle en cas de rupture conventionnelle, sous réserve bien entendu que cette valeur conventionnelle soit au moins aussi favorable que la valeur légale…

Références

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 27 juin 2018 
N° de pourvoi: 17-15948 Non publié au bulletin