Cet article a été publié il y a 6 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
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Voici un arrêt de la Cour de cassation qui va inciter, selon nous, les employeurs à agir avec beaucoup de prudence en cas de licenciement d’un salarié à qui une modification du contrat de travail est proposée.
Signalons que cet arrêt est mis en avant sur le site de la Cour de cassation.
Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé le 15 juin 1983 en qualité d’aide-comptable, puis promu au poste de trésorier comptable.
Il est informé, le 31 octobre 2012 du transfert de son contrat de travail à une nouvelle société, après adoption d’un plan de cession par jugement du tribunal de commerce du 31 juillet 2012.
Son nouvel employeur lui indique que le lieu d’exécution de son contrat de travail était transféré à Rennes, à la suite de la démission du directeur administratif et financier de Rillieux-la-Pape.
Ayant refusé le 20 novembre 2012 la modification de son contrat de travail qui lui était proposée par l’employeur, le salarié est licencié pour cause réelle et sérieuse, le 31 janvier 2013.
Mais le salarié saisit la juridiction prud’homale, contestant à cette occasion son licenciement qu’il considère non pas pour raison personnelle mais motivé par une cause économique.
Arrêt de la cour d’appel
Dans son arrêt du 9 décembre 2016, la Cour d’appel de Lyon considère le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Elle ajoute que la « la modification du contrat de travail proposée le 31 octobre 2012 au salarié est consécutive à la réorganisation du service financier de la société, que cette réorganisation relève exclusivement du pouvoir de direction de l’employeur, que le refus de cette modification du contrat de travail est dès lors incompatible avec la poursuite de sa collaboration et justifie la rupture du contrat de travail, qu’ainsi le salarié a fait l’objet d’un licenciement pour un motif inhérent à sa personne et qu’il n’est pas fondé à soutenir avoir fait l’objet d’un licenciement pour motif économique ».
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis de la cour d’appel, cassant et annulant son arrêt.
Elle apporte 3 précisions importantes à cette occasion :
- Le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
- La rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.
- Et enfin, qu’il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l’employeur de réorganiser le service financier de l’entreprise et qu’il n’était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, cependant, d’une part, que le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Attendu, d’autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ;
Qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l’employeur de réorganiser le service financier de l’entreprise et qu’il n’était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 décembre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;
Complément d’information
Pour terminer, signalons que la situation aurait été bien différente si la modification du contrat de travail, proposée présentement par l’employeur, s’était située dans le cadre d’un « accord de performance collective » visée par l’article L 2254-2 du code du travail modifié récemment par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018.
LOI n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, JO du 31 mars 2018
La solution aurait été différente si la modification du contrat s’était inscrite dans le cadre d’un accord de performance collective : dans ce cas, le refus constitue d’office une cause réelle et sérieuse de licenciement, dite sui generis (C. trav., art. L. 2254-2).
Dans ce cadre :
- Le salarié aurait disposé d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus par écrit à l'employeur ;
- L'employeur aurait disposé de son coté, d'un délai de 2 mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement ;
- Et surtout, que ce licenciement aurait alors reposé « sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse ».
Article L2254-2
Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 2
- – Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi, un accord de performance collective peut :
– aménager la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition ;
– aménager la rémunération au sens de l'article L. 3221-3 dans le respect des salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° du I de l'article L. 2253-1 ;
– déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise.
- – L'accord définit dans son préambule ses objectifs et peut préciser :
1° Les modalités d'information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l'examen de la situation des salariés au terme de l'accord ;
2° Les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute sa durée :
– les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ;
– les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance ;
3° Les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;
4° Les modalités d'accompagnement des salariés ainsi que l'abondement du compte personnel de formation au-delà du montant minimal défini au décret mentionné au VI du présent article.
Les dispositions des articles L. 3121-41, L. 3121-42, L. 3121-44 et L. 3121-47 s'appliquent si l'accord met en place ou modifie un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine.
Les articles L. 3121-53 à L. 3121-66 s'appliquent si l'accord met en place ou modifie un dispositif de forfait annuel, à l'exception de l'article L. 3121-55 et du 5° du I de l'article L. 3121-64 en cas de simple modification.
Lorsque l'accord modifie un dispositif de forfait annuel, l'acceptation de l'application de l'accord par le salarié conformément aux III et IV du présent article entraîne de plein droit l'application des stipulations de l'accord relatives au dispositif de forfait annuel.III. – Les stipulations de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise.
Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l'application de l'accord.
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– Le salarié dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus par écrit à l'employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l'existence et du contenu de l'accord, ainsi que du droit de chacun d'eux d'accepter ou de refuser l'application à son contrat de travail de cet accord.
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– L'employeur dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse. Ce licenciement est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1232-2 à L. 1232-14 ainsi qu'aux articles L. 1234-1 à L. 1234-11, L. 1234-14, L. 1234-18, L. 1234-19 et L. 1234-20.
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– Le salarié peut s'inscrire et être accompagné comme demandeur d'emploi à l'issue du licenciement et être indemnisé dans les conditions prévues par les accords mentionnés à l'article L. 5422-20. En l'absence des stipulations mentionnées au 4° du II du présent article, l'employeur abonde le compte personnel de formation du salarié dans des conditions et limites définies par décret. Cet abondement n'entre pas en compte dans les modes de calcul des heures créditées chaque année sur le compte et du plafond mentionné à l'article L. 6323-11.
Références
Arrêt n° 1129 du 11 juillet 2018 (17-12.747) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2018:SO01129