Licenciement sans cause réelle et sérieuse : un barème contraire au droit international ?

Actualité
RH Indemnité de licenciement

Ce barème, objet de nombreuses controverses, s'applique (sauf exceptions) aux contentieux consécutifs à des licenciements prononcés après le 23 septembre 2017. Un jugement rendu le 13 décembre 2018 par le CPH de Troyes invalide ce barème.

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : un barème contraire au droit international ?
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Lorsqu’un licenciement est considéré « sans cause réelle et sérieuse », s’applique alors de façon obligatoire , depuis le 24 septembre 2017 (date « prononcé du licenciement ») un barème des indemnités prud’homales fixé par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, publiée au JO du 23 septembre 2017.

Mais un jugement du Conseil des prud’hommes du 13 décembre 2018 risque de mettre en péril ce barème, notre actualité vous en dit plus à ce sujet.

Quelques rappels

Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le licenciement peut être considéré sans cause réelle et sérieuse, notamment :

  • Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
  • Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
  • Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
  • L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement.

Conséquences financières

Un remboursement des allocations chômage 

Sous réserve que le salarié justifie d’une ancienneté d’au moins 2 ans et que l’entreprise compte 11 salariés et plus, cette dernière peut être condamnée alors au remboursement de tout ou partie des allocations chômage versées au salarié depuis le licenciement jusqu’au jugement, dans la limite de 6 mois. 

L’application du barème indemnités prud’homales

Ce barème s’impose aux juges (si l’employeur ou le salarié refuse la réintégration) en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Précisons que ce barème s’applique également en cas de :

  • Résiliation judiciaire du contrat de travail ;
  • Prise d’acte pour des griefs reconnus fondés.

Article L1235-3-2

Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11

Lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l'employeur ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l'article L. 1451-1, le montant de l'indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l'article L. 1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d'un licenciement nul afférent aux cas mentionnés au 1° à 6° de l'article L. 1235-3-1, pour lesquels il est fait application du premier alinéa du même article L. 1235-3-1.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Article L1451-1

Créé par LOI n°2014-743 du 1er juillet 2014 - art. unique

Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.

L’article 2 de l’ordonnance 2017-1387 précise que certaines situations interdisent le recours au présent barème.

Il en est ainsi lorsque le juge constate la nullité du licenciement, et que le salarié ne demande pas sa réintégration au sein de l’entreprise.

Rappelons que l’indemnité accordée doit être au minimum de 6 mois de salaires, sans toutefois connaitre de valeur plafond.

L’article L 1235-3-1 du code du travail précise que le juge n’est pas lié par le barème dans les cas de nullités du licenciement liées :

  1. A la violation d’une liberté fondamentale (comme le droit de grève, la liberté syndicale, etc.) ;
  2. A des faits de harcèlement moral ou sexuel ;
  3. À un licenciement discriminatoire ;
  4. À l’exercice d’une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ;
  5. À l’exercice d’une action en justice en matière de dénonciation de crimes et délits ;
  6. A la violation des protections spécifiques comme : l’exercice d’un mandat, le congé de maternité, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant, les accidents du travail et maladies professionnelles.

Article L1235-3-1

Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11

L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à : 
1° La violation d'une liberté fondamentale ; 
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ; 
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ; 
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ; 
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ; 
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Article L1235-3

Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.


Ancienneté du salarié dans l'entreprise

(en années complètes)


Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)


Indemnité maximale

(en mois de salaire brut)


0


Sans objet


1


1


1


2


2


3


3,5


3


3


4


4


3


5


5


3


6


6


3


7


7


3


8


8


3


8


9


3


9


10


3


10


11


3


10,5


12


3


11


13


3


11,5


14


3


12


15


3


13


16


3


13,5


17


3


14


18


3


14,5


19


3


15


20


3


15,5


21


3


16


22


3


16,5


23


3


17


24


3


17,5


25


3


18


26


3


18,5


27


3


19


28


3


19,5


29


3


20


30 et au-delà


3


20

En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés à l'alinéa précédent :


Ancienneté du salarié dans l'entreprise

(en années complètes)


Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)


0


Sans objet


1


0,5


2


0,5


3


1


4


1


5


1,5


6


1,5


7


2


8


2


9


2,5


10


2,5

Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.

Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Un barème contraire au droit international ?

Ainsi que nous l’indiquons en titre et en préambule, un jugement du Conseil de prud’hommes de Troyes, du 13 décembre 2018, vient d’indiquer clairement que ce barème obligatoirement applicable en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse avait pour effet d’introduire « un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales ne permettant pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi »

Dans cette affaire, le salarié faisait valoir que « les barèmes introduits par la réforme du Code du travail est contraire à la convention 158 de l’OIT » (OIT= Organisation Internationale du Travail). 

Dans son jugement du 13 décembre 2018, le conseil des prud’hommes de Troyes décide d’écarter la règle du plafonnement (principe fondamental du barème) au titre que ce barème « viole la Charte Sociale Européenne et la Convention nº 158 de l’OIT » et rappelle que :

  1. L’article 10 de la convention n°158 de l’OIT, sur le licenciement, ratifié par la France le 16 mars 1989, stipule que si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, l’absence de réintégration du salarié leur permet d’ordonner « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée »;
  2. L’article 24 de la Charte Sociale Européenne du 3 mai 1996, ratifié par la France le 7 mai 1999, stipule « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaitre (…) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

Enfin, le jugement du conseil des prud’hommes se conclut comme suit :

« De plus, ces barèmes ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié. Ces barèmes sécurisent d’avantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables ».

Nous resterons bien entendu très attentifs à un éventuel arrêt de la cour d’appel ou de la Cour de cassation sur cette affaire, afin de savoir si ce barème est désormais « en péril » ou non…

Référence

Jugement conseil des prud’hommes de Troyes N° RG F 18/00036 Nature 84J

Section : Activités diverses