Cet article a été publié il y a 5 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Le stress au travail : toujours plus de la même chose
Le stress est un des risques psychosociaux en entreprise, avec les violences internes et externes. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) définit le stress comme étant“un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes de son environnement de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face”.
Le stress est dangereux pour les personnes mais également pour l’entreprise. En 2009, Philippe Rodet, membre fondateur de la Commission nationale sur le stress de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) déclarait sur FocusRH que “le stress engendre des pathologies néfastes pour les individus et pour la bonne marche de l'entreprise … Le stress détruit les individus à tout point de vue, et dans 75 % des cas, il tue la performance".
En France, il a fallu des cas de suicides dans une grande entreprise pour réveiller les consciences. Entre 2008 et 2009, dans cette entreprise, 35 personnes se sont donné la mort. Au premier trimestre 2014, dix cas de suicides étaient encore reconnus dans la même entreprise malgré les dispositifs de prévention des conduites à risque mis en place (source : Le Monde 2014).
Près de 1 Français sur 5 se sent quasiment toujours stressé (19 %), soit près de 10 millions de personnes. (source : janvier 2016 par BVA pour la Chambre syndicale de la sophrologie) | Rappel de quelques dates clés :
|
Nous constatons que dix ans plus tard, rien ne semble avoir changé. Cela veut-il dire que les entreprises se trouvent toujours démunies face au stress et à cette inéluctable destruction de valeur ? Comme si le stress semblait inévitable dans l’entreprise malgré toutes les actions de préventions déployées depuis la dernière décennie.
Patrick Légeron, psychiatre, spécialiste du stress en entreprise, se pose la question : ”La vague de stress est-elle si puissante que nous ne pouvons l’endiguer ? Ou alors les actions que nous avons mises en place sont-elle trop limitées ou inadaptées ?”
En résumé :
- Le stress continue à faire souffrir en entreprise et s’intensifie.
- Il coûte cher aux femmes (60%), aux hommes (38%)* et à l’entreprise : absentéisme, turn-over, accidents du travail, démotivation, dégradation de la productivité, du climat social, atteinte de l’image de l’entreprise, baisse de la créativité, etc.
- Depuis dix ans, le stress est devenu en France une cause de lutte de premier plan pour la santé publique et de nombreuses entreprises ont mis en place des plans de prévention et de gestion du risque de stress. Et pourtant, en dix ans, il n’y a eu aucune amélioration : en 2019, exactement comme en 2009, 4 salariés sur 10 ressentent du stress au travail.
Oui, les entreprises ont eu raison de mettre en place des démarches préventives du stress au travail. Certaines ont de bons résultats, d’autres pas. En moyenne statistique, rien ne semble s’améliorer. En dix ans, les choses n’ont pas évolué et toutes les tentatives de régulation du stress ne semblent pas réduire le nombre de collaborateurs stressés en France.
Alors, je m’interroge :
- Pourquoi aborder la gestion du stress de la même manière depuis des années et continuer à faire toujours plus de la même chose, sans amélioration notable, sans résultat durable ? Pourquoi poursuivre un schéma correcteur qui ne fonctionne pas ?
- Pourquoi n’explorerions-nous pas d’autres voies pour atténuer les souffrances dûes au stress ?
- Ne serait-il pas intéressant, aujourd’hui, d‘aborder le problème du stress en entreprise sous un angle complètement différent, complètement nouveau, en faisant un changement de perspective à 180° ?
Nouvelle proposition de résolution du stress : arrêter de lutter contre le stress et développer la qualité de vie au travail
Si le stress progresse c’est que le milieu où il se développe favorise sa croissance. Ici, le milieu concerné c’est l’entreprise, son organisation, son management, ses stratégies de développement. Je vous propose de ne plus laisser d’espace possible (ou le moins possible) au stress. Pour cela, je vous suggère de changer de point de vue, de changer de paradigme d’entreprise : instaurer le bien-être au travail dans la stratégie des organisations comme faisant partie d’un levier majeur de la performance et de la compétitivité.
La qualité de vie au travail (QVT) laisse peu de marge pour le développement du stress. De nombreuses études ont démontré que la QVT favorise la performance. Pour cela, je vous suggère d’aborder la gestion du stress dans une posture moins normative, moins pathologisante, plus créative, plus positive et plus adaptée à votre entreprise.
Je vous propose donc d’arrêter de prévenir le malheur et la souffrance et de tenter plutôt une nouvelle piste de résolution : injecter du bien-être comme source de performance et de satisfaction dans tous les systèmes en jeu. Le changement est stratégique avec une réorientation des énergies vers la "construction" plutôt que la "suppression".
Ce nouveau regard consiste à instaurer le bien-être comme levier majeur de la performance et de la compétitivité.
Changement de paradigme : choisir “construire pour” plutôt que “lutter contre”
Dans la pratique, cette nouvelle posture ne devrait bouleverser, ni vos obligations légales, ni l’adoption des préconisations de prévention du stress au travail du Bureau international du travail (préventions primaire, secondaire et tertiaire).
Je propose, dans un premier temps, d’éradiquer les foyers de stress les plus importants qui empoisonnent la qualité de vie en entreprise. Ce premier temps, correspond aux interventions secondaire et tertiaire de la prévention du stress.
Ensuite, dans un deuxième temps, de mettre en place des actions ponctuelles (ou plus en profondeur) d’innovation managériale intégrant la qualité de vie comme critère de performance. Ce deuxième temps correspond à la prévention primaire mais avec une approche additive de bien-être plutôt que suppressive du stress. C’est tout simplement ne plus laisser de place aux facteurs de stress en agissant sur l’organisation et les relations entre les parties prenantes de l’entreprise. Selon les situations, le temps 2 commence lorsque le temps 1 est initié et en cours.
Le changement de paradigme nécessite 3 impératifs :
- Une impulsion de la direction : initier des actions d’innovation managériale, introduire une culture collaborative, encourager le développement personnel professionnel afin de développer toutes les formes d’intelligences : émotionnelle, relationnelle et collective.
- Revoir les modes managériaux basés sur l'obéissance hiérarchique (commande + contrôle) et positionner le collaboratif au cœur du système de performance (confiance + écoute + autonomie + autorégulation).
- Envisager les relations de travail autrement en s’appuyant sur les motivations intrinsèques et les besoins profonds des individus : donner du sens, respecter l’intégrité des personnes, libérer la parole, encourager l’écoute, stimuler les intelligences émotionnelles, s’appuyer sur les forces de caractère et favoriser les situations de “flow” ; veiller à satisfaire les besoins psychologiques d’autonomie, de compétence et d’affiliation sociale.
Résumé du processus et actions à mettre en place
Je vous suggère une décentration de la logique et l’adoption d’un point de vue systémique de la résolution du stress au travail. Intéressons-nous davantage aux relations et aux interactions, et adoptons une vision circulaire et moins linéaire de ceux-ci.
La vision systémique permet aussi de replacer la personne dans une perspective plus globale. Ainsi, le stress d’une personne interpelle tout autant que les facteurs déclenchants. C’est tout le système qui doit être analysé et traité et pas le ou les “coupables” à l’origine du stress.
Ensuite, plutôt que de prévenir ce dernier, engageons l’ensemble des parties prenantes à co-construire, de façon responsable et durable, les conditions de la qualité de vie avec, comme impératif, la performance et la compétitivité de l’entreprise.
L’entreprise et TOUS ses collaborateurs sont co-responsables du bien-être et de la santé du système. Pour cela, donnons les moyens de la transformation de l’organisation (innovation managériale pour plus de collaboratif) et des personnes (développement des soft-skills dédiés à la relation).
Dans un premier temps, résoudre les problèmes en faisant appel à la démarche systémique : lever les souffrances relationnelles et assouplir les systèmes afin d’apaiser les relations pour préparer l’entreprise à l’innovation managériale.
Dans la pratique, c’est la mise en place d’un accompagnement-coaching auprès des directeurs, managers et/ou des équipes.
Dans un second temps, assouplir les systèmes et les relations afin de favoriser les régulations, les changements et l’adaptation à l’environnement. Il y a souffrance lorsque l’équilibre des systèmes est rigidifié.
Je vous propose deux niveaux d’intervention : le premier sur l’organisation et le second au niveau des managers et collaborateurs.
- Transformation de l’organisation : mettre la qualité de vie au travail (QVT) comme élément structurant et fondateur de la stratégie organisationnelle et managériale de l’entreprise : conjuguer le bien-être et la performance de l’entreprise. Dans la pratique, il s’agit d’initier et de développer une innovation managériale dans son entreprise (cf. matrice des innovations managériales).
Matrice des innovations managériales (source : L’innovation managériale, Eyrolles, 2018) :
- Transformation individuelle et relationnelle : « Tous acteurs de notre bien-être et de celui des autres ». Cela se traduit par un développement des soft-skills de tous : managers et collaborateurs. C’est initier et instaurer la culture de l’empathie, de l’écoute et du partage afin de stimuler les intelligences émotionnelle, relationnelle et collective. Dans la pratique, c’est l’organisation d’ateliers sur le sens, la vision, les valeurs, les forces des collaborateurs, de l’équipe et de l’entreprise ; comment tendre vers le flow, stimuler son intelligence émotionnelle … Encourager le hacking corporate, organiser des job-craftings, etc. Mais aussi poursuivre la formation des managers pour répondre correctement aux besoins psychologiques de leurs collaborateurs : autonomie, responsabilisation, compétence (exercer et développer son expertise), affiliation sociale (reconnaissance, appartenance). Et enfin, aider les managers à étoffer leur leadership positif et devenir source d’inspiration. Les managers de demain seront des facilitateurs de la réussite et de la performance.
Marc Bergère Coach,facilitateur de la qualité de vie en entreprise
Sources :
- Le stress au travail. Un enjeu de santé, de Patrick Légeron. Paris, Odile Jacob, 2015
- L'innovation managériale, de David Autissier, Kevin Johnson, Jean-Michel Moutot. Paris, Eyrolles, 2018.
- Changements, de Paul Watzlawick, John H. Weakland, Richard Fish. Paris, Seuil, coll. Points, 2014.
- Essaye encore ! - Estelle Boutan et Karine Aubry, Enrik B Editions
- https://www.bva-group.com/sondages/barometre-salaries-sante-bien-etre-travail/
- https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_ANACT_CSA_2009.pdf
- http://www.inrs.fr
- (*) ahttps://www.ladepeche.fr/article/2017/12/05/2698453-stress-touche-moins-9-francais-10-particulierement-femmes.html