Une nouvelle fois, la Cour de cassation refuse d’appliquer la tolérance URSSAF sur les bons d’achat

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La Cour de cassation vient de rendre un « nouvel » arrêt concernant l’application d’un régime social de faveur sur l’attribution des bons d’achat. Nous vous le présentons en détails, tout en vous rappelant un précédent déjà traité sur notre site.

Une nouvelle fois, la Cour de cassation refuse d’appliquer la tolérance URSSAF sur les bons d’achat
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Cet article a été publié il y a 5 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

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Rappel du régime de faveur

En application de la lettre circulaire ACOSS n° 96-94 du 3 décembre 1996, un régime de tolérance, régulièrement confirmé par les services de l’URSSAF, s’applique aux bons d’achat attribués par le CSE ou par les entreprises qui n’en sont pas dotées. 

Concrètement, les bons d’achat ou cadeaux bénéficient d’une exonération de cotisations sociales, lorsque :

  • Le montant de l’ensemble des bons d’achats et cadeaux n’excède pas le montant de 5% du PMSS (soit 169 € en 2019) ;
  • Le seuil de 5% du PMSS est dépassé mais que le bon d’achat ou cadeau est attribué dans le respect des 3 conditions cumulatives suivantes : 
  1. Attribution en relation avec un événement particulier (naissance, fêtes de Noël, etc.) ;
  2. Une utilisation déterminée, en relation avec l’événement,
  3. Et d'un montant non disproportionné par rapport à l’événement. 

Informations actuellement proposées sur le site de l’URSSAF

Si nous consultons actuellement le site de l’URSSAF, ce régime de tolérance est totalement confirmé.

Extrait site URSSAF, en date du 19 mars 2019 :

L’attribution de cadeaux et de bons d’achat

Les cadeaux et bons d’achat offerts aux salariés par le CSE ou directement par l’employeur sont par principe (à moins qu’ils ne soient constitutifs d’un secours), soumis aux cotisations de Sécurité sociale, s’agissant au sens strict, d’un avantage attribué par l’employeur « en contrepartie ou à l’occasion du travail ».

Toutefois, l’Urssaf fait prévaloir, au bénéfice des salariés, une approche bienveillante de ces avantages et admet par tolérances ministérielles que, sous certaines conditions, ce type d’avantages soit exonéré du paiement des cotisations et contributions de Sécurité sociale.

Lorsque le montant global de l’ensemble des bons d’achat et cadeaux attribué à un salarié au cours d’une année civile n’excède pas 5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale (soit 169 € en 2019), ce montant est non assujetti aux cotisations de Sécurité sociale.
 Si ce seuil est dépassé sur l’année civile, il convient de vérifier pour chaque événement ayant donné lieu à l’attribution de bons d’achat, si les trois conditions suivantes sont remplies :

L’attribution du bon d’achat doit être en lien avec l’un des événements suivants

la naissance, l’adoption,

le mariage, le pacs,

le départ à la retraite,

la fête des mères, des pères,

la Sainte-Catherine, la Saint-Nicolas,

Noël pour les salariés et les enfants jusqu’à 16 ans révolus dans l’année civile,

la rentrée scolaire pour les salariés ayant des enfants âgés de moins de 26 ans dans l’année d’attribution du bon d’achat (sous réserve de la justification du suivi de scolarité).
Par « rentrée scolaire », il faut entendre toute rentrée de début d’année scolaire, universitaire… peu importe la nature de l’établissement : établissement scolaire, lycée professionnel, centre d’apprentissage...

Les bénéficiaires doivent être concernés par l’événement. Par exemple, un salarié sans enfant n’est pas concerné par les bons d’achat remis pour la rentrée scolaire, pour le Noël des enfants, ou pour la fête des mères/pères.

Bon à savoir

L’Urssaf considère que l’exonération des bons d’achat attribués à l’occasion de la Saint-Nicolas se limite aux bons d’achat destinés aux hommes non mariés qui fêtent leur 30e anniversaire (à l’instar de la Sainte-Catherine qui célèbre les femmes non mariées qui fêtent leur 25e anniversaire).

En revanche :

l’attribution à l’occasion de la Saint-Nicolas de bons d’achats et de cadeaux en nature aux enfants et aux écoliers dans l’Est et le Nord de la France (à l’instar des fêtes de Noël),

ou de toute autre pratique résultant d’usages locaux (Sainte-Barbe…),
ne peut être exonérée de cotisations et contributions sociales au risque d’introduire une discrimination entre les salariés selon les « coutumes locales » en vigueur dans leur région.

L’utilisation du bon doit être en lien avec l’événement pour lequel il est attribué

Le bon d’achat doit mentionner soit la nature du bien qu’il permet d’acquérir, soit un ou plusieurs rayons de grand magasin ou le nom d’un ou plusieurs magasins.
Le bon d’achat ne peut être échangeable contre du carburant ou des produits alimentaires, à l’exception des produits alimentaires courants dits de luxe dont le caractère festif est avéré.

Lorsqu’il est attribué au titre du Noël des enfants, le bon d’achat devra permettre l’accès à des biens en rapport avec cet événement tels que notamment les jouets, les livres, les disques, les vêtements, les équipements de loisirs ou sportifs.
Lorsqu’il est attribué au titre de la rentrée scolaire, le bon d’achat devra permettre l’accès à des biens en rapport avec cet événement (fournitures scolaires, livres, vêtements, micro-informatique).

Ainsi, par exemple, un bon d’achat « rentrée scolaire » délivré en décembre pour une rentrée scolaire intervenue en septembre ne peut plus être considéré comme étant en relation avec l’événement rentrée scolaire.
Dans cette hypothèse, la délivrance tardive du bon d’achat a pour effet de faire correspondre le bon d’achat à la scolarité et non à l’événement que constitue la rentrée scolaire. Dans ce cas, le bon d’achat doit être assujetti aux cotisations de Sécurité sociale.

Son montant doit être conforme aux usages

Un seuil de 5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale est appliqué par événement et par année civile.
Les bons d’achat sont donc cumulables, par événement, s’ils respectent le seuil de 5 % du plafond mensuel.

Dans le cas particulier où deux conjoints travaillent dans la même entreprise, le seuil s’apprécie pour chacun d’eux.
Ainsi, en cas de mariage de deux salariés travaillant dans l’entreprise, chacun étant concerné par l’événement « mariage » peut recevoir un bon d’achat de 5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale en franchise de cotisations et de contributions sociales.
Il en est de même en cas de naissance, pour la rentrée scolaire et pour le Noël des enfants.

Exemple Noël des salariés et Noël des enfants :
Un CSE souhaite octroyer un bon d’achat de 80 € par salarié et de 110 € par enfant.
Deux salariés de l’entreprise ont un enfant commun :
Il est admis que le CSE octroie à chacun des salariés un bon d’achat pour le Noël des salariés (soit au total 160 € pour les deux salariés), mais également à chacun d’eux un bon d’achat pour le Noël des enfants (soit au total 220 € pour leur enfant).
A l’instar des bons de rentrée scolaire, c’est bien le montant de chaque bon servi à chaque salarié pour son enfant, soit 110 € (et non le montant cumulé pour les deux conjoints salariés de la même entreprise - 220 €), qui est apprécié au regard du seuil de 5 % du plafond mensuel.

Bon à savoir

Si ces trois conditions ne sont pas simultanément remplies, le bon d’achat est soumis aux cotisations de Sécurité sociale pour son montant global, c’est-à-dire en totalité et dès le 1er euro.

Cas pratique

Dans une entreprise, le CSE alloue des bons d’achat aux salariés lors de leur mariage, lors de la naissance d’un enfant et pour la rentrée scolaire.
Au cours de l’année, un salarié reçoit les bons d’achat suivants :

un bon d’achat d’une valeur de 50 € pour son mariage,

un bon d’achat d’une valeur de 80 € pour la naissance de son enfant,

un bon d’achat d’une valeur de 90 € pour la rentrée scolaire de son enfant âgé de 6 ans.

Qu’en est-il du régime social applicable à ces bons d’achat ?

1ère étape
Le montant des bons d’achat excède-t-il sur l’année le seuil de 5 % du plafond mensuel ?
Additionnez le montant total des bons d’achat alloués durant l’année civile et comparez-le au seuil de 5 % du plafond mensuel (soit : 169 € en 2019).
50 + 80 + 90 = 220 €.
Ce montant dépasse le seuil de 5 % du plafond mensuel pour 2019.

2e étape
Le seuil de non-assujettissement annuel des bons d’achat est dépassé. Il convient alors d’apprécier si les conditions d’exonération sont réunies pour chaque attribution de bons d’achat.
Bon de 50 € attribué pour le mariage :

l’événement figure sur la liste des événements autorisés, le salarié est concerné par cet événement,

l’utilisation est déterminée : sur le bon d’achat utilisable dans certaines enseignes de la grande distribution, il est mentionné qu’il peut être utilisé dans tous les rayons du magasin à l’exception du rayon alimentaire et du carburant,

le montant du bon d’achat n’excède pas 5 % du plafond mensuel, sa valeur est donc conforme aux usages.

Les trois conditions sont respectées, le bon d’achat alloué au salarié pour le mariage est exonéré du paiement des cotisations et contributions de Sécurité sociale.

Bon de 80 € attribué pour la naissance d’un enfant :

l’événement figure sur la liste des événements autorisés, le salarié est concerné par cet événement,

l’utilisation est déterminée : sur le bon d’achat utilisable dans certaines enseignes de la grande distribution, il est mentionné qu’il peut être utilisé dans tous les rayons du magasin à l’exception du rayon alimentaire et du carburant,

le montant du bon d’achat n’excède pas 5 % du plafond mensuel, sa valeur est donc conforme aux usages.

Les trois conditions sont respectées, le bon d’achat alloué au salarié pour la naissance est exonéré du paiement des cotisations et contributions de Sécurité sociale.

Bon de 90 € attribué pour la rentrée scolaire :

l’enfant est âgé de moins de 26 ans et justifie de la poursuite de la scolarité,

l’événement figure sur la liste des événements autorisés, le salarié est concerné par cet événement,

l’utilisation est déterminée : sur le bon d’achat utilisable dans certaines enseignes de la grande distribution, il est mentionné qu’il peut être utilisé dans les rayons « fournitures scolaires » du magasin,

le montant du bon d’achat n’excède pas 5 % du plafond mensuel, sa valeur est donc conforme aux usages.

Les trois conditions étant ici respectées, le bon d’achat alloué au salarié pour la rentrée scolaire est exonéré du paiement des cotisations et contributions de Sécurité.

Bon à savoir

La tolérance visant à exonérer les bons d’achat ou cadeaux sous certaines conditions ne s’applique pas aux bons d’achat ou cadeaux versés par l’employeur alors qu’il y a un CSE sauf en cas de délégation expresse.

L’arrêt de la Cour de cassation du 14/02/2019

Présentation de l’affaire

Suite à un contrôle des services de l’URSSAF, portant sur les années 2007 à 2009, une entreprise se voit notifiée une lettre d'observation, suivie, le 5 octobre 2010, d'une mise en demeure, le redressement portant sur l’exonération des bons d’achat attribués par l’entreprise. 

L’arrêt de la Cour d’appel

Par arrêt du 21 septembre 2017, la Cour d'appel de Bordeaux donne raison à l’entreprise, considérant que le redressement doit être annulé, les dispositions de la circulaire ACOSS n° 96-94 du 3 décembre 1996 ayant été présentement totalement respectées, rappelant également les termes de l'instruction ministérielle du 17 avril 1985.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour annuler le chef de redressement relatif aux bons d'achats attribués à certains salariés, l'arrêt retient qu'en vertu de la lettre circulaire ACOSS n° 96-94 du 3 décembre 1996, la présomption de non assujettissement des bons d'achat et des cadeaux en nature servis par les entreprises à l'occasion d'événements visés par l'instruction ministérielle du 17 avril 1985 repose sur trois conditions, le respect d'un plafond de 5 %, la relation avec un événement particulier, la préoccupation de favoriser ou d'améliorer, sans discrimination, les activités extra professionnelles, sociales ou culturelles, des salariés ou de leur famille, que la société démontre que si des salariés n'ont pas reçu de bons d'achat en 2008 puis 2009, c'est en raison du fait qu'ils ne faisaient pas encore partie des effectifs de l'entreprise à la commande de ces bons et que les gratifications litigieuses obéissent donc au caractère collectif exigé par la circulaire du 3 décembre 1996 ; 

L’arrêt de la Cour de cassation

Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, au motif que la circulaire ACOSS prise en référence « dépourvue de toute portée normative ».

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, sur le fondement d'une circulaire dépourvue de toute portée normative, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif aux bons d'achats pour la somme de 1 581 euros et le chef de redressement relatif à la prise en charge par l'employeur des contraventions pour la somme de 1 464 euros, l'arrêt rendu le 21 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ; 

L’arrêt de la Cour de cassation du 30/03/2017

De façon très similaire, la Cour de cassation avait rendu un arrêt le 30 mars 2017 (raison pour laquelle nous avons intitulé notre article « Une nouvelle fois… ». 

Elle indiquait ainsi que la lettre ministérielle du 12 décembre 1988 et la circulaire ACOSS n° 2011-5024, auxquelles la cour d’appel avait fait référence dans son arrêt en annulant le redressement dont avait fait l’objet une entreprises étaient « dépourvues de toute portée normative ».

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 30 mars 2017 
N° de pourvoi: 15-25453 Publié au bulletin  

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, sur le fondement d'une circulaire et d'une lettre ministérielle dépourvues de toute portée normative, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Références




Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 14 février 2019

N° de pourvoi: 17-28047 Non publié au bulletin