Est-il possible de rompre la période d’essai d’un salarié victime d’un accident du travail ?

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Paie Maintien employeur pour maladie, accident du travail, maladie professionnelle

C’est un arrêt de la cour d’appel que nous abordons aujourd’hui, avec une situation toute particulière : la survenance d’un accident du travail le jour où l’employeur notifie la rupture de la période d’essai…

Est-il possible de rompre la période d’essai d’un salarié victime d’un accident du travail ?
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Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé par une association, par contrat CDI à compter du 8 juillet 2015 en qualité de directeur d’établissement, statut cadre dirigeant coefficient 810, avec une période d'essai de 4 mois.

Le 29 octobre 2015, le salarié est victime d'un accident du travail, dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM par courrier en date du 17 novembre 2015.

Il a été en arrêt de travail de manière continue du 2 novembre 2015 au 30 novembre 2016.

Par lettre du 29 octobre 2015, soit le même jour que la survenance de l’accident du travail, l’association notifie au salarié la fin de sa période d'essai, avec une sortie des effectifs le 31 octobre 2015 au soir. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant présentement qu’il devait bénéficier de la période de protection octroyée aux salariés victimes d’un accident du travail, et que la rupture de la période d'essai devait produire les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Rappel des dispositions légales

Avant d’aborder l’arrêt de la cour d’appel, il nous semble opportun de rappeler les termes de l’article L 1226-9 du code du travail selon lequel, au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle :

  1. La rupture du contrat de travail n’est possible ;
  2. Que si l’employeur justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Article L1226-9

Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Article L1226-13

Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle. 

L’arrêt de la cour d’appel

La cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 18 juin 2019, déboute le salarié de ses demandes car :

  • Au moment où l’employeur avait notifié au salarié la rupture de son essai ;
  • Il n’était pas informé de l’accident. 

En effet, l’application de la protection prévue par le Code du travail est subordonnée à la connaissance, par l’employeur, du caractère professionnel de l’accident. 

Si nous rentrons dans les détails de cette affaire :

  • Le courrier recommandé emportant rupture du contrat en cours de période d'essai a été posté le 29 octobre 2015, le cachet de la Poste faisant foi ;
  • Le salarié, de son côté, soutient avoir informé son employeur dès le 29 octobre 2015 au soir de son accident du travail par un appel téléphonique, mais ne l'établit pas ;
  • Enfin le salarié justifie de l'envoi d'un SMS le 30 octobre 2015, à 07 heures 24, à l'employeur qui l'évoque dans un courrier du même jour, ainsi libellé «'Bonjour, J'ai fait une chute hier soir au travail côté des ascenseurs. J'ai fait la déclaration d'accident au travail. Je ne peux à être au bureau à 9h je dois voir le médecin et faire des examens de contrôle médicaux’ » ;
  • La cour relève que ce message est informatif et qu'il ne fait pas référence à un précédent message ayant déjà évoqué la survenance de cet accident du travail.

Extrait de l’arrêt :

Aux termes de l'article L 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail provoquées par un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

En vertu de l'article L 1226-13 du code du travail, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L 1226-9 est nulle.

Ces dispositions sont applicables à la rupture notifiée par l'employeur au cours de la période d'essai.

L'employeur doit toutefois, au moment où il notifie la rupture, être informé de la suspension du contrat de travail et du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie et c'est à la date de la notification que s'apprécie cette connaissance.

Il est établi par les pièces versées aux débats que le courrier recommandé emportant rupture du contrat en cours de période d'essai a été posté le 29 octobre 2015, le cachet de la Poste faisant foi. C'est cette date d'envoi du courrier qui constitue la date de notification de la rupture en période d'essai.

Si Monsieur (…) soutient avoir informé son employeur dès le 29 octobre 2015 au soir de son accident du travail par téléphone, il ne l'établit pas. En revanche, il justifie de l'envoi d'un SMS le 30 octobre 2015, à 07 heures 24, à l'employeur qui l'évoque dans un courrier du même jour, ainsi libellé'«'Bonjour, J'ai fait une chute hier soir au travail côté des ascenseurs. J'ai fait la déclaration d'accident au travail. Je ne peux à être au bureau à 9h je dois voir le médecin et faire des examens de contrôle médicaux'».

La cour relève que ce message est informatif et qu'il ne fait pas référence à un précédent message ayant déjà évoqué la survenance de cet accident du travail.

Il résulte de ce qui précède que l'employeur lors de l'envoi de la lettre de rupture n'avait pas connaissance de l'existence de cet accident du travail et qu'il était en droit de lui notifier la rupture de la période d'essai, Monsieur (…) ne bénéficiant pas d'une période de protection légale.

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la rupture de la période d'essai était régulière. 

Références

Cour d’appel de Paris du 18 juin 2019, arrêt n° 17/08902