Cet article a été publié il y a 4 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
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Les mises de demeure de compléter les mesures de protection de la santé et de la sécurité des salariés tombent les unes après les autres. Elles sont assorties de peines d’astreinte qui peuvent chiffrer très rapidement…
Contrôles de l’inspection du travail
Depuis le début de l’état d’urgence sanitaire, les agents de contrôle de l’inspection du travail ont déjà adressé de nombreuses lettres d’observations après avoir constaté, lors de contrôles en entreprise ou à distance, que les gestes barrières et consignes sanitaires n’étaient pas respectés et après avoir relevé des carences graves quant à l’évaluation des risques.
Les DIRECCTE ont adressé des mises en demeure pour enjoindre les employeurs à mettre en œuvre les prescriptions sanitaires et mesures de prévention indispensables, sous peine de PV et de transmission au Parquet.
Plusieurs procédures de référés ont été engagées devant les tribunaux. Des mises en demeure de mise en conformité ont été prononcées, assorties de peines d’astreintes financières. La limitation voire l’interruption d’activité peut également être ordonnée.
La DGT a demandé aux agents de contrôle d’accroître les interventions sur site quand il est nécessaire d’apprécier la réalité des situations de travail et de procéder aux constats indispensables à l’ouverture de procédures juridiques.
Par ailleurs seront organisés des déplacements dans le cadre d’opérations ciblées dans les commerces de détail alimentaires et les établissements accueillant du public ou sur les chantiers. Ces actions seront menées avec la force publique et les services de la répression des fraudes.
Condamnation pour insuffisance des mesures de protection chez Amazon
Le tribunal judiciaire de Nanterre en référé a été saisi le 8avril par un syndicat qui reprochait à la société Amazon France Logistique de ne pas avoir pris des mesures suffisantes pour protéger les salariés travaillant dans ses entrepôts contre le coronavirus.
Un certain nombre d’insuffisances dans le traitement de la situation pandémique sur différents sites ont été relevées en 1ère instance :
- Sous-évaluation des risques de contamination lié à l’usage de portiques tournants à l’entrée des sites, à l’utilisation des vestiaires, à la manipulation des colis et au manque de respect des règles de distanciation.
- Sous-évaluation des risques psychosociaux.
- Défaut d’association à l’évaluation des risques du CSE central et des CSE d’établissement.
La cour d’appel de Versailles a confirmé la décision de 1ère instance.
La cour d’appel, tout comme les premiers juges, reconnaît que la société Amazon a déjà pris de nombreuses mesures : aménagement des pauses (espacements des chaises, modification des horaires), réorganisation des prises de poste pour limiter la densité des personnes dans un même espace, désactivation des portiques de sécurité à la sortie pour fluidifier les mouvements de personnes, nettoyages plus fréquents, mise à disposition de gel hydroalcoolique, communication sur les gestes barrières, prise de température proposée aux salariés et création d’une nouvelle fonction de vérification des consignes confiée à des ambassadeurs hygiène et sécurité.
Mais elle relève également que la société Amazon France :
- N’a pas procédé à une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie ;
- N’a pas évalué les risques psychosociaux ;
- N’a pas actualisé (ou pas suffisamment) le DUERP sur plusieurs sites ;
- A pris des mesures au jour le jour, sans plan d’ensemble maîtrisé comme l’exigeait le volume très important des effectifs présents sur chaque site ;
- N’a pas suffisamment assuré la formation des salariés.
La Cour d’appel a, en outre, relevé un manque de volonté certain d’impliquer le CSE central et les CSE d’établissement dans l’évaluation des risques.
Amazon France a été mise en demeure de mettre en œuvre une évaluation des risques adaptée et les mesures qui en découlent en associant et consultant le CSE.
En attendant que les mesures ordonnées soient mises en œuvre, la cour d’appel maintient que la société doit restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises et à la préparation et l’expédition des commandes de produits de première nécessité ou indispensables notamment au télétravail.
Une peine d’astreinte, de 100 000 € due pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés, pendant une durée d’un mois, a été prononcée.
CA Versailles 24 avril 2020, n° 20/01993
Condamnation pour défaut de transcription de l’évaluation des risques dans le DUERP
Le tribunal judiciaire de Paris en référé a été saisi par un syndicat qui estimait que l’élaboration et l’application des diverses mesures de préventions adoptées dans l’entreprise n’étaient pas suffisamment adaptées aux différents stades de la propagation de l’épidémie.
Sur ce point, le tribunal a jugé que la société avait adopté un ensemble de mesures de précaution et de prévention en appliquant et complétant concrètement et localement les diverses directives et recommandations des pouvoirs publics et des autorités sanitaires, d’autre part en se concertant avec le CSE et en prenant avis auprès du médecin coordinateur des services de santé au travail. Ainsi, l’évaluation des risques spécifiques au Covid-19 a été jugée suffisante.
Le tribunal en a profité pour rappeler que les employeurs ne peuvent dans ce domaine se borner à paraphraser les recommandations publiques et officielles du Gouvernement ou des autorités sanitaires compétentes.
En revanche, le tribunal a relevé qu’aucun DUERP n’existait et que l’évaluation des risques n’avait donc pas été retranscrite dans le DUERP.
Il rappelle ainsi qu’une évaluation détaillée de chacun des risques liés à la profession ou à la crise sanitaire ne suffit pas. Il faut impérativement que l’analyse soit transcrite dans le DUERP.
Tribunal judiciaire de Paris, ordonnance de référé n°20/52223 du 9 avril 2020
Condamnation pour insuffisance des mesures de protection d’une association
L’inspection du travail a saisi le tribunal judiciaire de Lille en référé. Elle reprochait à une association d’aide à domicile de ne pas avoir pris toutes les mesures permettant de garantir la santé et la sécurité des salariés contre le Coronavirus.
Les juges ont considéré que l’association visée était tenue de respecter les règles de prévention des risques biologiques contenues dans le code du travail étant donné qu’elle faisait référence, dans son DUERP, à un risque biologique spécifique lié à l’intervention à domicile pendant une pandémie ou une épidémie et qu’elle l’a classifié en risque mortel.
Ces règles, qui visent un risque spécifique, imposent de limiter le nombre de travailleurs exposés aux risques, de définir des processus de travail visant à éviter ou minimiser le risque et de mettre en œuvre des mesures de protection et d’hygiène collectives pour réduire ou éviter le risque.
L’association avait déjà mis en place certaines mesures :
- Fourniture d’un téléphone aux salariés pour recevoir les plannings et pour pouvoir appeler ou être appelés ;
- Fourniture de flacons de gel désinfectant rechargeables en agence ;
- Fourniture de gants ;
- Port de masques FFP2 encore en stock lorsque le salarié intervient chez une personne suspectée d’être malade ;
- Prestation non effectuée en cas de contamination avérée du client.
Mais cela n’a pas été jugé suffisant et il a été demandé à l’association de mettre en place 13 mesures complémentaires, dont notamment :
- Fournir aux salariés les équipements de protection individuelle (EPI) adéquats en quantité suffisante, et si c’est impossible organiser différemment la prestation pour concilier l'éventuel besoin impérieux voire vital du client avec la protection de ses salariés ;
- Identifier les types de risques encourus lors des différentes interventions dans la situation où le client peut être porteur du virus sans le savoir, dans celle où il présente des symptômes et dans celle où il est diagnostiqué positif ;
- Aviser les clients de la modification de l'exécution des prestations et des consignes dont elle exige le respect par ses salariés ; les prévenir aussi qu’ils devront porter un masque lors de l'intervention des salariés s’ils présentent un symptôme ou s'ils ont été diagnostiqués positifs ;
- Prendre des dispositions spécifiques rappelant aux travailleurs leur obligation de signaler immédiatement tout accident ou incident mettant en cause un agent biologique ;
- Tenir à la disposition des travailleurs, du CSE et de l’inspecteur du travail les informations exigées en cas de risque biologique ;
- Etablir une liste des travailleurs exposés à des agents biologiques ;
- Faire établir un dossier médical spécial tenu par le médecin du travail ou le professionnel de santé.
L’association doit également mettre en place toute une série de consignes précises, les diffuser et en exiger le respect. Il s’agit notamment :
- Des modalités de vérification préalable auprès des clients de l'existence de symptômes ou d'un diagnostic de Covid-19 avéré ;
- Des consignes relatives aux conditions d'intervention des salariés ;
- Des consignes relatives au port et à l'utilisation des EPI et aux mesures à prendre en cas d'accident ;
- Des consignes d'approvisionnement des salariés en EPI auprès des agences ;
- Des procédures de traitement des déchets ;
- Des consignes permettant aux salariés de s’assurer que le client porte un masque en cas de symptômes ou de maladie.
Si l’association ne respecte pas les termes de cette décision dans les 3 jours, elle sera redevable d’une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard et par obligation inexécutée, pendant trois mois.
Tribunal judiciaire de Lille, ordonnance de référé n° 20/00380 du 3 avril 2020
Condamnation pour insuffisance des mesures de protection chez Carrefour Market
L’inspection du travail a saisi le tribunal judiciaire de Lille en référé. Elle reprochait à l’enseigne Carrefour Market de Villeneuve-d’Asq de ne pas avoir pris toutes les mesures permettant de garantir la santé et la sécurité des salariés contre le Coronavirus.
Lors de deux contrôles successifs, un inspecteur du travail avait pu constater certains manquements :
- En rayon : quelques salariés ne portant pas de gants, un non-respect des distances de sécurité entre les salariés en rayon et les clients ou entre les salariés en rayon entre eux ;
- Pour les salariés en caisse : une possibilité pour les clients de pénétrer dans la distance de sécurité, notamment lorsqu'un caissier se penche pour répondre à la question d'un client ;
- Un défaut de présentation des notices des masques et gants utilisés.
En outre, l’inspecteur avait constaté que, dans le DUERP, l’employeur avait relevé un risque spécifique lié à la maladie du Covid-19 sans en préciser la dangerosité.
Les juges ont considéré que l’enseigne Carrefour Market visée est tenue de respecter les règles de prévention des risques biologiques contenues dans le code du travail en vertu de deux éléments :
- Les données issues de l’agence nationale de santé publique, qui font état de plusieurs milliers de morts liés au Covid-19 ;
- Le fait que l’enseigne a elle-même fait référence, dans son DUERP, à la contamination à ce virus comme un risque biologique spécifiquement lié aux secteurs « tous postes », activités « Relation clientèle - Vente - Mise en rayon – Réception ».
Ces règles imposent en substance de limiter le nombre de travailleurs exposés aux risques, de définir des processus de travail visant à éviter ou minimiser le risque et de mettre en œuvre des mesures de protection et d’hygiène collectives pour réduire ou éviter le risque.
L’enseigne en cause avait déjà mis en place un certain nombre de mesures de protection saluées par la médecine du travail :
- Port de gants et de masques par les salariés ;
- Protection par une vitre des salariés en caisse ;
- Réassort entre 5 h 00 et 9 h 00 le matin et 12 h 00 et 15 h 00 lorsque l'affluence est particulièrement faible ;
- Mise en place d’un filtrage des clients à l'entrée du magasin et proposition de se désinfecter les mains à l'entrée du magasin ;
- Mise en place de dispositifs d'affichage, marquages au sol, interventions au micro, dispositifs de rendu de monnaie, plexiglas et cheminement des clients aux caisses.
Mais cela n’a pas été jugé suffisant et il a été demandé à l’enseigne de mettre en place les mesures complémentaires suivantes :
- Imposer aux clients du magasin une limite physique leur rendant clairement inaccessibles les rayons concernés par le réassort au moyen d'un dispositif empêchant le passage, par exemple au moyen d'un dispositif de rubans de signalisation ;
- Donner des consignes strictes, en exigeant le respect de ces consignes, afin que les salariés :
- cheminent, autant que la configuration des lieux le permet, entre l'entrepôt et les points de réassort en rayon par les allées latérales du magasin ;
- se tiennent mutuellement en dehors de leur distance de sécurité ;
- portent le masque de protection fourni ;
- portent en permanence des gants ou bien se lavent les mains selon une fréquence qui sera imposée par l'employeur.
- S'adresser à la médecine du travail si des salariés font état d'une gêne insurmontable au port du masque ou de gants ou d'une inadaptation des gants fournis à la tâche assignée, afin de recueillir les préconisations de celle-ci sur ces problématiques et s'y conformer ;
- Se procurer les notices correspondant aux masques et gants qu'elle fournit aux salariés et les tenir à disposition au sein de son établissement ;
- Déterminer des consignes claires et précises de mise en place et de retrait des masques et des gants ;
- Procéder à l'information individuelle et à la formation des salariés sur le port des maques et des gants qu'il leur fournit, ainsi qu’à la formation à la sécurité relative au risque biologique des travailleurs ;
- Tenir à la disposition des travailleurs intéressés et du comité social et économique les informations prévues à l'article R. 4425-4 du Code du travail.
Si l’enseigne Carrefour Market de Villeneuve-d’Ascq ne respecte pas les termes de cette décision dans les 3 jours dont elle dispose, elle sera redevable d’une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard et par obligation inexécutée, pendant trois mois.
Tribunal judiciaire de Lille, ordonnance de référé n° 20/00386 du 14 avril 2020
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