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- Fin de l’arrêt de travail : le salarié n’est pas obligé de reprendre le travail avant la visite médicale de reprise
- Attention à ne pas avertir un salarié de son licenciement par téléphone avant l’envoi de la lettre
- Refuser d’accepter par avance un changement d’employeur ne justifie pas un licenciement
- Salarié inapte : impossible de prononcer un licenciement pour un autre motif
Présentation de l’affaire
Une salariée est engagée le 15 décembre 1986, en qualité de secrétaire commerciale.
Elle est placée en arrêt de travail à compter du 18 janvier 2012, puis licenciée pour faute grave le 24 juillet 2012 en raison d’un manquement à son obligation de loyauté, au motif qu’elle avait exercé une activité salariée nonobstant son arrêt de travail maladie.
La salariée saisit la juridiction prud’homale, estimant son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, demandant à ce titre le paiement de l’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Paris, par arrêt du 2 novembre 2017, déboute la salariée de sa demande.
Elle estime en effet que :
- La salariée avait exercé une activité salariée dans le cadre d'une société qui n'était pas son employeur ;
- A une heure et un jour où en raison d'un arrêt de travail pour maladie, le contrat de travail la liant à cet employeur était suspendu ;
- L’exercice de cette activité, peu importe qu’elle ne fut pas concurrente, constituait une faute « qui, par la déloyauté qu'elle caractérise, est d'une gravité telle qu'elle fait obstacle à la poursuite du contrat de travail».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner l'employeur au paiement d'une indemnité à ce titre, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et à lui rembourser des sommes au titre du maintien de salaire et des frais d'huissier, l'arrêt retient qu'il est établi que la salariée exerçait une activité professionnelle dans le cadre d'une société qui n'était pas son employeur, à une heure et un jour où en raison d'un arrêt de travail pour maladie, le contrat de travail la liant à cet employeur était suspendu ; que la salariée a continué à percevoir un complément de salaire versé par son employeur pendant son arrêt de travail pour maladie mais avait un compte courant d'associé établi à 64 500 euros au 31 décembre 2011 et porté à 76 467,84 euros au 31 décembre 2012, de sorte que non seulement l'employeur justifie du préjudice qui en résulte mais qu'il ne peut être soutenu par la salariée que son activité était bénévole ou occasionnelle ; qu'en conséquence et peu important l'absence de caractère concurrentiel de l'activité, le régime de sorties libres de l'arrêt de travail ou la connaissance qu'avait l'employeur de la qualité d'associée de la salariée, il y a lieu de déclarer que l'exercice de cette activité constitue une faute qui, par la déloyauté qu'elle caractérise, est d'une gravité telle qu'elle fait obstacle à la poursuite du contrat de travail ;
Arrêt de la Cour de cassation
Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, considérant à cette occasion que :
- L’exercice d'une activité, pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ;
- Ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ;
- Que, dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise.
La Cour de cassation ajoute à l’occasion de son arrêt que, concernant le préjudice éventuel causé par le salarié à l’employeur ou à l’entreprise « ne saurait résulter du seul paiement par l'employeur, en conséquence de l'arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant que l'exercice d'une activité, pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; que, dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que ce préjudice ne saurait résulter du seul paiement par l'employeur, en conséquence de l'arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres moyens, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que les fonctions commerciales exercées par Mme F... relevaient de la qualification de cadre, condamne la société (…) à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il condamne la société à la remise d'un certificat de travail conforme, l'arrêt rendu le 2 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elle se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel Paris, autrement composée ;
Références
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 26 février 2020
N° de pourvoi : 18-10017 Publié au bulletin