Licenciement nul : le salarié acquiert des congés payés durant la période d’éviction selon la CJUE

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La CJUE, par décision du 25 juin 2020, considère qu’en cas de nullité d’un licenciement, le salarié ouvre droit à des congés payés, au titre de la période [notification licenciement et réintégration du salarié].

Licenciement nul : le salarié acquiert des congés payés durant la période d’éviction selon la CJUE
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Présentation des affaires

La CJUE avait été saisie de 2 questions préjudicielles au titre de 2 affaires, par les juridictions bulgare et italienne.

Affaire numéro 1

Dans l’affaire issue de la juridiction bulgare :

  • Un salarié, employé depuis le 1er septembre 1985, en qualité de professeur de musique dans une école primaire ;
  • Avait été licencié le 29 avril 2004 ;
  • Puis réintégré dans son emploi le 10 novembre 2008 ;
  • Pour finalement être licencié à nouveau le 13 novembre 2008.

L’affaire C?762/18

QH était employée depuis le 1er septembre 1985 en tant que professeur de musique dans une école primaire. Le 29 avril 2004, le directeur de l’école a décidé de mettre fin à cette relation de travail. QH a introduit un recours contre cette décision et a été réintégrée dans son emploi à la suite d’un jugement devenu définitif du Rayonen sad Plovdiv (tribunal d’arrondissement de Plovdiv, Bulgarie), qui déclarait ce licenciement illégal.

Par une décision du 13 novembre 2008, le directeur de l’école a de nouveau mis fin à la relation de travail de QH qui, cette fois, n’a cependant pas introduit de recours contre ce licenciement.

Affaire numéro 2

Dans l’affaire issue de la juridiction italienne :

  • Une salariée avait été licenciée le 11 juillet 2002 à l’issue d’une procédure de licenciement collectif ;
  • À la suite d’un recours formé, le tribunal de Rome avait ordonné sa réintégration ;
  • La salariée avait repris son service le 6 octobre 2003 ;
  • Mais par lettres des 13 octobre et 15 novembre 2003, l’entreprise avait de nouveau licencié la salariée, avec effet immédiat, ayant exonéré la salariée de l’obligation de travailler durant la période de préavis ;
  • Ces licenciements avaient ensuite été déclarés illégaux par des jugements qui sont devenus définitifs ;
  • La salariée ayant de nouveau été réintégrée dans ses fonctions ;
  • Pour finalement être définitivement licenciée le 17 septembre 2010.

CV, une salariée d’Iccrea Banca, a été licenciée le 11 juillet 2002 à l’issue d’une procédure de licenciement collectif. À la suite du recours formé par CV, le Tribunale di Roma (tribunal de Rome, Italie) a ordonné sa réintégration et elle a repris son service le 6 octobre 2003.

Par lettres des 13 octobre et 15 novembre 2003, Iccrea Banca a de nouveau licencié CV, avec effet immédiat, et a exonéré la salariée de l’obligation de travailler durant la période de préavis. Ces licenciements ont ensuite été déclarés illégaux par des jugements qui sont devenus définitifs et CV a de nouveau été réintégrée dans ses fonctions. CV a été définitivement licenciée le 17 septembre 2010.

Dans l’intervalle, CV avait formé un recours devant les juridictions italiennes afin d’obtenir une indemnité de la part d’Iccrea Banca au titre des congés annuels payés et des congés spéciaux pour « jours fériés supprimés », acquis pour l’année 2003 et pour l’année 2004, mais non pris.

Les 2 questions préjudicielles

Les 2 questions préjudicielles auxquelles la CJUE devait répondre étaient donc les suivantes :

  1. Lorsqu’un salarié est illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi, ouvre-t-il droit à l’acquisition de congés payés, durant la période d’éviction, c’est-à-dire pour la période comprise entre la date de son licenciement et la date de sa réintégration ? 
  2. Et si la réponse à la 1ère question est « oui », le salarié ouvre-t-il droit au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés, au cas où le salarié serait de nouveau licencié après avoir bénéficié d’une réintégration au sein de l’entreprise, toujours au titre des congés payés acquis et non utilisés au titre de la période d’éviction visée à la question 1 ?

Les réponses de la CJUE

Les réponses de la CJUE sont les suivantes : 

  • Il n’est pas juste qu’un salarié, privé de la possibilité de travailler pendant la période d’éviction, en raison d’un licenciement jugé nul par la suite, soit privé du bénéfice du congé annuel payé ;
  • Et d’autre part, le salarié qui serait licencié, après réintégration prononcé pour nullité de son licenciement, ouvre droit au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés, au titre des congés payés acquis au titre de la période d’éviction mais qui n’auraient pas été utilisés en totalité à la date de rupture du contrat de travail.  

Extraits décision CJUE :

Plus fondamentalement, il ne me semble pas juste qu’un travailleur qui a été privé de la possibilité de travailler pendant la période où il était licencié en raison d’actes de son employeur qui, par hypothèse, étaient illicites, ait en définitive à subir un préjudice. En d’autres termes, dès lors que, sans les actes illicites de son employeur ayant abouti à son licenciement, le travailleur aurait travaillé pendant la période en question, il ne saurait être en définitive privé du bénéfice du congé annuel payé. En effet, il convient de rappeler que, dans ce contexte, l’employeur doit veiller à mettre les travailleurs en mesure d’exercer leur droit à congé annuel payé. (…)

 À la lumière des considérations qui précèdent, je conclus que, lorsque la législation nationale prévoit qu’un travailleur illégalement licencié doit être réintégré dans son emploi, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte s’opposent à une législation, à une jurisprudence ou à une pratique nationales en vertu desquelles ledit travailleur n’a pas droit au congé annuel payé pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi.(...) 

En premier lieu, il s’ensuit que, s’agissant d’un travailleur qui n’a pas été en mesure, pour des raisons indépendantes de sa volonté, d’exercer son droit au congé annuel payé avant la fin de la relation de travail, l’indemnité financière à laquelle il a droit doit être calculée de sorte que ledit travailleur soit placé dans une situation comparable à celle dans laquelle il aurait été s’il avait exercé ledit droit pendant la durée de sa relation de travail . Ainsi que l’a déjà jugé la Cour, ce droit à une indemnité financière au titre de congés annuels non pris lors de la cessation de la relation de travail est consubstantiel au droit au congé annuel « payé » .

Une décision contraire à la jurisprudence française.

Pour terminer, signalons que cette position de la CJUE est contraire à celle de la Cour de cassation française, rappelons à cette occasion un arrêt du 11 mai 2017, que vous pouvez retrouver en détails sur notre site en cliquant ici

La Cour de cassation considérait, tout comme la cour d’appel avant elle que :

  1. La période d’éviction (période séparant le licenciement de la réintégration) ouvre droit à une indemnité d’éviction ;
  2. Mais ne permet nullement l’acquisition de jours de congés payés.

Cour de cassation du 11 mai 2017, pourvoi n°15-19731 

Références

Décision CJUE du 25 juin 2020

Affaire C?762/18 et Affaire C?37/19