Attention au licenciement d’une salariée enceinte !

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Attention au licenciement d’une salariée enceinte !
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Cet article a été publié il y a 12 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Il est d’usage de considérer que le licenciement d’une salariée enceinte nécessite beaucoup de précautions.

Un arrêt très récent de la Cour de cassation en donne encore un exemple concret.

L’affaire concernée

Une salariée est engagée en qualité de vendeuse, le 21/02/2005. 

Elle est promue par la suite au poste de « adjointe au responsable du point de vente », le 1/05/2006. 

A la suite de sa convocation à un entretien préalable, la salariée informe son employeur de son état de grossesse, par l’envoi d’un certificat médical reçu le 25/03/2008. 

Licenciée le 9/04/2008, elle saisit la juridiction prud’homale de demandes en annulation de son licenciement et en paiement de sommes notamment au titre de la rupture du contrat de travail.

L’arrêt de la Cour d’appel

La salariée est déboutée de ses demandes. 

La Cour d’appel estime en effet, que le licenciement de la salariée était sans rapport avec l’état de grossesse médicalement constatée de cette dernière.

La motivation de l’employeur était tout autre, les arrêts de travail répétés de la salariée provoquait une désorganisation grave du point de vente auquel elle était affectée.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en annulation du licenciement et en paiement de sommes liées à cette rupture, l'arrêt, après avoir relevé que l'employeur n'invoque pas une faute grave non liée à l'état de grossesse, mais rappelle la succession des arrêts pour maladie de celle-ci et en déduit sa volonté de ne plus travailler pour son compte, retient, d'une part, que s'il ne fait pas référence textuellement à l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse, il indique vouloir éviter la déstructuration du point de vente de M… auquel doit être affecté le personnel nécessaire, sans solution de continuité plus ou moins hasardeuse, en reprenant l'argumentation développée dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, où il écrivait : "la gestion de vos arrêts de travail répétés depuis le 26 octobre 2007, renouvelé pour la dernière fois selon bulletin de situation du 26 février 2008 est de plus en plus difficile et provoque une désorganisation du point de vente de M… préjudiciable à l'entreprise", d'autre part, que "cette impossibilité de maintenir le contrat de travail était difficile" compte tenu du poste occupé par la salariée, de la petite taille du magasin qui occupait trois salariés et de la longueur de l'absence de Mme X... ;

L’arrêt de la Cour de cassation

Les juges de la Cour de cassation ne sont pas du même avis, ils cassent et annulent l’arrêt de la Cour d’appel. 

Ils relèvent en effet que la lettre de licenciement :

  • Se contentait d’énoncer une déstructuration du point de vente auquel la salariée était affectée ;
  • Ne mentionnait pas l’impossibilité de maintenir le contrat de travail.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la lettre de licenciement se contentait d'énoncer une déstructuration du point de vente, sans mentionner ni expliciter l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée, la cour d'appel, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes en paiement de sommes en lien avec cette nullité, l'arrêt rendu le 22 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen 

Petits rappels utiles

Cette affaire permet de rappeler quelques notions importantes concernant le licenciement d’une salariée enceinte.

La protection « relative »

Pendant une période que l’on nomme « protection relative », la rupture du contrat de travail par l’employeur ne peut pas avoir lieu sauf pour les cas suivants : 

  • Faute grave ou lourde  non liée à l’état de grossesse de la salariée ;
  • Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (en cas de licenciement économique par exemple).

Article L1225-4

Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. 

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

C’est en référence à cet article du Code du travail que la Cour de cassation prononce le présent arrêt. 

La protection relative correspond à la période débutant à l’annonce de la grossesse, pour se terminer lorsque débute le congé de maternité.

Article L1225-2

La femme candidate à un emploi ou salariée n'est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte.

Article R1225-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)


Pour bénéficier de la protection de la grossesse et de la maternité, prévue aux articles L. 1225-1 et suivants, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s'il y a lieu, l'existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail. 

Important ! 

  • La protection relative concerne les 4 semaines de « pathologie postnatale » qui pourtant font partie du congé de maternité!
  • La protection relative joue pendant ces 4 semaines, que la salariée les utilise totalement, partiellement ou pas du tout.

La protection « absolue »

En vertu de l’article L 1225-4 du Code du travail, le licenciement ne peut prendre être signifié ni prendre effet pendant la période du congé de maternité donc pendant la période dite « protection absolue ». 

Cela concerne tous les licenciements, y compris ceux prononcés pour :  

  • Faute grave ou lourde  non liée à l’état de grossesse de la salariée ;
  • Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (en cas de licenciement économique par exemple).

Article L1225-4

Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. 

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa. 

Même s’il est fondé sur une faute grave ou sur l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à la maternité, le licenciement ne peut en aucun cas être notifié ni prendre effet pendant les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre du congé de maternité, c'est-à-dire pendant: 

  • 16 semaines (congé simple) ;
  • Ou 26 semaines (lorsque l’assurée ou le ménage assume déjà la charge d’au moins 2 enfants ou l’assurée a déjà mis au monde au moins 2 enfants nés viables) ;
  • Ou 34 semaines (en cas de grossesse gémellaire) ;
  • Ou 46 semaines (en cas de grossesse concernant des triplés ou plus).

L’employeur peut engager la procédure de licenciement mais il pourra uniquement : 

  • Convoquer la salariée enceinte à un entretien préalable ;
  • La notification du licenciement (envoi de la lettre recommandée) et la rupture du contrat de travail ne devront pas intervenir pendant le congé de maternité (c'est-à-dire pendant la suspension du contrat de travail).

Précisons que la période de protection « absolue » correspond au congé de maternité à l’exclusion de 4 semaines « pathologie postnatale »

Rappel d’une jurisprudence concernant un licenciement visiblement « envisagé »

Pour terminer notre propos, il nous semble important de rappeler un arrêt de la Cour de cassation du 15/09/2010. 

L’affaire concernait une salariée en congé de maternité puis ensuite en congés payés, soit une suspension du contrat de travail allant du 15/08/2005 au 01/01/2006.

De retour dans l’entreprise, le 02/01/2006, elle est convoquée 2 jours plus tard (le 04/01/2006) à un entretien préalable au licenciement.

Le licenciement est prononcé pour insuffisance professionnelle le 27/01/2006.

Mais la salariée n’est pas d’accord sur la procédure et saisit le Conseil de prud’hommes afin de faire reconnaître la nullité de son licenciement.

Elle indique en effet, que durant son congé de maternité un salarié avait été engagé pour la remplacer définitivement.

Ce salarié figure sur l’organigramme de l’entreprise, le nom de la salariée en congé de maternité ayant lui disparu de l’organisation de l’entreprise.

Pour la Cour d’appel, le fait que le nom du salarié « remplaçant » figure sur l’organigramme de l’entreprise ne suffit pas à faire penser que le licenciement de la salariée en congé de maternité avait été prévu pendant cette période de protection totale.

La Cour de cassation en juge autrement.

Les juges s’appuient sur l’article 10 de la directive européenne (n° 92/82 du 19/10/1992) et indiquent que l’arrêt de la Cour d’appel doit être censuré.

Cour de cassation du 15/09/2010 arrêt 08-43.299FS-PBR

Référence

Cour de cassation  chambre sociale

Audience publique du mercredi 11 juillet 2012

N° de pourvoi: 11-13685