Personnes vulnérables et placement en activité partielle : une « série » à rebondissements

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La LF rectificative pour 2020 instaure un placement automatique en activité partielle des personnes vulnérables, le décret du 5/05/2020 fixe les critères durcis par celui du 29/08. Le Conseil d’État le remet en cause, le site Améli.fr prend note.

Personnes vulnérables et placement en activité partielle : une « série » à rebondissements
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Cet article a été publié il y a 3 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

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Épisode 1 : les dispositions de la loi de finances

Principe général

L’article 20 de la loi de finances rectificative pour 2020 (loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, JO du 26 avril 2020) contient la mesure suivante :

  • Le placement en activité partielle, à partir du 1er mai 2020, de certains salariés bénéficiant d’arrêt de travail dérogatoire « covid-19 » ;
  • Ouvrant droit à ce titre, aux indemnités horaires pour les salariés et à l’allocation employeur, quelle que soit l’ancienneté des salariés concernées ou la durée des arrêts de travail correspondants.

Arrêts de travail concernés

Sont concernés les salariés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des 3 motifs suivants : 

  1. Le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ;
  2. Le salarié partage le même domicile qu’une personne vulnérable au sens du point 1 ;
  3. Le salarié est parent d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile. 

Indemnisation des salariés

Les salariés concernés :

  • Perçoivent à ce titre l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail, sans que les conditions prévues au I du même article L. 5122-1 soient requises (cas de recours admis) ;
  • Cette indemnité d’activité partielle n’est pas cumulable avec l’indemnité journalière prévue aux articles L. 321-1 et L. 622-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu’aux articles L. 732-4 et L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime ou avec l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail (IJSS ou indemnité complémentaire versée par l’employeur). 

Allocation employeur

  • L’employeur des salariés concernés bénéficie de l’allocation d’activité partielle prévue au II de l’article L. 5122-1 du code du travail.

Dates d’application

Ces dispositions s’appliquent ;

  1. A compter du 1er mai 2020 ;
  2. Quelle que soit la date du début de l’arrêt de travail mentionnés plus haut ;
  3. Jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2020, pour les motifs 1 et 2 (personnes à risque, personnes qui vivent avec une personne à risque) ;
  4. Pendant toute la durée de la mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile concernant leur enfant pour le motif 3.

Références

LOI n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020

Le décret du 5 mai 2020

Le décret, publié au JO du 6 mai 2020, confirme les critères permettant d'identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placés en activité partielle depuis le 1er mai 2020, rappelant à cette occasion la « vulnérabilité mentionnée au I de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 ». 

Sont donc précisément concernées les personnes suivantes appartenant à l’une des 11 catégories suivantes :

  1. Etre âgé de 65 ans et plus ;
  2. Avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d'accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
  3. Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;
  4. Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d'une infection virale : (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d'apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;
  5. Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;
  6. Etre atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
  7. Présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;
  8. Etre atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise (*) :
  9. Etre atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;
  10. Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;
  11. Etre au 3ème trimestre de la grossesse. 

(*) En ce qui concerne la « catégorie 8 », à savoir « atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise », sont précisément concernées les origines de cette immunodépression :

  • Médicamenteuse : chimiothérapie anti cancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;
  • Infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;
  • Consécutive à une greffe d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;
  • Liée à une hémopathie maligne en cours de traitement. 

Références

Décret n° 2020-521 du 5 mai 2020 définissant les critères permettant d'identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placés en activité partielle au titre de l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020

Le décret du 29 août 2020

Le décret, publié au JO du 30 août 2020, contient les dispositions suivantes :

Article 1 du décret

Le placement automatique en activité partielle prend fin au 31 août 2020 pour les personnes répondant à l’un des motifs suivants :

  1. Le salarié partage le même domicile qu'une personne vulnérable ;
  2. Le salarié est parent d'un enfant de moins de 16 ans ou d'une personne en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile.

Toutefois ce placement automatique en activité partielle perdure jusqu’à la date l’état d’urgence sanitaire prend fin pour les salariés exerçant leur activité dans les départements de Guyane et de Mayotte.

Articles 2 et 3 

L’article 2 fixe désormais une nouvelle liste de personnes « vulnérables » pour lesquelles le placement automatique en activité partielle perdure au-delà du 31 août 2020.

Ce sont les patients :

  1. Répondant à l’un des critères suivants ;
  2. Et pour lesquels un médecin estime qu’ils présentent un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 les plaçant dans l’impossibilité de continuer à travailler

Critères :

  • Etre atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ; 
  • Etre atteint d’une immunodépression congénitale ou acquise :  
  1. Médicamenteuse : chimiothérapie anticancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ; 
  2. Infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ; 
  3. Consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ; 
  4. Liée à une hémopathie maligne en cours de traitement.
  • Etre âgé de 65 ans ou plus et avoir un diabète associé à une obésité ou des complications micro ou macrovasculaires ; 
  • Etre dialysé ou présenter une insuffisance rénale chronique sévère.  

Concrètement, ces salariés sont placés en position d’activité partielle sur présentation à leur employeur du certificat du médecin traitant. 

Les dispositions des articles 2 et 3 s’appliquent à compter du 1er septembre 2020.

Toutefois, elles ne s’appliquent dans les départements de Guyane et de Mayotte qu’à compter de la date à laquelle l’état d’urgence sanitaire y prend fin.  

Article 4

Cet article abroge, à compter du 1er septembre 2020, les dispositions du décret n°2020-521 du 5 mai 2020 qui fixe les critères permettant d'identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placés en activité partielle.

Toutefois, ces dispositions continuent à s’appliquer dans les départements de Guyane et de Mayotte jusqu’à la date à laquelle l’état d’urgence sanitaire y prend fin.

Référence

Décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 pris pour l'application de l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 

La remise en cause du Conseil d’État

Suite à l’importante réduction de la liste des personnes vulnérables bénéficiant d’un placement automatique en activité partielle, le Conseil d’État vient de se prononcer comme suit :

Rappel du contexte

  • La loi du 25 avril 2020 a prévu le placement en chômage partiel des personnes vulnérables qui présentent un risque de développer une forme grave d’infection au virus covid-19 ainsi que des salariés qui partagent le même domicile que ces personnes ;
  • Un 1er décret du 5 mai 2020 a défini 11 situations dans lesquelles une telle vulnérabilité était reconnue ;
  • Un nouveau décret du 29 août 2020 a restreint l’éligibilité à ce dispositif de chômage partiel à 4 situations et prévu qu’il ne s’appliquera plus aux salariés partageant le même domicile qu’une personne vulnérable.

Saisine Conseil d’État

Le décret pouvait mettre fin au bénéfice du chômage partiel pour les salariés cohabitant avec une personne vulnérable 

  • La Ligue nationale contre l’obésité ainsi que plusieurs requérants individuels ont demandé au juge des référés du Conseil d’Etat de suspendre ce second décret ;
  • Le décret pouvait mettre fin au bénéfice du chômage partiel pour les salariés cohabitant avec une personne vulnérable ;
  • Le juge des référés du Conseil d’Etat constate que la loi du 25 avril 2020 permet expressément au Premier ministre de mettre fin à ce dispositif particulier de chômage partiel s’il estime que la situation ne le justifie plus ;
  • Le Premier ministre pouvait donc légalement décider que les salariés cohabitant avec une personne vulnérable ne bénéficieront plus du chômage partiel.

Les nouveaux critères de vulnérabilité ne sont pas suffisamment cohérents 

  • Le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle que, si la loi du 25 avril 2020 laisse au Premier ministre un large pouvoir d’appréciation pour définir les critères selon lesquelles une personne doit être considérée comme vulnérable, de tels critères doivent être pertinents au regard de l’objet du dispositif et cohérents entre eux ;
  • Ainsi, le Gouvernement ne peut pas exclure des pathologies ou situations qui présentent un risque équivalent ou supérieur à celles maintenues dans le décret qui permettent toujours de bénéficier du chômage partiel.
  • Or, le juge des référés estime que le Gouvernement n’a pas suffisamment justifié, pendant l’instruction, de la cohérence des nouveaux critères choisis, notamment le fait que le diabète ou l’obésité n’ont été retenus que lorsqu’ils sont associés chez une personne âgée de plus de 65 ans. 

Suspension décret du 29 août 2020

  • Le juge des référés du Conseil d’Etat prononce donc la suspension des articles du décret du 29 août 2020 relatifs aux critères de vulnérabilité ;
  • Dès lors, en l’absence d’une nouvelle décision du Premier ministre, les critères retenus par le précédent décret du 5 mai 2020 s’appliquent à nouveau.

Lien vers décision Conseil d’État du 15 octobre 2020

La liste des personnes vulnérables au 28 octobre 2020

Le site Ameli.fr propose, en date du 28 octobre 2020, la liste des personnes vulnérables visées par le décret du 5 mai 2020 comme suit : 

  1. Être âgé de 65 ans et plus ;
  2. Avoir des antécédents cardiovasculaires (ATCD) : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d'accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
  3. Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;
  4. Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d'une infection virale (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d'apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;
  5. Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;
  6. Être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
  7. Présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30) ;
  8. Être atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise :
  • Médicamenteuse : chimiothérapie anti cancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;
  • Infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;
  • Consécutive à une greffe d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;
  • Liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;
  1. Être atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;
  2. Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;
  3. Être au 3ème trimestre de la grossesse.

Dans l’attente d’un éventuel décret à venir, cette liste devient « à nouveau » la liste de référence à prendre en considération.

Lien vers publication site Ameli.fr