Un salarié est-il en droit de demander le remboursement des cotisations à l’URSSAF ?

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Paie Cotisations sociales

Un arrêt de la Cour de cassation a attiré notre attention, la Cour de cassation abordant le cas particulier d’un salarié qui s’adresse directement à l’URSSAF afin d’obtenir le remboursement de cotisations sociales indûment versées.

Un salarié est-il en droit de demander le remboursement des cotisations à l’URSSAF ?
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Présentation de l’affaire

Dans cette affaire, un salarié obtient la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et une autre au titre du préjudice résultant de la perte du bénéfice d'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle.

L'employeur a précompté des cotisations sociales salariales sur le montant de ces indemnités avant de les verser au salarié. 

Mais le salarié demande à l’URSSAF le remboursement de ces cotisations qu’il estime indûment prélevées par son ancien employeur. 

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel d'Amiens, dans son arrêt du 11 avril 2019, donne raison au salarié considérant qu’il était en droit de saisir les services de l’URSSAF afin d’obtenir le remboursement des cotisations indûment prélevées par l’employeur et par la suite versées à l’URSSAF. 

Arrêt de la Cour de cassation

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel en précisant que : 

Vu les articles L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :

  • Il résulte de ces textes que l'employeur, tenu de verser sa contribution et de précompter celle du salarié, est seul redevable des cotisations et, sous sa responsabilité personnelle, de leur versement à l'organisme de recouvrement;
  • La cour d’appel pour considérer que le salarié était habilité à demander directement le remboursement des cotisations auprès de l’URSSAF que « si les dispositions de l'article R. 243-6 du code de la sécurité sociale attribuent compétence, pour chaque établissement, à l'employeur pour déclarer et verser les cotisations sociales aux organismes de recouvrement dont ces établissements et leurs salariés relèvent, cette attribution de compétence pour le versement des cotisations n'a cependant ni pour effet ni pour objet de priver (le salarié) de son droit à demander le remboursement des sommes litigieuses dès lors que celles-ci correspondent à ses propres cotisations sociales salariales (différence entre le brut et le net) versées pour son compte par l'employeur en application de l'article R. 243-6 du code de la sécurité sociale, et non pas aux cotisations sociales patronales, lesquelles correspondant au différentiel entre le « super-brut » et le brut;
  • En statuant ainsi, alors que le salarié n'avait pas la qualité de cotisant, de sorte que sa demande à l'URSSAF était irrecevable

En d’autres termes, la Cour de cassation ne reconnait le droit de réclamer le remboursement des cotisations indûment versées à l’URSSAF :

  • Qu’aux cotisants ;
  • Statut que le salarié n’avait pas dans la présente affaire. 

Ce qu’il ressort du présent arrêt, c’est que lorsque le salarié considère que des cotisations ont été prélevées par erreur sur des rémunérations :

  1. Il doit alors agir vers son employeur (ou son ex-employeur s’il a quitté l’entreprise) ;
  2. Ce dernier se chargeant alors des démarches auprès de l’administration ;
  3. Et rembourser le salarié s’il obtient gain de cause auprès de l’URSSAF par exemple.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour
Vu les articles L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :
6. Il résulte de ces textes que l'employeur, tenu de verser sa contribution et de précompter celle du salarié, est seul redevable des cotisations et, sous sa responsabilité personnelle, de leur versement à l'organisme de recouvrement.
7. Pour déclarer M. O... recevable en son action, l'arrêt retient que si les dispositions de l'article R. 243-6 du code de la sécurité sociale attribuent compétence, pour chaque établissement, à l'employeur pour déclarer et verser les cotisations sociales aux organismes de recouvrement dont ces établissements et leurs salariés relèvent, cette attribution de compétence pour le versement des cotisations n'a cependant ni pour effet ni pour objet de priver M. O... de son droit à demander le remboursement des sommes litigieuses dès lors que celles-ci correspondent à ses propres cotisations sociales salariales (différence entre le brut et le net) versées pour son compte par l'employeur en application de l'article R. 243-6 du code de la sécurité sociale, et non pas aux cotisations sociales patronales, lesquelles correspondant au différentiel entre le « super-brut » et le brut.
8. En statuant ainsi, alors que M. O... n'avait pas la qualité de cotisant, de sorte que sa demande à l'URSSAF était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif ayant écarté l'exception d'irrecevabilité formée par l'URSSAF pour défaut de qualité à agir de M. O... entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef dispositif confirmant les entières dispositions du jugement n° G 182/15 rendu le 16 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon et en ce qu'il condamne l'URSSAF à payer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de l'appel.
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Donne acte à l'URSSAF de Picardie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. O....
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il écarte l'exception d'irrecevabilité formée par l'URSSAF pour défaut de qualité à agir de M. O..., en ce qu'il confirme les entières dispositions du jugement rendu le 16 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon et en ce qu'il statue sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens d'appel, l'arrêt rendu le 11 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Et pourtant…

Preuve, une nouvelle fois, que les choses ne sont jamais simples dans le métier de la paie, rappelons un arrêt précédent de la Cour de cassation du 14 octobre 1993, dans lequel elle avait reconnu le droit d’agir directement auprès de l’administration à plusieurs salariés licenciés, bénéficiaires d’une convention de conversion.

Extrait de l’arrêt

Attendu que la société (…)  a, au cours du premier semestre de 1988, versé à ses salariés licenciés, bénéficiaires d'une convention de conversion, une indemnité compensatrice de préavis conventionnelle, sur laquelle elle a précompté les cotisations sociales ; qu'ayant estimé que celles-ci avaient été acquittées indûment, les intéressés ont présenté directement à l'URSSAF une demande en remboursement, qui n'a pas été accueillie ;

Attendu que cet organisme fait grief aux jugements attaqués (tribunal des affaires de sécurité sociale d'Alençon, 18 janvier et 22 février 1991) d'avoir admis la recevabilité d'une telle demande, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article R.243-6 du Code de la sécurité sociale l'employeur est, dans le régime général, le seul débiteur vis-à-vis des organismes de recouvrement des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès, veuvage, des accidents du travail et des allocations familiales ; qu'en affirmant, néanmoins, que les salariés, licenciés de la société (…), pouvaient réclamer directement à l'URSSAF le remboursement des cotisations sociales prélevées sur une indemnité qui leur avait été versée à la suite de leur licenciement, bien que l'URSSAF ne soit en relation directe qu'avec l'employeur, s'agissant du règlement des cotisations sociales, le Tribunal a violé le texte précité ;

Mais attendu que les dispositions légales et réglementaires qui imposent à l'employeur le versement de l'ensemble des cotisations sociales ne peuvent être étendues au-delà de leurs prévisions et ne sauraient être invoquées pour retirer aux salariés la qualité pour agir en restitution de la part de ces cotisations ayant fait l'objet d'un précompte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, également commun aux pourvois :

Attendu que l'URSSAF reproche, en outre, au jugement d'avoir accueilli la demande en remboursement des salariés, pour la part de cotisations les concernant, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 1377 du Code civil, celui qui réclame la restitution d'une somme comme l'ayant indûment payée par suite d'une erreur doit justifier non seulement du paiement dont il réclame la restitution, mais encore de l'erreur qui aurait été la cause déterminante de son acte ; qu'il résulte des propres constatations des jugements, qui relèvent que les derniers licenciements des salariés de la (…) ont eu lieu de mars à juin 1988, que l'indemnité litigieuse a été versée aux salariés à une date où elle était encore considérée comme une indemnité compensatrice de préavis soumise à cotisations sociales ; qu'en accueillant, cependant, la demande de ces salariés sur le fondement d'une interprétation ministérielle postérieure au versement des cotisations sociales, bien que ses motifs fassent ressortir l'absence d'erreur commise par le solvens au moment où il s'est acquitté de sa dette, le Tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte précité ;

Mais attendu que, n'étant pas discuté devant les juges du fond que les sommes allouées par l'employeur présentaient un caractère indemnitaire, les cotisations précomptées avaient été payées sans cause et étaient sujettes à répétition sans que soit exigée la preuve de l'erreur commise par celui qui les avait acquittées, les articles 1235 et 1376 du Code civil ne faisant pas de l'erreur une condition nécessaire de la répétition de l'indu ; que les décisions attaquées se trouvent, dès lors, légalement justifiées ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 91-12.892, 91-12.974 Publié au bulletin Solution : Rejet. Audience publique du jeudi 14 octobre 1993

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Alençon, 1991-01-18 et 1991-02-22

Références

Cour de cassation - Chambre civile 2 N° de pourvoi : 19-17.776 ECLI:FR:CCASS:2020:C200795 Publié au bulletin

Solution : Cassation partielle sans renvoi Audience publique du jeudi 24 septembre 2020

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 11 avril 2019