Le Tribunal Judiciaire de Paris reconnait le droit aux tickets restaurant pour les télétravailleurs

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Alors que le TJ de Nanterre refusait le 10 mars le droit aux tickets restaurant pour les télétravailleurs, le TJ de Paris vient de leur reconnaître ce droit…

Le Tribunal Judiciaire de Paris reconnait le droit aux tickets restaurant pour les télétravailleurs
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Principe d’égalité de traitement entre salariés

En application du principe général d’égalité de traitement entre salariés, les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes.

L’attribution d’un titre restaurant étant seulement conditionnée à ce que le repas du salarié soit compris dans son horaire de travail journalier, les télétravailleurs peuvent donc recevoir un titre restaurant par jour travaillé dès lors que leur journée de travail recouvre, « 2 vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas » (exemple : salarié travaillant de 9 à 17 heures).

Si les titres-restaurant constituent un avantage consenti par l’employeur qui bénéficie des exonérations fiscales et sociales a l’instar des remboursements de frais professionnels, leur octroi n’est pour autant pas conditionné à l’existence d’une dépense supplémentaire et inhérente à l’emploi engagée par le salarié.

Toutefois, le titre restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale ; il n’est donc pas interdit de subordonner l’attribution de cet avantage à certains critères à condition qu’ils soient objectifs, c’est-à-dire des critères qui s’appliquent autant aux télétravailleurs qu’aux salariés travaillant dans l’entreprise.

Ainsi, l’employeur peut différencier l’attribution des titres repas en fonction de l’éloignement du travail par rapport au domicile, dès lors que cette différenciation est fondée sur un critère objectif, c’est-à-dire la distance séparant le lieu du travail du domicile.

Un accord de branche ou d’entreprise peut prévoir des stipulations particulières en matière d’octroi de titres-restaurant, assurant un mode d’organisation en télétravail qui tienne compte le mieux possible de la situation propre à chaque activité, à chaque service et à chaque salarié, sous réserve du respect du principe d’égalité de traitement entre le salarié qui exécute son travail en télétravail et celui qui l’exécute dans les locaux de l’entreprise.

Position du Ministère du Travail

Le Ministère du Travail considère qu’en application du principe général d’égalité de traitement entre salariés, lorsque les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes.

Position des juges

Toutefois, plusieurs juridictions ont écarté le droit aux tickets restaurant pour les télétravailleurs :

La cour d’appel de Riom a jugé, dans un arrêt du 4 décembre 2018, que la différence de traitement dans ce domaine entre les télétravailleurs et les salariés sur site était fondée dès lors que ces salariés étaient dans des situations différentes. Pour la cour d’appel, le titre restaurant est un avantage en nature versé au salarié contraint de prendre ses repas hors de chez lui et qui vient ainsi compenser le surcoût engendré par ce mode de restauration.

Le tribunal judiciaire de Nanterre a jugé, le 10 mars 2021, qu’un employeur qui attribue des titres-restaurant à ces salariés peut cesser d’en faire bénéficier les télétravailleurs. Il s’en justifie en avançant que les situations ne sont pas comparables, les télétravailleurs pouvant se restaurer à leur domicile et éviter ainsi le surcoût d’une restauration prise hors de chez eux.

En revanche, le tribunal judiciaire de Paris, contrairement à celui de Nanterre, a jugé, le 30 mars 2021, que les salariés en situation de télétravail doivent bénéficier de titres-restaurant lorsque l’employeur en attribue aux salariés travaillant sur site. Selon lui, aucune différence de traitement ne se justifie.

Dans cette affaire, il revenait à l’employeur de justifier que :

  • Les télétravailleurs étaient dans une situation distincte en raison, notamment, des conditions d’exercice de leurs fonctions ;
  • Le refus d’attribution des titres-restaurant était fondé sur raisons objectives, matériellement vérifiables et en rapport avec l’objet des titres-restaurant.

Le tribunal judiciaire de Paris a balayé les différents arguments de l’employeur et conclu que, dès l’instant où l’employeur ne justifiait pas que les télétravailleurs se trouvaient dans une situation distincte, le refus de leur attribuer des titres-restaurant ne reposait donc sur aucune raison objective en rapport avec l’objet des titres-restaurant.

Le tribunal a estimé que :

  • La définition du télétravail n’implique nullement que le salarié doit se trouver à son domicile, ni qu’il doit disposer d'un espace personnel pour préparer son repas ;
  • L’objet du titre-restaurant tel que prévu par les textes est de permettre au salarié de se restaurer lorsqu'il accomplit son horaire de travail journalier comprenant un repas, mais cela n’est pas conditionné par le fait qu’il doit disposer d'un espace personnel pour préparer ce repas ;
  • Les dispositions relatives aux titres-restaurant n’autorisent pas l’employeur, une fois qu’il a fait le choix d’en distribuer à ses salariés, à déterminer librement parmi les salariés lesquels peuvent bénéficier ou non d’un titre-restaurant.

Le tribunal judiciaire de Paris a jugé que les salariés en situation de télétravail devaient bénéficier de titres-restaurant comme les salariés travaillant sur site. L’employeur a donc été condamné à attribuer aux salariés en situation de télétravail un titre-restaurant pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans leur horaire de travail journalier, à compter de la date d’assignation en justice, sous astreinte de 100 € par infraction et par jour de retard, courant à compter d'un délai de 30 jours suivant la signification du jugement.

Position de l’URSSAF

Quant à l’URSSAF, le Bulletin officiel de sécurité sociale, dont le contenu est opposable depuis le 1er avril 2021, précise que dans les entreprises dont les salariés bénéficient de titres-restaurant, il peut en être de même pour les télétravailleurs (à domicile, nomades ou en bureau satellite). Ces titres restaurants ouvrent droit, selon l’administration, aux mêmes exonérations, sous les mêmes conditions, que pour les salariés sur site. Les employeurs qui continuent d’attribuer des titres-restaurant à leurs télétravailleurs conservent donc, en l’état du BOSS, le bénéfice du régime social de faveur prévue par la réglementation de sécurité sociale (si les conditions requises sont, bien entendu, respectées).

Références

CA de Riom, 4e ch.civ., 4 décembre 2018, n° 17/00463

Tribunal judiciaire Nanterre, 10 mars 2021, n° RG 20/09616

Tribunal judiciaire Paris, 30 mars 2021, n° RG 20/09805

BOSS, Frais professionnels, § 1800–1/04/2021