Cet article a été publié il y a 3 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé à compter du 4 mai 2009 en qualité d'assistant transports par une association.
Au dernier état de la relation de travail, il exerce les fonctions de directeur des systèmes d'information et est soumis au régime du forfait en jours.
il est licencié le 11 décembre 2015, mais saisit la juridiction prud'homale de demandes portant notamment sur les jours travaillés au-delà du forfait, qu’elle soutient avoir réalisé en 2013, 2014 et 2015.
Dans l’affaire présente, la convention de forfait prévoit 195 jours de travail
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Paris, par arrêt du 06 mars 2019, déboute le salarié de sa demande.
Elle estime en effet que :
- Les relevés de « badgeage » produits par le salarié pour la 1ère fois un mois avant l'audience d'appel ne sont pas de nature à étayer sa demande ;
- La situation de ses anciens collègues, dont la durée de travail était calculée en heures et qui relevaient des accords de modulation, ne pouvant être comparée à la sienne ;
- En outre, les attestations versées aux débats par le salarié sont dépourvues de précision ;
- Ce dont il se déduisait que l'existence d'heures supplémentaires n'est pas établie (NDLR : nous noterons ici que la cour d’appel utilise les termes « d’heures supplémentaires » pour viser des « jours réalisés au-delà du forfait »).
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas le même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
La Cour de cassation indique notamment que :
- En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours ;
- L’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ;
- Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
- Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir.
En d’autres termes, la Cour confirme ici que la preuve est partagée (ou repose sur chaque partie comme l’indique notre publication de ce jour).
Profitons de l’affaire présente pour rappeler que selon une évolution récente de la jurisprudence :
- Le salarié devait « étayer sa demande »
Arrêt Cour de cassation du 25/02/2004, pourvoi n°01-45441
Mais attendu que s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que le conseil de prud'hommes ayant constaté que les éléments produits par les salariés n'étaient pas susceptibles d'étayer leurs demandes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
- Le salarié doit simplement « présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non-rémunérées »
Arrêt Cour de cassation du 18/03/2020, pourvoi n°18-10919
- Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 19-16.067 ECLI:FR:CCASS:2021:SO00670 Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 02 juin 2021 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 06 mars 2019