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- Contrat à temps partiel pour une durée inférieure à 24h/semaine : requalification en temps plein ?
- Le sort d’un contrat à temps partiel ne mentionnant pas les modalités de communication des horaires
- Le contrat de travail à temps partiel est obligatoirement établi par écrit
- Salarié à temps partiel sur l’année : la Cour de cassation admet qu’il atteigne un temps plein ponctuellement
Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé à compter du 1er septembre 2006 par contrats CDD à temps partiel, puis par un contrat CDI à temps partiel du 1er juin 2009, en qualité de rédacteur.
il est licencié par lettre du 1er avril 2016.
Il saisit la juridiction prud'homale, le 9 décembre 2016, de demandes notamment en requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat à temps plein.
En l’espèce, le contrat de travail du salarié indique :
- Que sa durée mensuelle de travail est de 86,67 h ;
- Selon les horaires suivants (qui sont laissés au choix du salarié) : de 8h30 à 12h30 ou de 14h00 à 18h00.
Le salarié indique que son contrat doit être requalifié à temps plein, compte tenu fait que le contrat ne mentionnait pas la répartition de sa durée du travail entre :
- Les jours de la semaine ;
- Ou les semaines du mois.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Lyon, par arrêt du 26 octobre 2018, déboute le salarié de sa demande, relevant le fait que :
- Dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, le salarié ne justifiait pas avoir remis en cause cette organisation de son temps de travail, pas plus que de demandes expresses de la part de son employeur lui imposant à quelque moment que ce soit de déroger à cette liberté d'organiser son temps de travail selon des plages horaires de matin ou d'après-midi, qui tout en délimitant le temps de travail offrent au salarié la possibilité d'adapter son organisation ;
- En outre, le contrat de travail fixait une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 heures correspondant à un temps de travail moyen de 20 heures par semaine, soit pour 4 heures par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, en sorte que le salarié ne pouvait prétendre que son contrat de travail ne fait pas état d'une répartition de son temps de travail ;
- Et puis enfin que la clause du contrat du travail, qui laissait une liberté au salarié de choisir les horaires du matin (8h30 à 12h30) ou les horaires de l’après-midi (14h00 à 18h00) , ce dont il se déduisait que celui-ci ne pouvait faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois.
Arrêt de la Cour de cassation
Mais les arguments de la cour d’appel ne sont pas retenus par la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt du 26 octobre 2018.
Elle met en avant le fait que le contrat de travail ne mentionnait aucune répartition du temps de travail sur la semaine et sur le mois, de sorte que le salarié était en droit d’en demander la requalification en contrat à temps plein.
Elle se réfère notamment au contenu de l’article L 3123-14 (dans sa version en vigueur avant la loi travail) qui rappelle avec clarté que le contrat à temps partiel doit indiquer « la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ».
Article L3123-14
Version en vigueur du 17 juin 2013 au 10 août 2016
Modifié par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 12 (V)
Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
Pour information, ces dispositions se retrouvent désormais au sein de l’article L 3123-6 du code du travail.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
8.Selon ce texte, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
9. Il en résulte que, sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
10. Pour débouter le salarié de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet et de ses demandes pécuniaires en découlant, l'arrêt, après avoir cité les dispositions légales se rapportant à la mise en place du dispositif d'horaires individualisés, constate que le contrat de travail du salarié stipule, s'agissant du temps de travail, que l'intéressé percevra une rémunération mensuelle brute de 780,03 euros pour un horaire mensuel de 86,67 heures. Ses horaires seront les suivants : 8 h 30 à 12 h 30 ou de 14 h à 18 heures. Suivant le choix du salarié. Le présent contrat ne prévoit pas d'heures complémentaires.
11. Il ajoute que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, le salarié ne justifie pas avoir remis en cause cette organisation de son temps de travail, qu'il ne justifie pas non plus de demandes expresses de la part de son employeur lui imposant à quelque moment que ce soit de déroger à cette liberté d'organiser son temps de travail selon des plages horaires de matin ou d'après-midi, qui tout en délimitant le temps de travail offrent au salarié la possibilité d'adapter son organisation. Il relève que le contrat de travail fixe une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 heures correspondant à un temps de travail moyen de 20 heures par semaine, soit pour 4 heures par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, en sorte que le salarié ne peut prétendre que son contrat de travail ne fait pas état d'une répartition de son temps de travail. Il estime que les stipulations mêmes de cette clause laissent nécessairement une très grande liberté au salarié dans l'organisation de son travail, ce dont il déduit que celui-ci ne peut faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
13. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, à intervenir sur le premier moyen, entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en se fondant sur l'absence de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
14. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009 en contrat de travail à temps complet et de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents, le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et en ce qu'il fixe en conséquence la créance de M. [O] au passif de la liquidation amiable de la société 491, représentée par M. [W] en sa qualité de liquidateur amiable, et la condamne à lui payer les sommes de 2 476,17 euros à titre de rappel sur la prime de treizième mois, 247,61 euros au titre des congés payés afférents, 1 498,18 euros au titre des primes d'ancienneté relatives aux années 2013, 2014, et 2015, 149,81 euros au titre des congés payés afférents, et 7 013,13 euros au titre de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 20-10.734 ECLI:FR:CCASS:2021:SO01297 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 17 novembre 2021 Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, du 26 octobre 2018