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Vous en avez l’habitude, la rupture conventionnelle instaurée par la loi du 25 juin 2008, fait régulièrement l’objet de contentieux.
Un arrêt récent de la cour d’appel nous donne un éclairage, à notre sens inédit, sur l’autorisation de l’inspection du travail pour une rupture conventionnelle d’un salarié protégé.
Rappel des conditions applicables
La rupture conventionnelle se déroule dans le respect de 3 étapes.
Étape 1
Un entretien au minimum doit se dérouler entre le salarié et l’employeur.
Durant cet (ou ces) entretien (s), les deux parties s’entendent sur les conditions dans lesquelles se fera la rupture (droit au DIF, préavis ou pas, valeur indemnité de rupture spécifique conventionnelle, etc.).
Étape 2
Les 2 parties établissent une convention qu’ils signent.
Un délai de rétractation de 15 jours calendaires doit être observé.
Étape 3
Après expiration du délai de rétractation précité, la convention est adressée pour homologation aux services de la DIRECCTE pour homologation.
L’administration dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour notifier sa décision.
Lorsque la rupture conventionnelle concerne un salarié protégé, la convention de rupture est adressée (après le même délai de rétractation) à l’inspection du travail afin d’obtenir son autorisation.
L’affaire présente
Conclusion de la rupture conventionnelle
Une salariée est engagée, par contrat CDI, le 5 avril 2001 en qualité de secrétaire.
Elle est par la suite promue au poste d’assistante de direction, en novembre 2005.
Le 5 février 2009, la salariée et son employeur concluent une rupture conventionnelle du contrat.
La rupture prévoit le versement d’une indemnité de 15.000 €.
L’indemnité de rupture est versée après que l’inspection du travail ait autorisé la rupture, la salariée étant membre du CHSCT.
Recours auprès du ministre
Malgré cela, la salariée demande l’annulation de la rupture conventionnelle et exerce un recours hiérarchique auprès du ministre.
Finalement l’autorisation donnée l’inspecteur du travail est annulée, au motif que le mandat de la salariée ne figurait pas sur l’autorisation.
Extrait de l’arrêt :
En dépit de sa signature, Mme X… a poursuivi l’annulation de la rupture conventionnelle en exerçant un recours hiérarchique auprès du ministre, qui a annulé l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail, motif pris de ce qu’il n’avait pas visé le mandat de Mme X… au CHSCT.
Conséquence de l’annulation
La rupture conventionnelle est donc annulée, puisqu’elle a été prononcée en vertu d’une autorisation irrégulière.
La salariée disposait alors d’un choix entre :
- Sa réintégration dans l’entreprise ;
- L’indemnisation de son préjudice.
Proposition de réintégration
L’employeur propose alors à la salariée de reprendre son poste, ce qu’elle refuse tout comme la restitution des 15.000 € d’indemnités versées.
Elle décide alors de saisir la juridiction prud’homale et demande la requalification de la rupture en un licenciement abusif.
Extrait de l’arrêt :
La société Y… alors invité Mme X… à reprendre son poste, mais cette dernière a refusé et a conservé la somme de 15.0006, puis a introduit un contentieux prud’homal, estimant que la rupture du contrat procédait d’un licenciement abusif.
Jugement du Conseil de Prud’hommes
La salariée est déboutée de toutes ses demandes mais décide de faire appel.
Extrait de l’arrêt :
Selon jugement rendu le 18 novembre 2010, le Conseil de Prud’hommes de Nice a rejeté toutes ses demandes.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel confirme le jugement du Conseil de Prud’hommes, estimant que le vice de forme n’émane pas d’une volonté de l’employeur et que la salariée n’avait pas été contrainte à conclure la rupture conventionnelle du contrat de travail.
La salariée est donc déboutée de ses demandes d’indemnité.
Les juges constatant que la salariée :
- N’était plus à la disposition de son employeur depuis le 27/03/2009 ;
- Occupait un nouvel emploi et s’était refusée à reprendre son emploi en conservant l’indemnité convenue ;
- Parachevait ainsi la rupture par une démission claire et non équivoque.
Extrait de l’arrêt :
Mais, quoiqu’elle en dise à présent, Mme X… s’est engagée librement dans l’accord contractuel de rupture. Elle ne communique aucun élément probant dont il résulterait qu’elle a été contrainte de signer le protocole d’accord. Au contraire même, le 30 janvier 2009, le comité d’entreprise, entérinant son accord quant à la signature d’une convention de rupture, a relevé : “Compte tenu de ce contexte économique et de ses objectifs personnels, elle souhaite concrétiser l’accord de rupture qui est envisagé”. Dans le même sens, l’inspecteur du travail dont le rôle a consisté à procéder à une enquête, qui a eu lieu courant mars 2009 et dont l’employeur rappelle qu’il lui revenait, selon la circulaire administrative n°2009-04 du 17 mars 2009, d’apprécier “la liberté du consentement” de la salariée, ainsi que “l’absence de toute pression de la part de l’employeur”, a donné l’ autorisation requise et contrairement à ce que soutient Mme X…, son rapport du 22 juillet 2009 ne conforte pas la thèse qu’elle défend puisqu’il y écrit : “Nous n ’avons pas pu établir que Mme X… a subi des pressions au moment de la signature de la rupture conventionnelle”.
En définitive, le vice de forme affectant la décision de l’inspecteur du travail, à raison duquel le ministre du travail a annulé cette autorisation le 18 septembre 2009, ne constitue pas un manquement de l’employeur et la salariée ne fait la preuve d’aucun manquement qui lui serait imputable.
C’est donc seulement du chef de l’annulation pour vice de forme que la rupture conventionnelle a subi l’aléa qui a conduit l’employeur à proposer à Mme X… de prendre son poste.
Or, alors qu’en exécution de l’accord de rupture, elle ne se tenait plus à la disposition de l’employeur depuis le 27 mars 2009, et qu’elle occupait un nouvel emploi, elle s’est refusée a reprendre son emploi et a conservé l’indemnité convenue, d’un montant de 15.000 €, parachevant ainsi la rupture par sa démission claire et non équivoque, quoiqu’elle en dise.
Dans ces conditions, elle ne peut prétendre aux indemnités qu’elle réclame du fait d une rupture imputable à l’employeur, celui-ci faisant valoir à juste raison qu’il n’a jamais renié la rupture conventionnelle à laquelle a consenti Mme X… sans y être contrainte.
Demande de compensation
Pour terminer, signalons que l’employeur a indemnisé la salariée à hauteur des salaires habituels entre la date de rupture et l’expiration du délai de 2 mois suivant la notification de la décision d’annulation de l’autorisation administrative.
Il demande au juge la compensation entre cette somme et les 15.000 € d’indemnité de rupture conventionnelle qu’elle avait conservés.
Extrait de l’arrêt :
Elle demande a la cour de (…) à la différence entre les revenus que Mme X… aurait perçu si elle avait continué à travailler au sein de la société (…) de prononcer la compensation judiciaire entre cette somme et la restitution de l’indemnité de rupture de 15.000 €
Vice de forme
Comme l’a indiqué la DGT dans une circulaire du 30/07/2012, lorsqu’une protection a été omise, l’autorisation délivrée par l’inspection du travail est entachée d’illégalité.
Extrait de la circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012 :
2) LE CONTENU DE LA DÉCISION
2.1. Les visas
Les visas communément mentionnés en matière de demandes relatives à la rupture ou au transfert du contrat de travail des salariés protégés sont les suivants :
· La demande de l’employeur et le terrain sur lequel elle est présentée ;
· Les textes applicables (articles du Code du travail relatifs à la protection du salarié et aux procédures administrative et interne applicables au cas d’espèce) ;
· Les mandats détenus, brigués ou anciennement exercés par le salarié. Si une protection a été omise des visas ou comporte une erreur, et si elle ne figure ni dans la demande, ni dans le corps de la décision administrative, l’autorisation délivrée est entachée d’illégalité
Les employeurs doivent procéder avec beaucoup de précaution, car le cerfa utilisable pour les ruptures conventionnelles des salariés protégés (Cerfa n° 14599*01) ne prévoit aucune zone permettant d’indiquer le mandat du salarié protégé.
Le mandat doit donc faire l’objet d’une information auprès de l’inspection du travail soit :
- Par courrier séparé relevant la nature de la protection du salarié protégé ;
- En utilisant la zone « autres commentaires » de la convention de rupture.
Références
CA Aix-en-Provence 13 septembre 2012 n° 10/23292
Circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012 relative aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés.