Le fait de travailler durant un arrêt de travail ne permet pas, à lui seul, de licencier

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Le Conseil d’État, dans une décision récente, confirme que le seul fait pour un salarié de travailler durant un arrêt de travail, ne justifie pas son licenciement. Notre actualité vous détaille l’affaire…

Le fait de travailler durant un arrêt de travail ne permet pas, à lui seul, de licencier
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Présentation de l’affaire

Un salarié est recruté en octobre 2002 en qualité de chauffeur-livreur, par ailleurs titulaire d'un mandat de délégué syndical d'établissement au sein de la société entre juin 2015 et avril 2017.

Par une décision du 20 septembre 2017, l'inspecteur du travail autorise l’employeur à licencier le salarié pour faute, un manquement à son obligation de loyauté lui étant reproché pour avoir travaillé, en qualité de coursier, auprès d'un autre employeur durant des périodes de suspension de son contrat de travail, notamment dans le cadre d'un arrêt de travail consécutif à un accident de travail.

Par un jugement du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Melun, à la demande du salarié, annule pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail.

Pour information, la société pour laquelle le salarié avait travaillé durant son arrêt de travail était spécialisée dans le transport médical urgent par route de produits sanguins labiles et de produits d'origine humaine vers des professionnels de santé, ce qui ne constituait pas une activité concurrente à celle que le salarié réalisait.

La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

Décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État confirme le 4 février 2022 la position des juges.

Il était en effet relevé :

  • Qu’il ressortait des pièces du dossier que le salarié avait à plusieurs reprises travaillé en qualité de coursier, durant des périodes de suspension de son contrat de travail ;
  • Auprès d’une société, et sa mission, qui consistait à procéder au transport médical urgent par route de produits sanguins labiles et de produits d'origine humaine vers des professionnels de santé, différait de celle accomplie au profit de la société chez laquelle le salarié était en arrêt de travail ;
  • L’activité de ces deux sociétés ne se recouvrant pas et n'étant pas concurrentes ;
  • Et qu'en outre, il n'était pas établi que salarié avait transmis, comme le lui reprochait son employeur, des informations confidentielles à la société au sein de laquelle il avait travaillé durant son arrêt de travail ;
  • Et que, dès lors qu'il n'était ainsi pas établi que l'activité professionnelle accomplie par le salarié auprès d'un autre employeur avait porté préjudice à la société, et qu’elle n'était pas de nature à caractériser un manquement à son obligation de loyauté.

Extrait de la décision du Conseil d’État :

Considérant ce qui suit :

  1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. (…) a été recruté en octobre 2002 par la société (…) en qualité de chauffeur-livreur et qu'il a été titulaire d'un mandat de délégué syndical d'établissement au sein de cette société entre juin 2015 et avril 2017. Par une décision du 20 septembre 2017, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle du Val-de-Marne a autorisé la société Chronopost à le licencier pour faute, un manquement à son obligation de loyauté lui étant reproché pour avoir travaillé, en qualité de coursier, auprès d'un autre employeur durant des périodes de suspension de son contrat de travail, notamment dans le cadre d'un arrêt de travail consécutif à un accident de travail. Par un jugement du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Melun, à la demande de M. (…) a annulé pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail. La société (…) se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
  2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
  3. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que M. (…) avait à plusieurs reprises travaillé en qualité de coursier, durant des périodes de suspension de son contrat de travail, auprès de la société (…) , que sa mission, qui consistait à procéder au transport médical urgent par route de produits sanguins labiles et de produits d'origine humaine vers des professionnels de santé, différait de celle accomplie au profit de la société (…) , l'activité de ces deux sociétés ne se recouvrant pas et n'étant pas concurrentes et qu'en outre, il n'était pas établi que M. (…) avait transmis, comme le lui reprochait son employeur, des informations confidentielles à la société (…) la cour administrative d'appel de Paris a estimé que, dès lors qu'il n'était ainsi pas établi que l'activité professionnelle accomplie par M. (…) auprès d'un autre employeur avait porté préjudice à la société (…) , elle n'était pas de nature à caractériser un manquement à son obligation de loyauté. En statuant ainsi, alors que la société (…) s'est bornée à soutenir devant les juges du fond, d'une part, qu'elle et la société (…) étaient concurrentes, d'autre part, que M. (…) était susceptible d'avoir transmis des informations confidentielles à la société (…) , enfin, qu'elle avait subi un préjudice en termes d'image et de réputation, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, ni commis d'erreur de droit. Enfin, et en tout état de cause, la requérante ne peut faire valoir utilement que M. (…) aurait également commis une faute en sollicitant, pour un motif mensonger, un congé pour enfant malade, en vue d'accomplir une de ses missions auprès de la société (…) , dès lors qu'elle s'en prévaut pour la première fois en cassation.
  4. Il résulte de ce qui précède que la société (…) n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. (…) qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société (…) une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Références

Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04 février 2022, 438412