Inaptitude du salarié et… rupture du contrat de travail

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Indemnité de licenciement

Inaptitude du salarié et…  rupture du contrat de travail
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Nous avons consacré récemment une actualité consacrée à l’inaptitude du salarié et les obligations de reclassement de l’employeur (que vous pouvez retrouver en cliquant ici).

Suite logique de cet article, nous vous proposons l’éventuelle rupture du contrat de travail qui fait suite à l’inaptitude du salarié. 

Inaptitude et impossibilité de reclassement

Nous abordons au travers de cet article, les conséquences d’une impossibilité de reclassement (ou des refus des offres de reclassement par le salarié) et de la rupture du contrat de travail qui en découle. 

Pas de licenciement au terme d’un délai de mois

Reprendre le paiement du salaire 

Dans ce cas particulier, si aucun licenciement n’a été prononcé dans un délai d’un mois, l’employeur doit alors reprendre le paiement des salariés au bénéfice de son salarié déclaré inapte totalement (pour un accident du travail ou un accident de trajet mais aussi pour toute autre origine). 

Article L1226-4

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

Article L1226-11

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

 

Reprendre le paiement sauf si l’inaptitude n’est pas connue

Lorsque l’inaptitude a été prononcée par la médecine du travail, à l’initiative du salarié mais qu’elle n’a pas été portée à la connaissance de son employeur, l’obligation de paiement à l’expiration du délai d’un mois n’est pas applicable. 

Cour de cassation du 19/05/2004 arrêt 02-46098 D

Le décompte du délai d’un mois

Le délai de 1 mois court à compter de la déclaration d'inaptitude du médecin du travail (en principe après le second examen médical, sauf en cas d’urgence pour lequel un seul examen médical est requis). 

Cour de cassation du 28/01/1998  arrêt 95-44301

Et si l’employeur ne paie pas ?

L’employeur pourra alors être condamné en justice à payer au salarié les sommes dues.

Le salarié pourra aussi prendre acte de la rupture du contrat de travail qui sera requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Cour de cassation du 29/09/2004  arrêt 02-43746

Notification du licenciement

Bien identifier le motif

Il convient d’agir avec prudence et précision.

L’employeur doit en effet indiquer que le licenciement est prononcé :

  • En raison de l’inaptitude du salarié ;
  • Et de l’impossibilité de procéder à son reclassement (ou en raison des refus du salarié).

Extrait de l’arrêt :

Attendu que ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement, l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement

Cour de cassation du 9/04/2008 N° de pourvoi: 07-40356

Le préavis

Inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel

Les conditions ont été modifiées suite à la publication de la loi 2012-387 du 22/03/2012 (Loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, JO 23/03/2012). 

Ainsi, lorsqu’un salarié fait l’objet d’un licenciement pour une inaptitude qui n’a pas d’origine professionnelle, le Code du travail indique que :

  • Le préavis n’est pas exécuté ;
  • Le contrat de travail est donc rompu à la notification du licenciement ;
  • Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité ;
  • Aucune indemnité compensatrice de préavis n’est versée.

Inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel

Dans ce cas précis, le salarié ne doit pas effectuer de préavis. 

Il doit percevoir néanmoins : 

  • Une indemnité d’un montant égal à l’indemnité légale de préavis (article L 1226-14) ;

Article L1226-14

La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.

Article L1226-16

Les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.

Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.

  • Cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis ;

Cour de cassation du 15/06/1999 arrêt 97-15328

  • De ce fait, le salarié n’est pas en droit de demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis prévue par la Convention collective ; 
  • L’indemnité versée n’étant pas une indemnité compensatrice de préavis légale (même si la valeur est identique), la date de rupture du contrat de travail n’est pas repoussée ; 
  • L’indemnité d’une valeur égale à l’indemnité compensatrice de préavis sera calculée sur la base des 3 derniers mois de salaire (article L 1226-16 du Code du travail) ; 
  • Le montant de cette indemnité ne doit pas être pris en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.

L’indemnité de licenciement

Inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel

L’indemnité de licenciement est calculée selon les dispositions légales, rappelons que l’ancienneté prend en compte le préavis non effectué.

(1/5*Salaire de référence*ancienneté) + (2/15*Salaire de référence*(ancienneté supérieure à 10 ans)

Article R1234-2

Modifié par Décret n°2008-715 du 18 juillet 2008 - art. 1

L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel

L’indemnité de licenciement légale est alors le double de l’indemnité précédemment proposée.

(2/5*Salaire de référence*ancienneté) + (4/15*Salaire de référence*(ancienneté supérieure à 10 ans)

Seule l’indemnité légale est « doublée », l’indemnité de licenciement conventionnelle n’a en aucun cas l’obligation d’être doublée.

 Cour de cassation du 22/02/2000, arrêt 98-40.137 et Cour de cassation du 25/03/2009, arrêt 07-41.708

Article L1226-14

La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Nota :

Un arrêt de la Cour de cassation du 25/05/1994 (arrêt 91-40.442) stipule que cette indemnité « spéciale » doit être versée quelle que soit l’ancienneté du salarié.

Notons que cet arrêt est antérieur à la loi 2008 (LMMT, Loi de Modernisation du Marché du Travail) qui fixe la condition d’ancienneté à 1 an et la valeur de l’indemnité spéciale au double de l’indemnité légale.

Et pour le salarié en CDD ?

Depuis la loi du 17/05/2011, les ruptures anticipées des contrats CDD sont désormais possibles en raison de l’inaptitude du salarié. 

Avant la loi :

En cas d’inaptitude constatée d’un salarié en contrat CDD, seule la résolution judiciaire du contrat pouvait être demandée par l’employeur.

Après la loi :

En cas d’inaptitude constatée d’un salarié en contrat CDD, la rupture du contrat peut être désormais prononcée.

Ce nouveau cas de rupture anticipé s’ajoute au cas de force majeure.

La résolution judiciaire du contrat à la demande de l’employeur n’est plus possible.

Si l’inaptitude est d’origine professionnelle, le régime qui s’applique est analogue à celui d’un salarié en contrat CDI. 

L’employeur devra donc : 

  • Rechercher les possibilités de reclassement ;
  • Si la rupture n’est pas prononcée dans le délai d’un mois suivant la reconnaissance d’inaptitude prononcée par le médecin du travail, le salaire doit percevoir à nouveau sa rémunération ;
  • L’employeur doit verser lors de la rupture une indemnité qui ne peut être inférieure au double de l’indemnité de licenciement et qui se cumule avec l’indemnité de précarité (à la différence des autres cas de ruptures anticipées).

Si l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle, le régime qui s’applique alors est :

  • Versement d’une indemnité de rupture qui ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement et qui se cumule avec l’indemnité de précarité;
  • La procédure concernant les propositions de reclassement ne s’appliquent pas selon les termes du Code du travail MAIS une réponse ministérielle du 1/11/2011 indique que le reclassement doit être respecté même si l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle. 

Réponse ministérielle du 1/11/2011

Désormais, les procédures de rupture du CDD sont en cohérence que l'inaptitude soit ou non d'origine professionnelle. Par ailleurs, l'obligation de reclassement incombant à l'employeur pour tout salarié déclaré inapte reste inchangée. Depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 2005, il ne fait aucun doute qu'en matière de reclassement, l'obligation du contrat à durée indéterminée doit s'appliquer au CDD.

Article L1243-1

Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 49

Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

Références 

LOI no 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, JO 23 mars 2012

LOI n°2011-525 du 17 mai 2011

Question N° : 110628 

Question publiée au JO le : 07/06/2011 page : 6001

Réponse publiée au JO le : 01/11/2011 page : 11670