Cet article a été publié il y a 2 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé en 1994.
Le salarié est par la suite élu membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société le 18 septembre 2014, pour une durée de 2 ans.
Le 26 avril 2016, le salarié saisit la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, en invoquant des modifications de son contrat de travail, un harcèlement moral et une discrimination syndicale.
Finalement le salarié est licencié pour inaptitude le 14 février 2018.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 17 janvier 2020, donne raison au salarié et prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, au jour du licenciement du salarié pour inaptitude, soit le 14 février 2018.
Cette résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel décide d’accorder au salarié des indemnités prud’homales d’un montant équivalent à 19 mois de salaire net (105.000 €), le salarié justifiant d’une ancienneté de 22 ans.
En d’autres termes, les indemnités prud’homales ici accordées ne sont pas conformes au barème des indemnités prud’homales fixées par l’article L 1235-3.
En effet, en cas d’ancienneté égale à 22 ans, le barème indique alors :
- Une valeur minimale de 3 mois ;
- Une valeur maximale de 16,5 mois.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis de la cour d'appel, elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d’Aix-en-Provence, autrement composée.
Elle rappelle dans son arrêt que :
- Lorsque le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié aux torts de l'employeur ;
- Et que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Les dispositions issues de l'ordonnance du 22 septembre 2017 (NDLR : barème Macron) relatives au montant de l'indemnité due à ce titre sont applicables ;
- Dès lors que la résiliation judiciaire prend effet à une date postérieure à celle de la publication de l'ordonnance, soit le 24 septembre 2017 (Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, JO du 23).
Présentement, la résiliation judiciaire prenant effet le 14 février 2018, le montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse devait respecter les limites fixées par l’article L 1235-3 du code du travail.
Article L1235-3
Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11
Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.
Ancienneté du salarié dans l'entreprise(en années complètes)
Indemnité minimale(en mois de salaire brut)
Indemnité maximale(en mois de salaire brut)
0
Sans objet
1
1
1
2
2
3
3,5
3
3
4
4
3
5
5
3
6
6
3
7
7
3
8
8
3
8
9
3
9
10
3
10
11
3
10,5
12
3
11
13
3
11,5
14
3
12
15
3
13
16
3
13,5
17
3
14
18
3
14,5
19
3
15
20
3
15,5
21
3
16
22
3
16,5
23
3
17
24
3
17,5
25
3
18
26
3
18,5
27
3
19
28
3
19,5
29
3
20
30 et au-delà
3
20En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés à l'alinéa précédent :
Ancienneté du salarié dans l'entreprise(en années complètes)
Indemnité minimale(en mois de salaire brut)
0
Sans objet
1
0,5
2
0,5
3
1
4
1
5
1,5
6
1,5
7
2
8
2
9
2,5
10
2,5Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.
NOTA :
Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1235-3 et L. 1235-3-2 du code du travail, et l'article 40-1 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
- Selon le premier des textes susvisés, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, à défaut de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau annexé à cet article.
- Il résulte du second de ces textes que lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l'employeur ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l'article L. 1451-1, le montant de l'indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l'article L. 1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d'un licenciement nul.
- Aux termes de l'article 40-1 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 les dispositions ci-dessus sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de l'ordonnance.
- Il s'en déduit que lorsque le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié aux torts de l'employeur et que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dispositions issues de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relatives au montant de l'indemnité due à ce titre sont applicables dès lors que la résiliation judiciaire prend effet à une date postérieure à celle de la publication de l'ordonnance.
- En l'espèce la cour d'appel, après avoir fixé le salaire moyen du salarié à la somme de 5 535,51 euros bruts, lui a alloué une somme de 105 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de déterminer le montant de l'indemnité par application des règles fixées à l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à verser à M. (…) une indemnité au titre des salaires de la période de protection d'un montant de 59 414,47 euros, une indemnité de congés payés afférents à cette période de 5 941,40 euros, une indemnité au titre de la perte de participation patronale sur la mutuelle complémentaire de 841,70 euros nets, une indemnité au titre de la perte de panier de 343,46 euros, une indemnité au titre de la perte de pension retraite ETAM de 1 726,99 euros nets, une indemnité au titre de la perte de pension de retraite complémentaire de 7 591,26 euros nets et une somme de 105 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 17 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 20-16.184 ECLI:FR:CCASS:2022:SO00233 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 16 février 2022 Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 17 janvier 2020