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- La Cour de cassation admet la régularisation d’une rupture conventionnelle irrecevable
- Salarié inapte : impossible de prononcer un licenciement pour un autre motif
- Fin de l’arrêt de travail : le salarié n’est pas obligé de reprendre le travail avant la visite médicale de reprise
- Quand un salarié fait valoir ses droits à retraite durant une procédure disciplinaire
Résiliation judiciaire : quelques rappels
La demande de résiliation judiciaire du contrat par le salarié, consiste à demander au conseil de prud’hommes de prononcer la rupture du contrat de travail.
Cela implique que le contrat de travail continue de produire ses effets tant que le juge ne s’est pas prononcé.
Le salarié poursuit son activité et l’employeur verse toujours la rémunération à son salarié.
Seul le salarié est habilité à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
Griefs fondés
Si les griefs invoqués par le salarié sont fondés, la résiliation judiciaire produira alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul selon la nature des griefs invoqués).
Dans le cas contraire, les juges rejetteront alors la demande du salarié.
Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé en qualité d'agent d'entretien le 2 septembre 1998, et exerce en dernier lieu les fonctions de conducteur de travaux.
il saisit la juridiction prud'homale le 13 avril 2016 d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, au motif notamment du non-paiement d'heures supplémentaires.
Il est finalement licencié pour faute grave le 18 octobre 2016.
L’employeur procède à la régularisation des heures supplémentaires non réglées après le licenciement du salarié.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 29 janvier 2020, décide de rejeter la demande de résiliation formée par le salarié, retenant que :
- Le manquement de l’employeur, à savoir le défaut de paiement d'heures supplémentaires ne pouvait plus être invoqué ;
- Compte tenu du fait que l’employeur avait régularisé les heures supplémentaires dues avant même que le conseil de prud’hommes ne statue.
Au passage, les juges de la cour d’appel valident le licenciement pour faute grave du salarié.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d'appel, elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d’appel d’Angers.
Rappel de procédures
Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle que :
- Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ;
- Et qu'il est licencié ultérieurement ;
- Le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée.
Prise en compte des régularisations
Là où le présent arrêt de la Cour de cassation prend toute sa valeur, c’est le fait que les juges confirment que :
- Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;
- Le juge peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.
En d’autres termes, les régularisations réalisées par l’employeur devaient être considérées « sans effet », ces dernières étant intervenues après le licenciement.
De sorte que le salarié ne pouvait être débouté de sa demande de résiliation judiciaire.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 du code du travail, et 1184 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
6. Il résulte de ces textes que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.
7. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes de paiement de diverses sommes au titre de la rupture, l'arrêt retient que le manquement tenant au défaut de paiement d'heures supplémentaires doit être écarté, compte tenu notamment de la démarche de régularisation effectuée par l'employeur avant même que le conseil ne statue, de sorte qu'un éventuel contentieux résiduel sur ce point n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait régularisé le paiement des heures supplémentaires postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'atteint pas le chef de dispositif visé par ce même moyen déboutant le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande en paiement d'un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et de sa demande au titre de l'indemnité de travail dissimulé, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 20-14.099 ECLI:FR:CCASS:2022:SO00242 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 02 mars 2022 Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 29 janvier 2020