Savez-vous gérer la fin de contrat CDD d’un salarié… protégé ?

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Savez-vous gérer la fin de contrat CDD d’un salarié… protégé ?
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Un récent arrêt de la Cour de cassation apporte un éclairage important au sujet de la fin de contrat CDD concernant un salarié protégé.

Cet arrêt nous a semblé suffisamment important pour y consacrer l’actualité présente. 

Présentation de l’affaire

Un salarié est recruté sous contrat à durée déterminée pour la période du 11 septembre au 29 décembre 2006.

Par la suite, son contrat est renouvelé pour la période allant du 30 décembre 2006 au 30 juin 2007.

Le salarié est élu le 19 décembre 2006 représentant du personnel au sein du CHSCT. 

Les relations contractuelles cessent au 30 juin 2007.

Le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes tendant à ce qu'il soit jugé que son employeur avait méconnu le statut protecteur dont il bénéficiait et au versement de diverses indemnités. 

En l’occurrence le salarié protégé reproche à son employeur de ne pas avoir saisi l’inspection du travail avant que le contrat CDD n’expire.

De son côté, l’employeur considère que cela était inutile, compte tenu du fait que le contrat CDD avait été renouvelé déjà une fois, et qu’un nouveau renouvellement était légalement impossible. 

L’arrêt de la Cour de cassation

Dans son arrêt du 23 octobre 2012, les juges de la Haute juridiction donnent raison au salarié. 

Le droit commun indique que le contrat CDD ne peut être renouvelé qu’une seule fois, mais le statut protecteur prime sur ces conditions. 

C’est ainsi qu’ils considèrent que l’employeur doit, avant la fin du contrat CDD, obtenir l’autorisation de l’inspection du travail pour mettre fin à la relation contractuelle qui le lie à un salarié protégé, y compris lorsque le contrat ne peut pas être renouvelé.

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 436-2 du code du travail ont, peu important qu'elles aient été insérées dans une section intitulée "Procédure applicable au salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée", été reprises à l'article L. 2421-8 et imposent que, lorsque le contrat à durée déterminée arrive à son terme, l'inspecteur du travail autorise préalablement la cessation du lien contractuel, y compris dans le cas où le contrat ne peut être renouvelé ;

Les conséquences

Lorsqu’un contrat CDD concerne un salarié protégé, l’employeur doit obligatoirement obtenir l’autorisation de l’inspection du travail pour mettre fin au contrat. 

Cette demande doit être formulée 1 mois avant l’arrivée du terme, et l’inspection du travail statue avant la date du terme du contrat. 

Article L2421-8

L'arrivée du terme du contrat de travail à durée déterminée n'entraîne sa rupture qu'après constatation par l'inspecteur du travail, saisi en application de l'article L. 2412-1, que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire.

L'employeur saisit l'inspecteur du travail un mois avant l'arrivée du terme.

L'inspecteur du travail statue avant la date du terme du contrat.

Pour avoir « négligé » cette obligation, au motif que le renouvellement était de toute façon impossible, l’employeur a été condamné dans cette affaire à payer :

  • Une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, correspondant aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre le 1er juillet 2007 (lendemain du terme du contrat CDD) et la fin de la période de protection ;

Nota : dans l’affaire présente, cela représente l’équivalent de 2 ans de salaire (52.800 €). Le salarié avait été élu membre du CHSCT le 19 décembre 2006, sa période de protection prenait donc fin le 19 juin 2009 (2 ans + 6 mois au titre d’ancien élu). 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant constaté que l'inspecteur du travail n'avait pas été saisi préalablement à l'arrivée du terme du contrat conclu par la société avec M. X..., la cour en a exactement déduit que la rupture des relations contractuelles, intervenue en méconnaissance de l'article L. 436-2, était nulle et, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, que l'intéressé pouvait de ce fait prétendre à une indemnité au titre de la violation du statut protecteur dont le montant est égal aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre le 1er juillet 2007 et la fin de la période de protection ;

  • Une indemnité au titre de défaut de saisine de l’inspection du travail (3.500 € en l’occurrence).

Extrait de l’arrêt :

 (…) condamné la société Y… à payer à Monsieur X..., avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt rendu, 52.800 € à titre d'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur et 3.500 € à titre de dommages et intérêts,

Nous noterons que la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, estimant que l’indemnité au titre de  la violation du statut protecteur ne devait pas être diminuée des rémunérations perçues par le salarié au titre de la période 1er juillet 2007-19 juin 2009 (le salarié avait un nouvel emploi en novembre 2007).

Extrait de l’arrêt :

qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que M. X... avait déjà retrouvé un emploi à la date du 27 novembre 2007 ; qu'en s'abstenant pourtant de déduire de l'indemnité versée à M. X..., correspondant au paiement de ses salaires entre le 1er juillet 2007 et le mois de juin 2009, les sommes que M. X... avait perçues en rémunération de son nouvel emploi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, au regard de l'article L. 2421-8 du code du travail ;

Mais attendu que la cour a constaté l'existence de préjudices subis par le salarié indépendamment de l'absence de saisine de l'inspecteur du travail dont elle a souverainement apprécié le montant ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Références

Cour de cassation du 23/10/2012 arrêt 11-19210