Prévoyance complémentaire : la Cour de cassation rappelle le régime des contributions patronales

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Par arrêt du jeudi 12 mai 2022, la Cour de cassation rappelle aux entreprises le régime social applicable aux contributions patronales au titre d’un régime de prévoyance complémentaire : une information incontournable pour les gestionnaires de paie.

Prévoyance complémentaire : la Cour de cassation rappelle le régime des contributions patronales
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Présentation de l’affaire

L’affaire présente concerne une société, qui à la suite d’un contrôle des services de l’URSSAF portant sur les années 2011 à 2013, se voit notifiée un redressement au titre de la réintégration, dans l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et du forfait social, des sommes versées au titre du régime de prévoyance complémentaire pour le financement du maintien des salaires.
La société saisit d'un recours une juridiction de sécurité sociale. 

Arrêt de la cour d’appel

Par arrêt du 8 janvier 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, donne raison à l’entreprise et demande l’annulation du redressement URSSAF aux motifs que :

  1. Seules les contributions patronales versées en vue d'assumer l'obligation de maintenir le salaire en cas d'arrêt de travail sur une durée déterminée, lorsque cette obligation résulte de la loi de mensualisation ou d'une disposition d'un accord collectif ayant le même objet, sont exonérées de la CSG-CRDS (NDLR : et de forfait social) ;
  2. Qu’en revanche, ne constituant pas une obligation personnelle de l'employeur, les contributions patronales finançant des allocations complémentaires aux indemnités journalières, hors le cadre du maintien de salaire, mais en vertu d'un régime de prévoyance institué par accord collectif, entrent dans le champ d'application desdites contributions

Dans l’affaire présente, la cour d’appel relevait que l’entreprise était dotée d’un contrat de prévoyance couvrant l’obligation de maintien prévu par l’article 84 de la convention collective. 

Cette disposition conventionnelle permettait de couvrir :

  • Une garantie de ressources en cas d'incapacité temporaire de travail et invalidité permanente-décès, applicable à tous les salariés non-cadres et cadres, sans condition d'ancienneté ;
  • Chaque arrêt de travail pour maladie devant être indemnisé à l'issue d'un délai de carence de 3 jours pour les salariés non-cadres, sans délai de carence pour les cadres ;
  • Pendant 90 jours consécutifs ou non par année civile dans la limite de 100 % de la rémunération nette qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé pendant la période d'incapacité de travail ;
  • Et, au-delà de 90 jours, à hauteur de 80 % de la rémunération brute pendant toute la durée de l'indemnisation par la sécurité sociale. 

Compte-tenu du contexte en vigueur dans l’entreprise, la cour d’appel en concluait que :

  1. Les contributions patronales ne pouvaient être considérées comme finançant un régime de prévoyance complémentaire, mais plutôt un régime de « réassurance » ;
  2. Conduisant à une exonération de la part patronale aux contributions CSG et CRDS, ainsi qu’au forfait social. 

Arrêt de la Cour de cassation

Mais la Cour de cassation n’approuve pas l’arrêt de la cour d’appel, qu’elle casse et annule, renvoyant les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. 

Elle relève en effet que l’entreprise était dotée d’un régime de prévoyance qui couvrait :

  1. D’une part son obligation conventionnelle ;
  2. Mais également d’une couverture allant au-delà de cette obligation conventionnelle.

L’employeur devait alors distinguer les 2 catégories de contributions patronales :

  1. La 1ère catégorie correspondant à l’obligation conventionnelle bénéficiant d’une exonération de contributions CSG et CRDS ;
  2. Et la 2ème catégorie, couvrant au-delà de l’obligation conventionnelle, qui au titre d’un véritable régime complémentaire, devait être ajoutée à la base de calcul des contributions CSG et CRDS (NDLR : sans abattement) et du forfait social.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 136-2, II, 4°, et L. 242-1 du code de la sécurité sociale, 14.1 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, dans leur rédaction applicable au litige, et les articles 84 et 85.1 de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 :
6. Selon les premier et troisième de ces textes, sont incluses dans l'assiette de la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, à l'exception de celles visées au cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de celles destinées au financement des régimes de retraite visés au I de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.
7. Pour décider que les sommes versées par l'employeur, au titre de la contribution patronale de prévoyance complémentaire, n'étaient pas assujetties à la CSG et à la CRDS, l'arrêt relève que la clinique entrait dans le champ d'application de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, qui prévoit, notamment en son article 84, une garantie de ressources en cas d'incapacité temporaire de travail et invalidité permanente-décès, applicable à tous les salariés non-cadres et cadres, sans condition d'ancienneté, chaque arrêt de travail pour maladie devant être indemnisé à l'issue d'un délai de carence de 3 jours pour les salariés non-cadres, sans délai de carence pour les cadres, pendant 90 jours consécutifs ou non par année civile dans la limite de 100 % de la rémunération nette qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé pendant la période d'incapacité de travail et, au-delà de 90 jours, à hauteur de 80 % de la rémunération brute pendant toute la durée de l'indemnisation par la sécurité sociale.
8. L'arrêt ajoute que la clinique a conclu deux contrats (cadres / non-cadres) pour garantir les ressources de ses salariés en application de l'article 84 précité, prévoyant que ses salariés percevront 100 % de la rémunération nette qu'ils auraient perçue s'ils avaient travaillé pendant la période d'incapacité de travail et pendant toute la durée de l'indemnisation de la sécurité sociale, sous réserve d'une franchise de 90 jours pour les cadres et que les pièces du dossier permettent de constater que les prestations garanties par ces contrats conclus avec l'institution de prévoyance ne vont pas au-delà du minimum fixé par le code du travail ou par la convention collective nationale et que les seules limites à la garantie de maintien de salaire sont la durée d'indemnisation par la sécurité sociale et le montant des ressources, qui doit correspondre à la rémunération nette qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé.

9. L'arrêt en déduit que les primes versées par l'employeur ne peuvent pas être considérées comme finançant une opération de prévoyance complémentaire.
10. En statuant ainsi, sans distinguer les contributions de l'employeur finançant l'indemnisation des arrêts de travail de ses salariés résultant de son obligation personnelle légale de maintien du salaire prévue par les articles L. 1226-1 et D. 1226-1 du code du travail, exonérées de CSG et de CRDS, et celles finançant les prestations complémentaires de prévoyance, soumises à la CSG et à la CRDS, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
12. L'arrêt énonce que l'annulation décidée du premier chef du redressement relatif aux contributions versées par l'employeur en vue d'assumer l'obligation de maintenir les salaires en cas d'arrêt de travail pour maladie ou accident, telle qu'elle résultait de la convention collective entraîne l'annulation du deuxième chef du redressement concernant le forfait social prévoyance.
13. La cassation du chef du dispositif attaqué par le premier moyen entraîne
la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif attaqué par le deuxième qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le point n° 4 de la lettre d'observations et le redressement s'y rapportant, l'arrêt rendu le 8 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Régime des contributions patronales de prévoyance

Le présent arrêt nous permet de rappeler le traitement en paie des contributions patronales au titre d’un régime de prévoyance.

Régime 1 : la « réassurance »

Ce régime concerne les contributions patronales visant à répondre à une obligation légale ou conventionnelle de maintenir la rémunération du salarié en cas d’arrêt maladie.

En l’espèce ces contributions patronales ne viseront qu’à couvrir le « poids financier » qui repose sur l’employeur. 

Il convient alors d’avoir à l’esprit que le traitement suivant doit être suivi, nous vous le présentons dans un format synthétique pour une meilleure compréhension. 

Thématiques

Explications

Répondre à une obligation légale ou conventionnelle (ou en application d’un accord collectif)

  • Faire appel organisme extérieur p/couvrir une obligation prévue par la loi, une convention collective ou un accord collectif.

Certaines conventions collectives peuvent parfois contraindre l’entreprise à opter pour ce régime de « réassurance ».

Il s’agit ici de contributions patronales visant à effectuer un maintien de la rémunération en cas d’arrêt de travail.

Qualification régime

  • Ce régime de réassurance n’est alors pas assimilé à un régime de « prévoyance complémentaire »

Financement

  • Exclusivement par l’employeur (le salarié n’a pas à financer une obligation qui repose sur son employeur).

CSG/CRDS et forfait social

  • Exonération des contributions patronales

Traitement des cotisations excédentaires de prévoyance

  • Les contributions patronales ne doivent pas être retenues afin de déterminer les éventuelles contributions patronales excédentaires.

Régime 2 : la prévoyance complémentaire

Ce régime concerne les contributions patronales visant à aller au-delà de l’obligation légale ou conventionnelle de maintenir la rémunération du salarié en cas d’arrêt maladie.

Il s’agit bien d’un régime complémentaire, répondant alors au traitement suivant en paie.

Thématiques

Explications

Répondre à une obligation légale ou conventionnelle (ou en application d’un accord collectif)

  • Financer une couverture de l’obligation prévue par la loi, une convention collective ou un accord collectif.

Qualification régime

  • Ce régime de réassurance n’est alors pas assimilé à un régime de « prévoyance complémentaire »

Financement

  • Soit exclusivement par l’employeur ;
  • Soit selon un financement conjoint avec les salariés.

CSG/CRDS et forfait social

  • La part patronale s’ajoute à la base de calcul des contributions CSG et CRDS, les contributions patronales ne bénéficient pas d’abattement prévu pour les sommes ayant qualité de revenus ;
  • La part patronale est soumise au forfait social pour les entreprises concernées par cette contribution selon leur effectif

Traitement des cotisations excédentaires de prévoyance

  • Les contributions patronales sont retenues afin de déterminer les éventuelles contributions patronales excédentaires.

Références

Cour de cassation - Chambre civile 2 N° de pourvoi : 20-14.607 ECLI:FR:CCASS:2022:C200468 Publié au bulletin

Solution : Cassation partielle Audience publique du jeudi 12 mai 2022 Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 08 janvier 2020