Cet article a été publié il y a 2 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
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Quelques rappels
Une fois n’est pas coutume, nous débutons notre publication en rappelant les dispositions légales prévues en cas de licenciement nul d’un salarié protégé.
2 situations sont en effet envisageables comme suit :
- Le salarié est réintégré dans l’entreprise ;
- Le salarié ne demande pas sa réintégration.
Le salarié est réintégré dans l’entreprise
En application de l’article L 2422-4 du code du travail, lorsque la nullité du licenciement d’un salarié protégé est prononcée, le salarié qui demande sa réintégration :
- Bénéficie du paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ;
- Cette indemnité constitue un complément de salaire, elle ouvre droit au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés ;
- La totalité de la somme étant alors soumise aux contributions et cotisations sociales, ainsi qu’à l’impôt sur le revenu, selon les conditions applicables aux sommes ayant qualité de revenus.
Le salarié n’est pas réintégré dans l’entreprise
En application du même article L 2422-4 du code du travail, lorsque la nullité du licenciement d’un salarié protégé est prononcée, le salarié qui ne demande pas sa réintégration :
- Bénéficie du paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de 2 mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.
- Cette indemnité constitue un complément de salaire, elle ouvre droit au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés ;
- La totalité de la somme étant alors soumise aux contributions et cotisations sociales, ainsi qu’à l’impôt sur le revenu, selon les conditions applicables aux sommes ayant qualité de revenus.
Article L2422-4
Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.
Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.
Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé à compter du 1er octobre 2001, en qualité de conducteur routier, occupant en dernier lieu un poste de magasinier cariste, titulaire de différents mandats.
Il est licencié le 19 novembre 2013.
A l'issue des recours devant les juridictions administratives, il a été réintégré le 1er février 2016 au poste de cariste.
Mais, le 6 février 2017, il saisit la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir diverses sommes concernant la période entre son licenciement et sa réintégration, notamment une somme à titre de dommages-intérêts pour majoration d'impôt sur le revenu.
Il indique en effet que :
- Par l’effet du versement de plusieurs salaires, correspondant à plusieurs années, en une seul fois ;
- Une majoration de son impôt sur le revenu s’était déclenchée ;
- Et il estimait que son employeur en était responsable, et qu’il devait obtenir à ce titre le paiement de dommages-intérêts pour majoration d’impôt sur le revenu.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d'appel de Nancy, par arrêt du 12 novembre 2020, donne raison au salarié.
Elle met en avant le fait que :
- Le salarié justifiait, par la production de ses avis d'imposition 2015, 2016 et 2017 et de simulations pour ces mêmes années ;
- Qu’il avait subi un surcoût d'impôt de 2.136 €, lequel se trouve être la conséquence du versement par l'employeur de l'indemnisation, ayant pesé sur une seule et même année d'imposition (2017, pour les revenus 2016) ;
- Alors que cette somme, s'il n'y avait pas eu éviction, aurait été étalée sur les années concernées, n'entraînant pas de surcoût d'impôt ;
- De sorte que, cette charge étant directement en lien avec le versement de l'indemnisation de l'éviction fautive, l'employeur devait être condamné à verser ce montant au salarié en réparation du préjudice causé.
Arrêt de la Cour de cassation
Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis de la cour d’appel.
Elle casse et annule l’arrêt et décide de renvoyer les 2 parties devant la cour d'appel de Nancy.
La Cour de cassation considère que :
- Les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime.
En d’autres termes :
- Le préjudice indemnisable ne doit pas s’étendre aux conséquences fiscales de la réparation versée au salarié.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2422-4 du code du travail, l'article 1241 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale du préjudice :
5. Il résulte du premier de ces textes que lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié, titulaire d'un mandat, a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice, tant matériel que moral, subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
6. Il résulte du second de ces textes et du principe susvisé que la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit.
7. Pour faire droit à la demande de dommages-intérêts pour majoration d'impôt sur le revenu présentée par le salarié, réintégré après annulation définitive de l'autorisation de licenciement, l'arrêt retient que le salarié justifie, par la production de ses avis d'imposition 2015, 2016 et 2017 et de simulations pour ces mêmes années, qu'il a subi un surcoût d'impôt de 2 136 euros, lequel se trouve être la conséquence du versement par l'employeur de l'indemnisation, ayant pesé sur une seule et même année d'imposition (2017, pour les revenus 2016), alors que cette somme, s'il n'y avait pas eu éviction, aurait été étalée sur les années concernées, n'entraînant pas de surcoût d'impôt, de sorte que, cette charge étant directement en lien avec le versement de l'indemnisation de l'éviction fautive, l'employeur sera condamné à verser ce montant au salarié en réparation du préjudice causé.
8. En statuant ainsi, alors que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Le salarié doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de la majoration d'impôt sur le revenu.
12. La cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer au salarié une somme à ce titre n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
13. Il convient de condamner la société qui succombe pour l'essentiel aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à payer à M. (…) la somme de 2 136 euros à titre de dommages-intérêts pour majoration de l'impôt sur le revenu, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 20-22.918 ECLI:FR:CCASS:2022:SO00457 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle sans renvoi Audience publique du mercredi 06 avril 2022 Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, du 12 novembre 2020