Comment gérer un rappel de salaires en paie ?

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Comment gérer un rappel de salaires en paie ?
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Votre employeur vient d’être condamné à verser des rappels de salaires, suite à une décision de justice ou injonction de l’Inspection du Travail.

On vous demande donc d’établir le bulletin de paie correspondant et vous vous posez des questions sur le régime applicable aux différentes cotisations.

Le présent article va tenter de répondre à vos différentes interrogations bien légitimes. 

Cotisations URSSAF

Le régime applicable aux cotisations URSSAF est à la fois assez compliqué et difficile à gérer. 

Selon la lettre Ministérielle du 29/03/1961, les cotisations doivent être appelées aux conditions en vigueur au moment où les sommes étaient dues. 

Lettre Ministérielle du 29 mars 1961.


En application de l’article L.242-1 du Code de la Sécurité sociale, les sommes représentatives de salaires que l’employeur est condamné à verser par décision de justice ou par injonction de l’Inspection du Travail, doivent être soumises à cotisations.
Le caractère réparateur d’une telle décision impose que les rappels de salaires en question soient rapportés sur les périodes de travail auxquelles ils s’appliquent de façon que le travailleur soit rétabli, vis-à-vis de la Sécurité sociale, dans la situation qui aurait été normalement la sienne si son employeur avait régulièrement observé à son égard la réglementation relative aux salaires.
Les cotisations, dues au titre de rappels de salaire versés consécutivement à une décision de justice ou injonction de l’Inspection du Travail, sont donc calculées sur la base du plafond et des taux applicables pendant la période à laquelle ils se rapportent, quelle que soit leur date de versement à l’Urssaf

L’URSSAF de son côté, considère que les taux applicables au calcul des cotisations est en principe, celui en vigueur lors du versement du revenu.

Cette règle résulte de l’application de l’article R 243-6 du Code de la Sécurité sociale.

La position selon laquelle les cotisations doivent être appelées selon les dispositions en vigueur à la période concernée par les rappels de salaires, constitue selon l’ACOSS dans sa circulaire du 23/05/2012 « une mesure de tolérance ».

Extrait de la LETTRE CIRCULAIRE n° 20120000062 du 23/05/2012

Le taux applicable au calcul des cotisations est, en principe, celui en vigueur lors du versement du revenu.

Cette règle qui résulte de l'article R. 243-6 du code de la Sécurité sociale a été, à plusieurs reprises, affirmée par la Cour de cassation (cf. arrêts du 11/10/1990, URSSAF de Roanne c/ SARL Da Silva et du 25/11/1992, Combalot c/ Skis Rossignol et du 18/02/1999, URSSAF de Lille c/ Société Héliogravure).

Toutefois, depuis 1961, il est admis que les rappels de salaires versés à la suite d'une décision de justice doivent supporter les cotisations calculées selon les taux en vigueur lors de la période à laquelle se rapportent lesdites rémunérations.

Cette position constitue une mesure de tolérance prise par l'autorité ministérielle afin de rétablir le salarié dans la situation qui aurait été la sienne, visàvis de la Sécurité sociale si son employeur avait régulièrement observé la réglementation relative aux salaires.

La Cour de cassation quant à elle applique, même dans cette situation, le principe général (cf. arrêt du 28/02/1991).

Concrètement, si le rappel de salaires concerne par exemple l’année 2008, le gestionnaire de paie appliquerait alors :

  • Le PMSS en vigueur en 2008 ;
  • Les taux de cotisations URSSAF en vigueur en 2008.
 

Cotisations chômage URSSAF

La situation est un peu plus complexe, car depuis le 1er janvier 2011 (et pour la grande majorité des salariés) le recouvrement des cotisations chômage et AGS est réalisé par les services de l’URSSAF. 

En cas de rappel judiciaire et en supposant que la période concernée soit antérieure au 1er janvier 2011, les cotisations doivent logiquement être versées à Pôle emploi, chargé à l’époque du recouvrement des cotisations. 

La circulaire 2012-62 du 23/05/2012 de l’ACOSS aborde cette situation particulière en indiquant aux employeurs que la marche à suivre sera la suivante : 

Si l’employeur verse les cotisations chômage et AGS à l’URSSAF :

  • Les services de l’URSSAF doivent rembourser le cotisant ;
  • L’URSSAF transmet un courrier à Pôle emploi, indiquant les éléments nécessaires au recouvrement ;
  • L’URSSAF adresse également une lettre au cotisant afin de lui expliquer la démarche à suivre et l’invite à régler les cotisations auprès de Pôle emploi.

Si l’employeur verse les cotisations chômage et AGS à Pôle emploi :

Aucune régularisation n’est alors nécessaire, se posera toutefois le problème du bordereau de déclaration inexistant par définition en 2012 !

Extrait de la LETTRE CIRCULAIRE n° 20120000062 du 23/05/2012 

1.2 Décisions relatives aux contributions d’assurance chômage et cotisations AGS

Les travaux préliminaires au transfert du recouvrement ont acté le maintien de l’antériorité, des créances nées avant le transfert, chez Pôle emploi.

1.3 Situation constatée

Les contributions Assurance Chômage (AC) et cotisations de Garantie des Salaires (AGS) relatives à une période d’emploi antérieure au transfert doivent être recouvrées par les Directions Régionales de Pôle emploi selon le taux en vigueur au moment du versement des salaires sur lequel le jugement prud’homal est prononcé quelle que soit la date du jugement.

Or, les employeurs ont désormais comme principal interlocuteur les URSSAF et la majorité des employeurs dans ce cas de figure verse les montants dus aux URSSAF.

2. Procédure de mise en oeuvre

Afin de garantir le recouvrement des créances nées à la suite d’un jugement prud’homal, les organismes pour lesquels un cotisant réalise un versement suite à un jugement prud’homal au titre des contributions d’Assurance chômage et des cotisations AGS pour une période d’emploi du salarié antérieure au transfert, il convient de rembourser le cotisant et de communiquer à la Direction Régionale de Pôle Emploi, en précisant le montant total à recouvrer, l’assiette et le(s) risque(s) sur le(s)quel(s) s’applique(nt) la décision prud’homale en vue de l’adressage d’un avis de versement.

Un courrier à l’attention du cotisant pour lui expliquer la démarche et l’inviter à régler les sommes auprès de Pôle emploi doit être adressé concomitamment.

Ces informations doivent être, par ailleurs, tracées dans le dossier cotisant afin de justifier les mouvements comptables et la mise en oeuvre du recouvrement par Pôle emploi.

Cotisations CSG et CRDS

Comme cela est habituellement le cas, il est toujours nécessaire de vérifier les nombreuses spécificités qui entourent ces cotisations.

Taux applicables

Sans précision écrite, les taux applicables semblent être ceux en vigueur au moment du versement.

Abattement applicable ?

Une lettre circulaire de l’ACOSS du 19/03/2012 apporte des précisions, nous avons consacré un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en détails en cliquant ici.  

L’abattement dont peuvent bénéficier les entreprises est limité à un certain seuil, fixé actuellement à 4 fois le PASS (pour un salarié présent toute l’année). 

Pour apprécier si le plafond est atteint ou pas, les éléments de salaire sont rattachés à la dernière paie. 

Extrait de la circulaire ACOSS 2012-32 du 19/03/2012

Les éléments de salaire versés postérieurement à la rupture du contrat de travail sont rattachés à la dernière paie pour la détermination du plafond.

Taux abattement

La même lettre circulaire précise que le taux d’abattement applicable est celui qui correspond à la date de paiement des sommes concernées.

Extrait de la circulaire ACOSS 2012-32 du 19/03/2012

Pour la détermination du taux de l’abattement, il n’est pas tenu compte de la période à laquelle les rémunérations se rapportent.

Ainsi, la règle du rattachement à la dernière paie pour la détermination du plafond, en cas de rupture du contrat de travail, ne vaut que pour le calcul du plafond, et non pour la détermination du taux de l’abattement.

Réduction FILLON

Circulaire ACOSS 2004-39 du 4/02/2004

A ce sujet, la circulaire ACOSS 2004-39 du 4/02/2004 indiquait que : 

  • Un salarié perçoit en mars 2004 un rappel de salaire alors qu’il a quitté l’entreprise en décembre 2003 ;
  • A quel mois l’entreprise doit-elle rattacher ce rappel de salaire pour le calcul de la réduction FILLON ?

La réponse est la suivante : 

  • Le salarié ayant quitté l’entreprise, le rappel de salaire doit être rattaché à la dernière paie. Dans l’exemple, l’employeur devra opérer une régularisation sur le calcul de la réduction de décembre 2003;
  • Par dérogation, les rappels de salaires ordonnés par décision de justice sont rattachés aux périodes d’emploi auxquelles ils se rapportent, comme pour le calcul des cotisations. 

Circulaire ACOSS 2012-80 du 11/07/2012

La circulaire indique que si des rappels de salaire font l’objet de versements postérieurs au départ du salarié, ils doivent être réintégrés à la rémunération prise en compte pour le calcul de la réduction au titre de l’année à laquelle se rapportent les rappels de salaire. 

Exemple : 

  • Un salarié perçoit en 2013 des rappels de salaires se rapportant à l’année 2012 ;
  • Ces sommes doivent être prises en compte (pour autant qu’elles soient concernées par la réduction FILLON bien entendu) au titre de l’année 2012.

Extrait de la LETTRE CIRCULAIRE n° 20120000080 du 11/07/2012

Si des rappels de salaire font l’objet de versements postérieurs au départ du salarié d’une entreprise, ces montants devront être réintégrés à la rémunération prise en compte pour le calcul de la réduction au titre de l’année à laquelle se rapportent les rappels de salaire.

Cotisations retraite complémentaire

Les caisses ARRCO et AGIRC répondent à cette situation particulière par le biais d’une lettre circulaire commune du 24/07/2003.

Les sommes versées à la suite d’une décision de justice sont :

  • Soumises aux taux et assiettes de cotisations applicables au moment du versement ;
  • Considérées comme étant des sommes isolées.

Extrait de la CIRCULAIRE COMMUNE ARRCO-AGIRC du  24/07/2003

6. RAPPELS DE REMUNERATIONS A LA SUITE D'UNE INSTANCE JUDICIAIRE

Lorsqu’un rappel de rémunérations est effectué à la suite d’une décision de justice, les cotisations et les droits en résultant doivent être calculés à partir des paramètres applicables à l’exercice au cours duquel intervient le paiement (assiette de cotisations, taux, salaire de référence). Ceci implique que le rappel de rémunération résultant d'une décision de justice soit traité comme une somme isolée et soumis à cotisations à  concurrence des assiettes des régimes Agirc et/ou Arrco de l'exercice de paiement, sans considération de la situation du participant (radié, participant actif au titre d'une nouvelle entreprise, participant chômeur, malade, …) au cours de ce même exercice.

Imposition sur le revenu

Conformément aux dispositions prévues par le CGI (articles 12 et 156), l’impôt est dû chaque année en raison des revenus dont il dispose au cours de la même année.

Article 12

L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année.

Les rappels de salaires seront soumis à l’impôt sur le revenu selon la date à laquelle les sommes sont mises à disposition du salarié. 

Si les sommes sont versées en 2012, elles feront partie des sommes qui peuvent faire l’objet d’une imposition au titre de l’année 2012 et non par rapport à la période concernée par les rappels de salaires. 

Le gestionnaire de paie peut toutefois inviter le salarié à se rapprocher des services des impôts afin de bénéficier éventuellement du « système du quotient » afin de répartir la somme perçue sur des années antérieures. 

Références

Lettre Ministérielle du 29 mars 1961. 

LETTRE CIRCULAIRE n° 20120000062 du 23/05/2012

Circulaire ACOSS 2004-39 du 4/02/2004.

LETTRE CIRCULAIRE n° 20120000080 du 11/07/2012

CIRCULAIRE COMMUNE ARRCO-AGIRC du  24/07/2003

LETTRE CIRCULAIRE n° 20120000032 du 19/03/2012

DIRECTION DE LA RÉGLEMENTATION DU RECOUVREMENT ET DU SERVICE POLE RÉGLEMENTATION ET SÉCURISATION JURIDIQUE / RÉGLEMENTATION ENTREPRISES

OBJET : Application de l'abattement représentatif de frais professionnels pour le calcul

de la CSG et de la CRDS