La démission bientôt « présumée » en cas d’abandon de poste ?

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C’est une disposition ajoutée à la loi « Marché du travail », via un amendement, et qui pourrait bien remettre en cause la définition même de la démission qui ne peut actuellement en aucun cas se présumer…

La démission bientôt « présumée » en cas d’abandon de poste ?
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Cet article a été publié il y a 2 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

L’amendement du 30 septembre 2022

L’amendement déposé le 30 septembre 2022, propose d’ajouter un nouvel article au code du travail ainsi rédigé :

Article L. 1237?1?1. 

Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire.

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.

L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article.

Pourquoi cet amendement ?

L’exposé sommaire proposé sur le site de l’Assemblée nationale, dans le cadre des travaux sur le projet de loi « Mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi », nous confirme que cet amendement :

  • Vise à instaurer une présomption simple de démission du salarié quand ce dernier quitte son poste volontairement ;
  • L’application de cette présomption reste conditionnée par une mise en demeure préalable de l’employeur à son salarié de reprendre son poste de travail. 

Droit aux allocations chômage 

  • En tant que démissionnaire, le salarié ne perçoit pas d’allocation chômage.
  • L’objectif est de limiter le recours des salariés à la pratique de l’abandon de poste lorsqu’ils souhaitent que leur relation de travail cesse, tout en étant indemnisé par l’assurance chômage.

Disposition non applicable 

  • Cette disposition ne s’appliquerait pas aux salariés qui quittent leur poste pour des raisons de santé ou sécurité conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur les abandons de poste.

Renverser la présomption

  • Cet amendement laisse également la possibilité au salarié de renverser cette présomption de démission devant le conseil des prud’hommes, selon une procédure accélérée.  

Exposé sommaire

Cet amendement a pour objet d’instaurer une présomption simple de démission du salarié quand ce dernier quitte son poste volontairement. L’application de cette présomption reste conditionnée par une mise en demeure préalable de l’employeur à son salarié de reprendre son poste de travail.

En tant que démissionnaire, le salarié ne perçoit pas d’allocation chômage.

L’objectif est de limiter le recours des salariés à la pratique de l’abandon de poste lorsqu’ils souhaitent que leur relation de travail cesse, tout en étant indemnisé par l’assurance chômage.

Cette disposition ne s’appliquerait pas aux salariés qui quittent leur poste pour des raisons de santé ou sécurité conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur les abandons de poste.
Cet amendement laisse également la possibilité au salarié de renverser cette présomption de démission devant le conseil des prud’hommes, selon une procédure accélérée.  

Une question déjà soulevée en 2019

La question de l’abandon de poste n’est pas nouvelle, une parlementaire avait interrogé la Ministre du travail à ce sujet, indiquant s’il n’était pas souhaitable d’envisager, dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage, de réformer les dispositions concernant l’abandon de poste, émettant ainsi l’idée de « modifier l'indemnisation chômage dans les situations d'abandons de postes afin de l'appréhender comme une démission. »

La réponse qui avait été donnée à l’époque, était de considérer « qu’il n’a pas été jugé opportun de modifier la réglementation sur ce point ».   

La réponse donnée :

  • Mettait en avant le fait que la Cour de cassation refuse de considérer que l'abandon de poste traduit une volonté réelle et non équivoque du salarié de démissionner de son emploi ;
  • Ainsi le fait que « l'abandon de poste n'est pas sans conséquence sur la situation de l'intéressé. En cas d'abandon de poste, l'ouverture du droit à l'assurance chômage reste en effet subordonnée à la rupture du contrat de travail, laquelle peut intervenir après un délai plus ou moins long pendant lequel le salarié ne perçoit ni rémunération, ni allocation d'assurance chômage et n'est en principe pas autorisé à reprendre un nouvel emploi ».

Question publiée au JO le : 09/07/2019 page : 6338

Réponse publiée au JO le : 15/10/2019 page : 9262

Texte de la question

Mme Typhanie Degois appelle l'attention de Mme la ministre du travail sur le régime d'indemnisation chômage des travailleurs ayant été licenciés suite à un abandon de poste. Tandis que l'article L. 5422-1 du code du travail dispose que tout travailleur apte au travail et recherchant un emploi peut bénéficier de l'allocation d'assurance chômage à la condition d'être privé involontairement d'un emploi, la législation actuelle intègre dans les bénéficiaires de l'assurance chômage les salariés licenciés suite à un abandon de poste. En effet, ce comportement fautif du salarié peut donner lieu à une procédure de licenciement pour faute réelle et sérieuse au titre de l'article L. 1232-1 du code du travail. Un licenciement pour faute grave peut également être décidé si l'employeur établit que l'absence du salarié entraîne une désorganisation de l'entreprise, ou si le salarié a quitté son poste délibérément tandis que l'employeur l'avait mis en garde. Au regard de la loi, l'abandon de poste n'est donc pas assimilé à une démission, alors que factuellement, celui-ci s'en rapproche fortement. En raison de cette différenciation, le salarié ayant abandonné son poste peut prétendre à une indemnisation au titre de l'assurance chômage. Dès lors que l'abandon de poste pénalise déjà l'entreprise, le droit à l'indemnisation chômage pour ces demandeurs d'emplois constitue une rupture d'égalité au regard des autres salariés démissionnaires. En ce sens et dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage, elle lui demande s'il est envisagé de modifier l'indemnisation chômage dans les situations d'abandons de postes afin de l'appréhender comme une démission.

Texte de la réponse

En application des articles L. 5421-1 et L. 5422-1 du code du travail, le bénéfice d'un revenu de remplacement est réservé aux travailleurs involontairement privés d'emploi ou assimilés comme tels par les accords d'assurance chômage. Aussi les salariés dont la privation d'emploi résulte d'une démission n'ont-ils, par principe pas droit à l'allocation d'assurance chômage. Pour autant, certaines dérogations à ce principe existent. Outre l'ouverture par la loi du 8 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel d'un nouveau droit à l'assurance chômage pour les salariés démissionnaires poursuivant un projet de reconversion ou de création d'entreprise, la réglementation actuelle d'assurance chômage assimile certaines situations de démissions à des privations involontaires d'emploi ouvrant droit à indemnisation. Il en va ainsi de certains cas de démissions dites « légitimes » ou encore de la possibilité offerte aux instances paritaires régionales (IPR) de Pôle emploi d'accorder le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage au salarié démissionnaire qui reste sans emploi à l'issue d'un délai de 121 jours suivant sa démission et justifie de démarches de recherche d'emploi durant cette période. Bien qu'imputable au comportement du salarié, le licenciement suite à abandon de poste reste quant à lui considéré, à l'instar des autres types de licenciements, comme une privation involontaire d'emploi par la réglementation d'assurance chômage. A ce titre, il ouvre droit à l'allocation d'assurance chômage. Dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage, il n'a pas été jugé opportun de modifier la réglementation sur ce point. En premier lieu, les motivations des salariés qui abandonnent leur poste peuvent être de nature extrêmement différente de sorte qu'il apparait délicat d'assimiler de manière systématique l'abandon de poste à une privation volontaire d'emploi. En ce sens, la Cour de cassation refuse de considérer que l'abandon de poste traduit une volonté réelle et non équivoque du salarié de démissionner de son emploi. En outre, l'abandon de poste n'est pas sans conséquence sur la situation de l'intéressé. En cas d'abandon de poste, l'ouverture du droit à l'assurance chômage reste en effet subordonnée à la rupture du contrat de travail, laquelle peut intervenir après un délai plus ou moins long pendant lequel le salarié ne perçoit ni rémunération, ni allocation d'assurance chômage et n'est en principe pas autorisé à reprendre un nouvel emploi. Si, dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute, ce délai est au plus de deux mois à compter du constat de l'abandon de poste, l'employeur, dans la mesure où il n'est pas tenu de procéder au licenciement du salarié, peut également laisser perdurer cette situation et priver ainsi de ressources le salarié pour une durée indéterminée.

Les conséquences et les points à régler

Si l’amendement était adopté en l’état :

  • Nous devrions alors revoir notre raisonnement actuel (basé sur les nombreux arrêts de la Cour de cassation à ce sujet), à savoir que « la démission ne se présume pas ». 

Il y aura également, selon nous, un autre point non négligeable à régler, c’est le traitement de la période de préavis. 

L’employeur sera-t-il en droit d’appliquer :

  • Les dispositions légales ou conventionnelles (ou les usages) prévues dans le cadre d’une démission (et permettre alors à l’employeur de réclamer le paiement d’une indemnité au titre d’un préavis non réalisé) ?
  • Ou bien d’appliquer celles existantes en matière de licenciement ?

Références

Amendement n°393 Déposé le vendredi 30 septembre 2022