Cet article a été publié il y a 2 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
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Présentation de l’affaire
Une salariée est engagée le 1er octobre 2004 par une école technique privée, selon 11 contrats de travail à durée déterminée à temps partiel, en qualité de chargée d'enseignement en sanitaire et social.
Elle saisit le 10 décembre 2015, la juridiction prud'homale de demandes en requalification des contrats de travail en un contrat à durée indéterminée et à temps complet ainsi qu'en paiement de diverses indemnités ou rappels de salaire subséquents.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel de Montpellier, par arrêt du 16 décembre 2020, déboute la salariée de sa demande.
- Tout en constatant que les contrats successifs ne comportaient pas de répartition journalière ou hebdomadaire de l'horaire de travail ;
- Elle considère, pour écarter néanmoins la requalification des contrats à temps partiel en un contrat à temps complet, que la salariée connaissait à l'avance ses plannings de travail et que l'employeur produisait un courriel de la salariée daté du 1er septembre 2014 mentionnant « une durée de 33 heures hebdomadaires en période scolaire ».
Extrait de l’arrêt :
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de requalification de ses contrats de travail à temps partiel en un contrat à temps complet et de sa demande de rappel de salaire subséquente, alors « que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet ; qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les contrats successifs conclus entre les parties ne comportaient pas de répartition journalière ou hebdomadaire de l'horaire de travail, mais a considéré, pour écarter néanmoins la requalification des contrats à temps partiel en un contrat à temps complet, que la salariée connaissait à l'avance ses plannings de travail et que l'employeur produisait un courriel de la salariée daté du 1er septembre 2014 mentionnant une durée de 33 heures hebdomadaires en période scolaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que l'employeur rapportait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, initialement convenue, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, cassant et annulant son arrêt, et renvoyant les parties devant la cour d’appel de Nîmes.
Pour cela, elle reprend les termes de l’article L 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi travail (NDLR : ces dispositions se retrouvent désormais au sein de l’article L 3123-6).
Article L 3123-14 : version en vigueur avant la loi travail
Version en vigueur du 17 juin 2013 au 10 août 2016
Modifié par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 12 (V)
Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
Article L 3123-6 : version en vigueur depuis la loi travail
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat.
L’argument retenu par la Cour de cassation est le suivant :
- Un contrat à temps partiel qui n’indique pas la répartition de la durée du travail est réputé avoir été conclu à temps partiel ;
- Sauf à l’employeur d’apporter les preuves que :
- Que le salarié est en mesure de prévoir à quel rythme il travaille, ne se trouvant alors pas en permanence à la disposition de son employeur;
- Et que le salarié ait connaissance de la durée exacte de travail convenue.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 3 juillet 2019, a d’ailleurs indiqué que ces 2 conditions sont cumulatives, en d’autres termes si l’une des 2 conditions n’est pas remplie, alors le contrat doit être requalifié à temps plein.
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 17-15.884 ECLI:FR:CCASS:2019:SO01103 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 03 juillet 2019 Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, du 02 février 2017
Dans l’affaire présente, il était effectivement constaté que l’employeur ne « rapportait la preuve de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, convenue », de sorte que le contrat devait être requalifié à temps plein.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
4. Selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
5. Pour débouter la salariée de sa demande de paiement d'un rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail en un contrat à temps complet, l'arrêt retient d'abord que les contrats de travail à temps partiel ne comportaient pas de répartition journalière ou hebdomadaire de l'horaire de travail, de sorte que la salariée était fondée à se prévaloir de la présomption qui en découle.
6. Ensuite, l'arrêt constate, d'une part, que l'employeur produit des emplois du temps et plannings ainsi que des attestations de professeurs indiquant que les emplois du temps étaient établis en chaque début d'année scolaire et que la salariée était donc informée de ses heures de cours ainsi que des périodes de stage des élèves et de vacances, d'autre part, que la société justifie par de tels emplois du temps communiqués aux enseignants au début de chaque année, lesquels tenaient compte des voeux exprimés par ces derniers, la salariée comprise ainsi que cela résultait d'un mail de sa part en date du 1er septembre 2014, mentionnant 33 heures de cours par semaine sans que celle-ci ne fasse état de modifications au cours de l'année scolaire, ni d'une année sur l'autre.
7. En statuant ainsi, sans constater que l'employeur rapportait la preuve de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, convenue, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs du dispositif condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité de requalification, de licenciement ainsi que d'une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Références
Arrêt du 14 septembre 2022, Cour de cassation, Pourvoi n° 21-12.251
Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA ECLI:FR:CCASS:2022:SO00916