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Présentation de l’affaire
Un salarié est engagé en qualité de chargé d'études le 14 décembre 2006.
Après avoir été convoqué par lettre du 16 février 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, il a adhéré le 7 mars 2017 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait, alors, été proposé, de sorte que la rupture de son contrat de travail est intervenue le 20 mars suivant.
Contestant le bien-fondé de cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment vis-à-vis de la clause de non-concurrence.
Concrètement :
- Le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence, assortie d'une contrepartie financière (NDLR : une des conditions requises permettant à la clause d’être licite) ;
- Et permettait à l’employeur de lever cette clause, sous réserve de prévenir le salarié par écrit dans les 8 jours suivant la notification de la rupture du contrat.
Précision importante :
- Il était également indiqué que la durée de l’interdiction de non-concurrence était d’un an, renouvelable une fois.
Le litige abordé ici reposait sur le fait que :
- Le salarié demandait le paiement de la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence, pour sa seconde année d’application ;
- L’employeur ne lui ayant en effet pas indiqué qu’il était libéré de cette clause au terme de la première année.
Arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel de Colmar, par arrêt du 19 mai 2020, donne raison au salarié, considérant présentement que :
- L’interdiction de concurrence d'une durée d'un an n'avait pas été renouvelée ;
- Mais qu'en énonçant que la dénonciation de l'interdiction de concurrence étant prévue en une fois, dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat ;
- Le salarié avait pu croire, à défaut de dénonciation expresse et claire, eu égard à l'ambiguïté née de l'emploi du terme "renouvelable", qu'il restait tenu du respect de la clause pendant encore une année à l'expiration des douze premiers mois et en lui allouant en conséquence l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année.
Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.
Elle considère en effet que :
- Le contrat de travail du salarié stipulait que « la durée de cette interdiction de concurrence sera d'un an, renouvelable une fois » ;
- Et qu’il était constaté que cette interdiction n'avait pas été renouvelée pour une nouvelle période d'un an ;
- L’employeur ne saurait être redevable de la contrepartie financière pour une seconde année.
En d’autres termes, la Cour de cassation indique ;
- Que seul le renouvellement exprès de la clause de non-concurrence ;
- Pouvait ouvrir droit au paiement d’une contrepartie financière pour une seconde année.
L’arrêt de la cour d’appel est cassé et annulé, la Cour de cassation renvoie les deux parties devant la cour d'appel de Nancy.
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
10. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année, l'arrêt retient que l'interdiction de concurrence d'une durée d'un an n'a certes pas été renouvelée, mais que la dénonciation de l'interdiction de concurrence étant prévue en une fois, dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat, le salarié a pu croire à défaut de dénonciation expresse et claire, eu égard à l'ambiguïté née de l'emploi du terme « renouvelable », qu'il restait tenu du respect de la clause pendant encore une année à l'expiration des douze premiers mois.
11. En statuant ainsi, alors que le contrat de travail du salarié stipulait que « la durée de cette interdiction de concurrence sera d'un an, renouvelable une fois » et qu'elle avait constaté que cette interdiction n'avait pas été renouvelée pour une nouvelle période d'un an, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur à payer une indemnité de non-concurrence pour la deuxième année n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamne la société (…) à lui payer les sommes de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 21 601,5 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année, ce avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2017, et ordonne le remboursement à Pôle emploi à la charge de la société Viessmann industrie France des indemnités de chômage versées à M. [L] dans la limite de six mois d'indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail, l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Références
Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 20-18.511 ECLI:FR:CCASS:2022:SO00947 Publié au bulletin
Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 21 septembre 2022 Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, du 19 mai 2020