Prise d’acte et ancienneté des faits invoqués

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Nous avons souhaité nous arrêter sur un arrêt de la Cour de cassation traitant d’une prise d’acte, affaire dans laquelle la cour d’appel avait mis en avant l’ancienneté des griefs invoqués par une salariée. Notre actualité vous explique.

Prise d’acte et ancienneté des faits invoqués
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Présentation de l’affaire

Une salariée est engagée le 7 octobre 2002, en qualité de secrétaire puis promue assistante ressources humaines.

A compter du 1er février 2015, la salariée a été en congé parental d'éducation et en juin 2015, a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Elle a exercé divers mandats depuis mars 2013.


Le 2 mai 2016, elle prend acte de la rupture de son contrat de travail puis saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail. 

Les griefs qu’elle met avant pour motiver sa prise d’acte, et la demande que cette prise d’acte produise les effets d’un licenciement nul (NDLR : salariée protégée) sont les suivants (les faits invoqués s’étant produits en 2014) :

  • Une dispense d'activité imposée ;
  • Un harcèlement moral ;
  • Un avertissement injustifié ;
  • Et une modification du contrat de travail illicite. 

Arrêt de la cour d’appel

Par arrêt du 13 janvier 2021, la cour d’appel de Paris déboute la salariée de sa demande, retenant le fait que :

  • La prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est intervenue que le 2 mai 2016 ;
  • Soit dix-huit mois après les derniers faits reprochés ;
  • Lesquels ne peuvent, compte tenu de leur ancienneté la justifier. 

Il en ressort, selon la cour d’appel, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission. 

L’arrêt de la Cour de cassation

Mais la Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les 2 parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée. 

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle à la cour d’appel :

  • Qu’il lui « appartenait d'apprécier la réalité et la gravité de ces manquements et de dire s'ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ». 

En outre, elle considère que la cour d’appel :

  • Ne saurait retenir la seule ancienneté des faits invoqués pour rejeter la demande de la salariée ;
  • D’autant plus que ces faits avaient par ailleurs motivés la salariée à prendre un congé parental en janvier 2015, suspendant ainsi son contrat de travail.


Réponse de la Cour

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1231-1 du code du travail :

  1. Pour rejeter la demande tendant à voir dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul, l'arrêt retient que les manquements et fautes de l'employeur à l'égard de la salariée à savoir, une dispense d'activité imposée, un harcèlement moral, un avertissement injustifié, une modification du contrat de travail illicite, sont intervenus en 2014, qu'ils ont motivé la décision de la salariée de prendre un congé parental qui a pris effet en janvier 2015 et suspendu son contrat de travail, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est intervenue que le 2 mai 2016 soit dix-huit mois après les derniers faits reprochés lesquels ne peuvent, compte tenu de leur ancienneté la justifier, de sorte que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission.
  2. En se déterminant ainsi, en se référant uniquement à l'ancienneté des manquements et alors qu'elle avait constaté que ces manquements avaient motivé la décision de la salariée de prendre un congé parental en janvier 2015, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'apprécier la réalité et la gravité de ces manquements et de dire s'ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société (…) à payer à Mme [Z] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 21-12.546 ECLI:FR:CCASS:2022:SO01057 Non publié au bulletin

Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 28 septembre 2022 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 13 janvier 2021