Prime conventionnelle liée à une condition de présence : la Cour de cassation précise

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C’est un souci que connaissent les gestionnaires de paie : comment interpréter la condition de présence fixée conventionnellement pour savoir si le salarié ouvre droit au paiement d’une prime ? La Cour de cassation vient de se prononcer à ce sujet.

Prime conventionnelle liée à une condition de présence : la Cour de cassation précise
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Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé, à compter du 1er février 2002, en qualité d'opérateur qualifié de sûreté aéroportuaire suivant contrat à durée indéterminée. 

Victime d'un accident du travail le 20 novembre 2014, son contrat de travail s'est, dès lors, trouvé suspendu.

Le 1er mars 2017, le salarié saisit la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de la prime annuelle, en vigueur au sein de la société, pour les années 2015 et 2016. 

Dans cette entreprise, la prime annuelle est versée en 1 seule fois, en novembre, sous respect d’une double condition, à savoir :

  • Justifier d’une ancienneté minimale d’un an ;
  • Et d’une présence au 31 octobre chaque année. 

« Cette prime n'est donc pas proratisable en cas d'entrée ou de départ en cours d'année, en dehors des cas de transfert au titre de l'accord conventionnel de reprise du personnel ».

Extrait Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985. Etendue par arrêté du 25 juillet 1985 (JO du 30 juillet 1985) - Textes Attachés - Annexe VIII : Dispositions particulières aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire (Ajouté par avenant du 31 juillet 2002)

2.5. Prime annuelle de sûreté aéroportuaire

Outre la prime de performance mentionnée à l'article 3.06 ci-après et spécifiquement eu égard aux pratiques salariales existantes pour d'autres métiers exercés sur les plates-formes aéroportuaires, les salariés entrant dans le champ d'application de la présente annexe perçoivent une prime annuelle de sûreté aéroportuaire égale à 1 mois du dernier salaire brut de base du salarié concerné, non cumulable dans l'avenir avec toute autre prime éventuelle versée annuellement. Cette prime est soumise à la totalité des cotisations sociales (assurance maladie, vieillesse et chômage, etc.)

Le versement de cette prime en une seule fois en novembre est subordonné à la double condition de 1 année d'ancienneté, au sens de l'article 6.05 des clauses générales de la convention collective nationale, et d'une présence au 31 octobre de chaque année. Cette prime n'est donc pas proratisable en cas d'entrée ou de départ en cours d'année, en dehors des cas de transfert au titre de l'accord conventionnel de reprise du personnel. Dans ce dernier cas, l'entreprise sortante réglera au salarié transféré ayant déjà acquis plus de 1 an d'ancienneté au moment de son départ le montant proratisé de cette prime pour la nouvelle période en cours. Le solde sera réglé par l'entreprise entrante à l'échéance normale du versement de la prime.


Finalement, il est licencié le 13 juillet 2017 pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 14 octobre 2020, déboute le salarié de sa demande. 

Si le salarié justifiait bien d’une ancienneté d’un an, cependant pour les années 2015 et 2016 « il n'était pas présent effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail ».

Extrait de l’arrêt :

 Pour rejeter la demande du salarié en paiement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire dite prime PASA, l'arrêt relève qu'il n'est nullement contesté que l'intéressé remplit la condition relative à son ancienneté, que cependant pour les années 2015 et 2016 il n'était pas présent effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail.  

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d'appel de Bordeaux, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant à ce titre les parties devant la cour d’appel de Toulouse. 

Selon la Cour de cassation les dispositions conventionnelles en vigueur et qui concernent le droit à la prime annuelle stipulent que :

« La condition de présence du salarié au 31 octobre de chaque année s'entend de la présence dans les effectifs de l'entreprise, au 31 octobre de chaque année, du salarié affecté à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire telle que ces dispositions la définissent ». 

En d’autres termes, la cour d’appel faisait ici une interprétation beaucoup plus stricte des dispositions conventionnelles, en retenant une présence « effective » dans l’entreprise, excluant ainsi tous les salariés dont le contrat aurait été suspendu le 31 octobre de chaque année du bénéfice de la prime. 

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article 1 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 et l'article 2.5 de la même annexe :
6. Selon le premier de ces textes, les dispositions de l'accord s'appliquent aux entreprises et aux personnels employés par elles qui, dans le cadre du champ d'application général de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, exercent effectivement toutes activités de contrôle de sûreté des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules effectuées sur les aéroports français. Elles cessent de s'appliquer aux personnels concernés dès lors qu'ils ne sont plus affectés à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire au sens ci-dessus défini.
7. Aux termes du second, outre la prime de performance mentionnée à l'article 3.06 ci-après et spécifiquement eu égard aux pratiques salariales existantes pour d'autres métiers exercés sur les plates-formes aéroportuaires, les salariés entrant dans le champ d'application de la présente annexe perçoivent une prime annuelle de sûreté aéroportuaire égale à 1 mois du dernier salaire brut de base du salarié concerné, non cumulable dans l'avenir avec toute autre prime éventuelle versée annuellement. Cette prime est soumise à la totalité des cotisations sociales (assurance maladie, vieillesse et chômage, etc.)
Le versement de cette prime en une seule fois en novembre est subordonné à la double condition de 1 année d'ancienneté, au sens de l'article 6.05 des clauses générales de la convention collective nationale, et d'une présence au 31 octobre de chaque année. Cette prime n'est donc pas proratisable en cas d'entrée ou de départ en cours d'année, en dehors des cas de transfert au titre de l'accord conventionnel de reprise du personnel. Dans ce dernier cas, l'entreprise sortante réglera au salarié transféré ayant déjà acquis plus de 1 an d'ancienneté au moment de son départ le montant proratisé de cette prime pour la nouvelle période en cours. Le solde sera réglé par l'entreprise entrante à l'échéance normale du versement de la prime.
8. Il résulte de ces dispositions conventionnelles que la condition de présence du salarié au 31 octobre de chaque année s'entend de la présence dans les effectifs de l'entreprise, au 31 octobre de chaque année, du salarié affecté à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire telle que ces dispositions la définissent.
9. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire dite prime PASA, l'arrêt relève qu'il n'est nullement contesté que l'intéressé remplit la condition relative à son ancienneté, que cependant pour les années 2015 et 2016 il n'était pas présent effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail.
10. Il retient que si la convention collective précitée prévoit une condition de présence à la date du paiement de la prime, le salarié, alors en arrêt de travail à cette date, ne peut y prétendre. Il ajoute qu'il s'agit d'une exigence de présence effective dans l'entreprise et non d'une exigence de présence continue aux effectifs comme a pu le soutenir le salarié.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] de ses demandes en paiement d'un rappel de prime de sûreté aéroportuaire et de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 14 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 21-15.963 ECLI:FR:CCASS:2022:SO01141 Publié au bulletin

Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 26 octobre 2022 Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 14 octobre 2020